Entretien avec Jacques de Chateauvieux, PDG de Bourbon

Boursier.com : Comment expliquez-vous l’inflexion positive du chiffre d’affaires de Bourbon sur le second trimestre 2010 ?

J.C. : Le fait marquant de ce second trimestre a été la progression de plus de 50% de l’activité vrac. Cela reflète l’importance de notre flotte et la bonne orientation du marché. La division off-shore a également progressé mais de façon moins importante (+4,5%) avec une forte croissance des navires appartenant à Bourbon et une réduction notable de ceux que nous affrétons.

Boursier.com : L’amélioration graduelle dans le domaine de l’offshore va-t-elle se poursuivre au cours des prochains mois ?

J.C. : Nous avons constaté une amélioration du taux d’utilisation de nos navires entre le premier et le second trimestre (+ 3 points). Nous pensons que l’amélioration va se poursuivre au cours du second semestre et que nous retrouverons progressivement les niveaux d’avant-crise. Cela se matérialisera dès la fin 2010 et tout au long de l’année 2011.

Boursier.com : La marée noire dans le Golfe du Mexique pourrait-elle avoir des conséquences sur votre activité ?

J.C. : Très certainement. En cas de catastrophe de ce type, les professionnels revoient leur degré d’exigence vis-à-vis de leurs installations (sécurité, performance opérationnelle) et de leurs prestataires. Or nous intervenons en tant que tel en ce qui concerne les activités de production, d’exploration et de développement des champs pétroliers. Ainsi les navires les plus anciens auront du mal à trouver preneurs, ce qui est aussi une bonne nouvelle pour Bourbon car nous disposons de la flotte la plus moderne parmi les opérateurs du marché.

Boursier.com : Etiez-vous présents dans le Golfe du Mexique ?

J.C. : Les étrangers ne peuvent opérer dans le Golfe du Mexique du côté des Etats-Unis, à moins de posséder une filiale dont 75% des parts appartiennent à des Américains. En revanche nous sommes présents au Mexique, où nous possédons une quinzaine de navires en opération. Il s’agit d’un marché en croissance sur lequel nous sommes en présence avec un partenaire local, ce qui est un gage de bonne intégration et de bon développement.

Boursier.com : Pourquoi la marge devrait-elle baisser sur la première partie de l’année 2010 ?

J.C. : D’une part, la progression du chiffre d’affaires est faible. D’autre part, nous recevons une livraison de navire tous les douze jours, ce qui augmente les charges d’amortissement de Bourbon. Ainsi nous nous attendons à un « pincement » de notre résultat opérationnel qui sera significatif mais temporaire.

Booursier.com : En conséquence, la profitabilité remontera au second semestre…

J.C. : Nous pouvons nous attendre à une remontée du taux d’utilisation et donc des taux de marge. Mais cela dépendra également du niveau de prix… Sur ce point des incertitudes demeurent toujours quant à savoir si l’équilibre emploi/ressources, offre/demande de pétroliers, permettra une revalorisation des tarifs ou au contraire un maintien des prix à un niveau relativement bas…

Boursier.com : Comment expliquez-vous le ralentissement de la croissance d’activité sur la division ‘offshore’ au troisième trimestre ?

J.C. : La progression de l’activité, même si elle reste vigoureuse, est moins rapide du fait du ralentissement des dépenses des pétroliers, qui souhaitent certainement protéger leurs résultats 2009 et ont freiné un certain nombre de projets. Les nécessités des bateaux ont été moins élevées, mais 75% de notre activité est contractualisée à moyen-long terme, et c’est sur la part contractualisée que nous sommes impactés par les évolutions de marché. Le taux d’utilisation de nos navires reste très élevé, à plus de 90%, ce qui veut bien dire que les clients prennent prioritairement les bateaux de Bourbon…

Boursier.com : La baisse de la demande vous a-t-elle obligé à freiner votre plan d’investissement ?

J.C. : Pas du tout ! Nous avons maintenu la totalité de nos investissements et, dans quelque temps, nous regretterons même qu’ils n’aient pas été plus nombreux…

Boursier.com : Comment envisagez-vous l’année 2010 ?

J.C. : Les pétroliers ont annoncé qu’ils relançaient leurs plans d’investissement et qu’un certain nombre de projets ralentis ou arrêtés vont reprendre… Mais il faudra du temps pour que l’impact sur les fournisseurs se ressente. Nous pensons donc que le point d’inflexion du marché se situera au cours de la première moitié de 2010 et qu’au cours de la deuxième partie de l’année nous devrions sentir l’impact sur notre activité.

Boursier.com : Qui sont vos grands concurrents ?

J.C. : Nous sommes co-leader avec Tidewater, qui est notre grand concurrent. Aujourd’hui nous avons 335 bateaux et environ 140 en construction. Bourbon est de très loin celui qui dispose de la flotte la plus complète et la plus moderne dans la profession…

Boursier.com : Y a-t-il des secteurs géographiques où vous êtes peu présents ?

J.C. : Nous sommes beaucoup moins présents sur les Etats-Unis, puisque dans les eaux américaines, les étrangers ne peuvent pas intervenir, ou avec de nombreuses contraintes… Nous sommes aussi peu implantés en Mer du Nord, qui est un marché ‘spot’ qui compte environ 200 bateaux en opération, et seulement 4 ou 5 pour Bourbon. Ailleurs, nous sommes très présents dans les grandes zones d’offshore profond, essentiellement la côte occidentale d’Afrique, le Brésil et de plus en plus l’Inde, le Moyen-Orient et l’Asie.

Boursier.com : Quelle est la situation des volumes ?

J.C. : Dans nos bateaux, qui sont gréés jusqu’à 60.000 tonnes, nous avons vu un redémarrage des tonnages et les volumes sont relativement bons par rapport aux autres années. Nous transportons des mineraies, du charbon, du calcaire, du bois…

Boursier.com : C’est une activité qui reste stratégique pour Bourbon à l’avenir ?

J.C. : C’est une activité qui est différente de l’offshore, qui a apporté une contribution importante en 2006, 2007 et 2008 pour les résultats de Bourbon et pour sa génération d’EBITDA. Reste à savoir comment ces activités vont se développer les unes par rapport aux autres dans le futur… Bourbon a toujours été très pragmatique et, à ce stade, il n’y a pas d’autre commentaire à faire.