La crise de Dubaï va-t-elle connaître un répit aujourd’hui ? Ce week-end, la Banque centrale des Emirats Arabes Unis s’est engagée à soutenir son voisin, sous conditions, et à injecter des liquidités pour aider les banques de la région après l’annonce d’un moratoire de Dubaï World sur sa dette… Dubaï World, la principale entreprise d’Etat de Dubaï, a été contrainte mercredi dernier de demander de moratoire sur 60 Milliards de Dollars de dettes, entraînant un début de panique sur les marchés financiers mondiaux.
Basée à Abu Dhabi, la capitale des EAU, la banque centrale va ainsi mettre à disposition des banques des liquidités supplémentaires pour atténuer l’impact de la crise. Elle a assuré les investisseurs que le système bancaire émirati était solide et a ajouté qu’elle suivait la situation « de très près ».
En ce qui concerne les dettes Dubaï World, qui s’élèvent à 60 Mds$, les autorités d’Abu Dhabi n’ont pas apporté de garantie globale, mais elles ont promis d' »examiner et d’aborder les engagements de Dubaï au cas par cas ». De nombreux observateurs estiment qu’Abu Dhabi, même s’il pose ses conditions, ne lâchera pas son petit voisin trop dépensier, car il y va de sa propre crédibilité et de celle de toute la zone du Golfe. Rappelons qu’Abu Dhabi avait déjà prêté 10 Mds$ en février dernier à Dubaï en souscrivant à une émission de bons du Trésor par l’Emirat, qui avait levé au total 20 Mds$.
De son côté, le gouvernement de Dubaï devrait s’exprimer aujourd’hui sur le sujet, alors que les marchés financiers de la région rouvrent ce matin après 4 jours de fermeture liée à la fête musulmane de l’Aïd al Adha…
L’annonce-choc de Dubaï World, qui porte l’essentiel de la dette de 80 Mds$ de Dubaï, a entraîné une chute des Bourses mondiales d’environ 4% la semaine dernière et des mouvements de changes brutaux (renforcement du Dollar et du Yen notamment). Vendredi, les marchés européens se sont néanmoins redressés, le premier choc s’estompant (+1,15% pour le CAC 40). Ce matin, les Bourses asiatiques rebondissent nettement, de l’ordre de 2 à 3% en séance, après les assurances fournies ce week-end par la Banque centrale des Emirats.
De leur côté, les autorités politiques se sont efforcées en fin de semaine dernière de relativiser cette crise. Les Premiers ministres britannique et français, Gordon Brown et François Fillon, ont ainsi estimé que l’économie mondiale, en voie de reprise, était désormais assez forte pour absorber un tel choc. Les sommes en jeu, bien qu’élevées, sont sans commune mesure par rapport à l’ensemble des dépréciations liées à la crise, estimées à 2.800 Milliards de Dollars (dont 1.700 environ ont déjà été prises en comptes dans les bilans des banques).
Il est vrai qu’Abu Dhabi dispose de moyens financiers considérables, qui lui permettent d’envisager un soutien important à son « petit frère ». En premier lieu, il est assis sur 8% des réserves pétrolières mondiales et se classe au troisième rang mondial des exportateurs d’or noir. En second lieu, son fonds souverain, Adia, est le plus important du monde : ses actifs étaient évalués à 650 Milliards de Dollars avant la crise et restent élevés même s’ils ont été amputés depuis.
A l’inverse, Dubaï a presque épuisé ses réserves pétrolières (les exportations de pétrole ne représentent plus que 5% de son PIB), et a fait le pari de la construction d’une cité-Etat dédiée aux loisirs, au tourisme de luxe et à la finance. Inspirée par la vision personnelle de l’émir Sheikh Ahmed Bin Saeed Al-Maktoum, cette reconversion à marche forcée a entraîné un afflux de capitaux et une spéculation immobilière sans précédent, qui ont permis la construction, entre autres, de la tour Burj Dubaï, la plus haute du monde (810 mètres) et de l’île artificielle de Palm Island.
La crise financière mondiale est intervenue au plus mauvais moment pour l’Emirat, déjà prise dans une bulle immobilière, entraînant un effondrement des prix de l’immobilier depuis deux ans et mettant en danger les promoteurs et leurs banques créancières. L’admission tardive par Dubaï World de ses graves difficultés est un coup de semonce, mais il ne sonne pas pour autant, comme le croient certains, le retour Dubaï à l’oubli dans les sables du désert … Comme la crise des « subprimes » au plan mondial, ce nouveau soubresaut marque toutefois la fin d’un modèle aux ambitions pharaoniques, bâti sur les sables mouvants du crédit facile. Sur le plan stratégique, il se profile sans doute la reprise en main de Dubaï par son voisin Abu Dhabi, tout auréolé d’une image de gestionnaire prudent, et désormais placé en position de force pour dicter ses conditions à son voisin indiscipliné.