Jamais les entreprises n’ont eu autant de liquidités. Réductions d’effectifs, baisse des coûts, puis reprise de la demande ont permis aux grandes sociétés d’amasser des montants conséquents de liquidités ces derniers mois. Les sociétés non financières détenaient ainsi 1.800 Milliards de dollars de liquidités et d’actifs à court terme à la fin du deuxième trimestre, selon la Réserve fédérale. Mais au lieu d’investir cet argent dans de nouveaux outils de production ou d’embaucher du personnel, les grands groupes américains préfèrent racheter en masse leurs propres actions. Selon la firme Associates Birinyi citée par le « Washington Post », les entreprises américaines ont jusqu’à présent cette année annoncé avoir acheté à hauteur de 273 Milliards de dollars leurs propres actions, soit plus de cinq fois le montant à la même époque l’an dernier.
« Certaines entreprises rachètent leurs propres actions en partie parce qu’elles ne veulent pas investir dans le développement de nouveaux produits ou de services alors que la demande des consommateurs reste faible », affirme au journal américain, Zachary Karabell, directeur de RiverTwice Research. « Ils ne savent pas ce qu’ils veulent faire avec tout l’argent sur lequel ils sont assis ». Les taux d’intérêt historiquement bas ont également incité certaines sociétés à emprunter pour racheter leurs actions.
Le WP note ainsi que Microsoft a emprunté 4,75 Milliards de dollars le mois dernier par l’émission de nouvelles obligations à taux d’intérêt extrêmement bas et a annoncé qu’il allait utiliser une partie de cet argent pour racheter des actions. La société compte déjà près de 37 Milliards de dollars de trésorerie, mais une grande partie de cette somme est détenue par ses opérations à l’étranger. Or, le géant de l’informatique est réticent à rapatrier cet argent, en raison du haut niveau d’imposition.
Parmi les plus gros rachats d’actions de l’année, Hewlett-Packard, premier fabricant mondial d’ordinateurs a annoncé en août qu’il allait dépenser 10 Milliards de dollars pour réaliser ce type d’opérations. En mars, Pepsico avait de son côté fait part de son intention de racheter jusqu’à 15 Milliards de dollars de ses actions ordinaires au cours des trois prochaines années.
« C’est de l’argent totalement gaspillé », affirme William Lazonick, professeur à l’Université du Massachusetts et directeur du Centre pour la compétitivité industrielle. « Cela ne fait rien à long terme pour les entreprises ». Lazonick ajoute que les cadres exécutifs aiment les rachats de titres car ils augmentent leurs propres stock-options. A contrario, « Il y a des moments où la meilleure chose à faire pourrait bien être de racheter ses actions et émettre en retour à des prix plus élevés », déclare au Washington Post, Jim Paulsen, stratège chez Wells Capital Management. « Il n’y a rien de mal à cela ».