A quelques semaines des élections américaines, la Réserve Fédérale paraît déterminée à faire « tourner la planche à billets » pour relancer l’économie. Saluée par anticipation par les marchés, cette seconde vague d’assouplissement quantitatif (baptisé « QE2 » pour « Quantitative Easing 2 », consistant à acheter massivement des titres tels que des obligations d’Etat ou des créances immobilières), commence à donner le tournis, et peut-être jusqu’au sein même de la Fed !…
Ainsi, la nouvelle vice-présidente de la Réserve fédérale, Janet Yellen, a souligné hier dans son premier discours, les risques liés à une politique de taux très bas, qui est susceptible de créer des bulles en laissant les acteurs du marché prendre des risques excessifs… Elle s’est toutefois montrée confiante dans le fait que la Fed parviendrait à « retirer le bol de punch avant que la fête ne déraille ! »…
Un optimisme que ne partagent pas d’autres acteurs du marché, à commencer par les acheteurs d’or, qui ont projeté le métal jaune à de nouveaux sommets historiques depuis deux semaines, à la recherche d’un refuge contre les incertitudes économiques et contre l’inflation qui pourrait découler des masses de liquidités injectées sur les marchés par les banques centrales.
De son côté, le Prix Nobel d’Economie Joseph Stiglitz a des mots assez durs pour la Fed. Dans un commentaire publié ce matin par ‘Les Echos’, l’économiste se demande si l’institution est « encore utile ». Il estime ainsi qu’après avoir baissé ses taux à zéro, « la dernière arme de la Fed, les politiques monétaires non conventionnelles (« quantitative easing »), pourrait s’avérer tout aussi inefficace pour raviver l’économie américaine. Mais, pis encore, cet assouplissement monétaire quantitatif coûtera cher aux contribuables ».
Selon lui, la Fed a échoué par le passé à empêcher la formation d’une bulle spéculative, et elle « tente aujourd’hui de redorer son blason » en stimulant l’économie. Mais le « quantitative easing ne parviendra pas vraiment à stimuler directement l’activité », estime encore Stiglitz, même s’il peut avoir des effets positifs, à commencer par la dévaluation concurrentielle.
En favorisant la baisse du Dollar, la politique de la Fed « donne aux Etats-Unis un avantage concurrentiel dans ses échanges commerciaux », mais elle provoque aussi des bulles dans les pays émergents inondés de capitaux fuyant le Dollar…. Un second effet positif de la politique de la Fed pourrait être de « faire baisser le taux des prêts hypothécaires, ce qui permettrait de soutenir les prix de l’immobilier », estime Joseph Stiglitz tout en jugeant cet effet « très faible ».
Au final, l’économiste estime que si les avantages sont incertains, « les coûts potentiels de la politique de la Fed sont énormes… La Fed a racheté plus de mille milliards de dollars de prêts hypothécaires, dont la valeur s’effondrera lorsque la croissance repartira ! Le gouvernement peut prétendre qu’il n’a pas subi de perte majeure, parce que, contrairement aux banques, il n’est obligé d’évaluer ses comptes à la valeur du marché. Mais personne n’est dupe – même si la Fed garde les obligations jusqu’à maturité », conclut-il.