Boursier.com : L’Etat était fortement endetté avant la crise, il l’est encore plus aujourd’hui. Est-ce inquiétant ?
J-P. B. : La dette augmente fortement pour deux raisons : la réduction des recettes fiscales due à la chute de la croissance et puis les programmes de soutien de l’Etat qui se chiffrent en Milliards d’Euros. Mais concernant l’endettement, la question est avant tout celle de sa mesure. Il y a en effet une dette publique connue et chiffrable : celle financée par les emprunts obligataires. Une dette connue mais dont les contours sont assez flous : la dette sociale, avec notamment les garanties implicites de l’Etat pour les retraites des fonctionnaires et enfin une nouvelle forme de dette, celle des garanties de l’Etat vis-à-vis du système bancaire. Un pays comme l’Irlande qui a garanti son système bancaire dans sa totalité a été obligé d’arrêter ce processus de garanties. Elles atteignaient 2,7 fois son PIB !
Boursier.com : Comment les marchés financiers appréhendent-ils la montée de cet endettement public ?
J-P. B. : Il n’est pas surprenant de voir remonter les taux d’intérêt à long terme. Ceci dit, dans une proportion mesurée. Il y a certes des interrogations sur la capacité de financement et de paiement des Etats, mais la remontée des taux ne le traduit pas encore totalement. Les marchés financiers parient aujourd’hui sur la reprise économique et se disent que l’endettement sera contrôlé, la remontée de la croissance devant assurer des rentrées fiscales. C’est l’hypothèse optimiste. Les marchés pensent aussi que si de nouvelles tensions apparaissent, les Etats vendront leurs dettes aux banques centrales… Beaucoup de pays pratiquent cela, en Europe on s’y refuse encore, mais en cas de crise de financement des Etats, il faudra peut-être s’y résoudre…
Boursier.com : Quelle solution pour la sortie de crise ?
J-P. B. : Innover davantage, beaucoup plus qu’on ne le fait actuellement au niveau local. L’effort ne doit pas venir uniquement de l’Etat, mais aussi des collectivités locales et notamment des régions. C’est bien au niveau local que doivent être soutenues les PME à travers les pôles de compétitivités.
Boursier.com : N’est-ce pas déjà le cas ?
J-P. B. : Pas assez et les investissements ne sont peut-être pas toujours adéquats. Le tissu des PME, très faible, handicape l’économie française. La solution passe donc par l’investissement dans l’innovation. Il faut mobiliser les unités locales et faire souffler un esprit d’innovation à travers les territoires pour créer la bonne équation qui fera la croissance de demain. Evidemment, investir dans l’innovation est plus risqué, mais c’est toujours gagnant à terme. La croissance ne se crée que par l’innovation.
Boursier.com : Le fonds souverain peut-il jouer un rôle dans cette logique de nouvelle croissance ?
J-P. B. : Le fonds souverain est un investisseur de long terme. Ses investissements doivent être réalisés sans précipitation. Le fonds ne doit pas être pressé par l’actualité, mais doit avoir une vision de long terme. Il doit être un appui pour des secteurs demandeurs de capitaux, sans promesse de retour sur investissement immédiat.
Boursier.com : Concernant la Loi TEPA et son volet ISF, après deux ans d’expérience, est-ce une bonne mesure ?
J-P. B. : La bonne idée est évidemment de supprimer l’ISF et d’accentuer l’Impôts sur le Revenu de façon à ce que l’Etat ne perde pas de recettes fiscales. Mais dans le cadre fiscal actuel, exempter d’ISF pour soutenir les PME a évidemment du sens. A condition de laisser le temps nécessaire aux développement des projets dans des PME innovantes.