La fraude fiscale liée aux cryptomonnaies est un phénomène mondial qui pose de nombreux défis aux autorités fiscales. Les cryptomonnaies sont des actifs numériques qui fonctionnent sur la base de la blockchain, une technologie décentralisée qui permet de sécuriser les transactions et d’éviter les intermédiaires. Les cryptomonnaies sont souvent utilisées comme moyen de paiement alternatif, mais aussi comme une forme d’investissement spéculatif.
Elles présentent des caractéristiques qui les rendent difficiles à contrôler par les administrations fiscales. Elles sont en effet anonymes, volatiles, transfrontalières et peu régulées, et elles sont donc propices à la fraude fiscale, notamment en matière d’évasion, d’optimisation ou de blanchiment.
La fraude fiscale liée aux crypto-monnaies peut prendre différentes formes, selon le type d’acteur impliqué et le type d’opération réalisée, selon trois catégories principales de fraudeurs.
Les particuliers qui ne déclarent pas au fisc leurs gains ou pertes
Les particuliers qui détiennent des cryptomonnaies et qui ne déclarent pas leurs gains ou leurs pertes à l’administration fiscale, peuvent échapper à l’imposition sur les revenus ou sur les plus-values, selon le régime fiscal applicable dans leur pays.
Par exemple, en France, les gains réalisés par les particuliers lors de la cession de cryptomonnaies sont soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 %, sauf si l’activité est exercée à titre habituel, auquel cas elle relève des bénéfices non commerciaux (BNC). Les pertes ne sont pas déductibles du revenu imposable, sauf si régime du BNC. Les particuliers doivent également déclarer la valeur de leurs cryptomonnaies détenues au 1er janvier de chaque année dans leur déclaration d’impôt sur la fortune immobilière (IFI).
Les professionnels pour qui les cryptos sont un moyen de paiement ou d’optimisation fiscale
Les professionnels qui utilisent les cryptomonnaies comme moyen de paiement ou comme outil d’optimisation fiscale peuvent dissimuler une partie de leur chiffre d’affaires ou de leurs bénéfices, ou transférer des fonds vers des paradis fiscaux.
Par exemple, en France, les professionnels doivent déclarer leurs opérations en cryptomonnaies dans leur comptabilité et les soumettre à la TVA, à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu, selon leur régime fiscal, et ils doivent respecter les obligations déclaratives relatives aux comptes ouverts ou utilisés à l’étranger.
Les criminels qui blanchissent l’argent sale grâce aux cryptos
Les criminels qui utilisent les cryptomonnaies pour blanchir de l’argent sale ou financer des activités illicites peuvent profiter de l’anonymat et de la rapidité des transactions en cryptomonnaies pour échapper aux contrôles des autorités financières et judiciaires.
Par exemple, en 2021, les arnaques aux cryptomonnaies ont représenté un montant de 7,7 milliards de dollars dans le monde, selon une étude de Chainalysis, société spécialisée dans l’analyse des données issues de la blockchain, accusant une hausse de 81 % par rapport à 2020, année qui n’avait pas connu de grande pyramide de Ponzi.
Les fraudes fiscales liées aux cryptos qui ont défrayé la chronique
Les cryptomonnaies apparaissent dans 4 affaires de fraude fiscale sur 10 aux USA. Au palmarès de ces fraudes fiscales record 2023, selon l’Internal Revenue Service (IRS), le Fisc américain :
-Karl Sebastian Greenwood, citoyen suédois et britannique, qui a cofondé OneCoin avec Ruja Ignatova, alias la Cryptoqueen.
-Mark Anthony Gyetvay, condamné à 7 ans de prison fédérale et à payer plus de 4 millions de dollars de dédommagement à l’IRS pour une histoire d’impôts non payés sur des sociétés offshores.
-M. Carrasquillo qui blanchissait les fonds de deux escrocs sur Internet (arnaques à l’amoureux) et qui les récupérait en bitcoins, le malheur pour lui et eux, ayant été qu’il ait oublié de déclarer son entreprise à l’administration fiscale, et donc omis de payer l’impôt pendant des années, lui coûtant 8 ans de prison ferme et 40 000 dollars d’amende !
