Les « stock tokens » refont parler d’eux depuis que Robinhood, Coinbase ou Superstate multiplient les annonces. Pourtant, avant de détrôner Wall Street, ces actions tokénisées doivent combler plusieurs lacunes structurelles qui freinent leur adoption auprès du grand public et des institutionnels.
Des droits d’actionnaires encore flous
En effet, la plupart des titres en circulation ne confèrent aucun droit de vote. Les détenteurs reçoivent un jeton échangeable contre un équivalent en cash, pas l’action sous-jacente. Cette promesse repose sur la solvabilité d’un dépositaire centralisé – un risque de contrepartie que la DeFi prétend justement éliminer.
Toutefois, l’approche dite « bearer shares » imaginée par ether.fi offrirait des parts véritablement natives à la chaîne. Les actions deviendraient alors transférables sans intermédiaire, mais heurteraient de front la réglementation, notamment le Securities Act américain.
Superstate propose un compromis : ses actions Opening Bell sont listées directement sur Ethereum ou Solana, avec des règles de transfert programmées. Ainsi, l’investisseur récupère des droits légaux, tout en respectant l’AML/KYC exigé par les autorités.
Liquidité fragmentée et frais cachés
Par ailleurs, la multiplication des émetteurs privatifs scinde la liquidité entre plusieurs jetons d’une même société. Un même titre Apple peut coter simultanément sur six blockchains, chacune avec ses propres carnets d’ordres et spreads.
Désormais, des courtiers tentent de résoudre ce casse-tête en créant des ponts inter-chaînes, mais les arbitrages restent coûteux. Le tableau de CoinMarketCap montre que la plupart de ces actifs tournent sous les 5 millions $ de volume quotidien, contre des milliards pour le Nasdaq.
Afin de mutualiser la profondeur de marché, certains acteurs testent un « order-book unifié » relayé en temps réel vers les DEX et CEX partenaires. La norme ERC-7621 portée par Robinhood Chain promet une compensation en quelques secondes, mais doit encore prouver sa résilience lors de mouvements extrêmes.
Let’s tokenize.
Starting today, European investors get exposure to U.S. stocks and ETFs, powered by our new blockchain-based tokenization technology.#RobinhoodPresents https://t.co/g2tVe86dUu pic.twitter.com/2KD1uVRoUz
— Robinhood (@RobinhoodApp) June 30, 2025
L’épreuve de la conformité multiréglementaire
Cependant, chaque juridiction applique ses propres garde-fous : en Europe, MiCA encadre les jetons adossés à des actions, alors que la SEC américaine exige un prospectus ou une exemption Reg A+. Le statut change donc au gré des frontières, compliquant la distribution globale.
Ainsi, un investisseur français peut acheter un jeton Tesla listé aux Bermudes, mais devra parfois passer un KYC renforcé s’il se connecte depuis les États-Unis. Cette rigidité freine la promesse d’accessibilité « 24/7 » mise en avant par les plateformes.
Pour contourner ces barrières, Robinhood Europe a choisi un montage où un trust suisse détient les actions réelles, tandis qu’un smart contract gère les jetons. Le modèle semble conforme à la FINMA, mais reste susceptible d’évolutions réglementaires rapides.
Vers un standard gagnant ?
Toutefois, la plupart des analystes s’accordent : un réseau dominant et un jeu de règles partagées finiront par s’imposer. L’histoire de l’Internet financier montre qu’un protocole unique maximise les effets de réseau.
En attendant, les investisseurs doivent surveiller trois indicateurs : la part de jetons assortis de droits réels, le ratio volume/capitalisation, et la clarté juridique dans les grandes places financières. Quand ces voyants passeront au vert, la tokenisation boursière pourra réellement décoller.
Pour approfondir ces enjeux, consultez notre analyse des actions US sur blockchain publiées la semaine dernière.
Sources
Sur le même sujet