-Bill Omar Carrasquillo, connu sur YouTube sous le nom d’Omi in a Hellcat, s’est vu confisquer 30 millions de dollars et devra en payer 15 de plus en dédommagement, dont 5 à l’IRS, pour « violation de droits d’auteur ».
– James Zhong a été condamné à un an de prison pour avoir dérobé 50 000 bitcoins sur Silk Road, marketplace très active de la grande époque du Dark Web. Pendant 10 ans, il a ensuite déplacé, redéplacé puis vendu, swapé et encore transférer ses fonds pour essayer de semer les enquêteurs. En vain, ses parts dans une société, de l’argent liquide et des métaux précieux ont été saisis, mais surtout, il a dû renoncer à ses précieux bitcoins.
– Le fondateur d’Oyster Protocol Amir Bruno Elmaani, alias Bruno Block, a d’abord créé et vendu le jeton Pearl en 2017 dans une sordide histoire de stockage de données décentralisées, mais l’année suivante, il s’est fait rattraper par le fisc américain car ne déclarant aucun revenu à l’IRS, alors qu’il avait dépensé pour 10 millions de dollars en yachts de luxe et plusieurs millions pour acheter une maison et une entreprise, usant de faux noms, le faisant condamner à 4 ans de prison et à 5 millions de dollars de restitution fiscale.
– Edward Kim a été condamné à 24 ans de prison fédérale pour avoir obtenu frauduleusement près de 5,5 millions de dollars d’allocations chômage liées au COVID.
– Ayodele Arasokun, a organisé un vaste stratagème d’arnaques basées sur de fausses déclarations de revenus qu’il gonflait, pour demander ensuite des remboursements, détournant près de 2 millions de dollars.
Les autorités fiscales s’organisent et coopèrent pour lutter contre ces risques
Face à ces risques, les autorités fiscales cherchent à renforcer leurs moyens d’action et de coopération pour lutter contre la fraude fiscale liée aux cryptomonnaies, et plusieurs mesures ont été prises au niveau national et international.
Mise en place d’un cadre règlementaire
La mise en place d’un cadre réglementaire harmonisé pour surveiller les activités liées aux cryptomonnaies. Par exemple, le règlement européen sur les marchés de crypto-actifs (Markets in Crypto-Assets, ou MiCA) a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 9 juin 2023. Il sera applicable à partir du 30 décembre 2024, à l’exception des dispositions sur les stablecoins qui entreront en application dès le 30 juin 2024.
Ce règlement vise à instaurer des règles communes en matière d’émission, de négociation, de conservation et de supervision des cryptoactifs, ainsi qu’à renforcer la protection des consommateurs et la prévention du blanchiment d’argent.
Collecte et échange d’informations entre administrations fiscales
La collecte et l’échange d’informations entre les administrations fiscales et les acteurs du secteur des cryptomonnaies s’organise, comme en France, où les plateformes d’échange de cryptomonnaies doivent s’identifier auprès de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) et transmettre à l’administration fiscale les informations relatives aux transactions réalisées par leurs utilisateurs.
Au niveau international, l’OCDE travaille à l’élaboration d’un cadre commun pour la déclaration par les intermédiaires financiers des transactions en cryptomonnaies.
Des contrôles fiscaux renforcés
Le renforcement des contrôles fiscaux et des sanctions en cas de fraude est l’un des moyens de lutter contre la fraude fiscale liée aux cryptos. Par exemple, en France, le contrôle fiscal des cryptomonnaies peut être effectué par différents moyens, tels que l’examen de comptabilité, le contrôle sur pièces, le droit de communication ou la surveillance des réseaux sociaux.
En cas de fraude fiscale, le montant de l’impôt initialement dû peut être majoré de 80 %, voire de 100 % en cas d’utilisation de comptes ouverts ou utilisés à l’étranger (non déclarés). Des poursuites pénales peuvent aussi être engagées à la suite de plaintes pour fraude fiscale (retenues par la CIF – Commission des Infractions Fiscales), pouvant entraîner des peines d’emprisonnement et des amendes.
Conclusion
La fraude fiscale liée aux cryptomonnaies est un enjeu majeur pour les finances publiques et la sécurité financière. Les autorités fiscales doivent donc s’adapter à cette nouvelle réalité et se doter des outils nécessaires pour assurer le respect des obligations fiscales et la lutte contre la fraude.
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