À Mumbai, la plus grande scène fintech de l’année a soigneusement évité crypto et stablecoins. Une absence qui a frappé les esprits, alors que le marché affiche des volumes records et des prix au plus haut. Faut-il y voir un choix stratégique durable ou un simple contretemps réglementaire ?
Un silence volontaire au Global Fintech Fest
Le Global Fintech Fest se tenait du 7 au 9 octobre et a réuni près de 100 000 participants et plus de 800 intervenants. Les Premiers ministres indien et britannique y ont pris la parole, ce qui montre que c’est un rendez-vous devenu géopolitique. Toutefois, les organisateurs de l’événement ont demandé d’éviter tout propos sur crypto et stablecoins.
Ce choix tranche avec l’actualité des marchés, dans laquelle Bitcoin tutoie ses records. En effet, les flux vers les produits d’investissement crypto se sont intensifiés durant la semaine. Pourtant, à Mumbai, la thématique crypto est restée hors-champ, malgré la présence d’un public d’investisseurs internationaux.
Message stratégique à l’Asie, priorité au e-roupie
L’Inde met clairement l’accent sur l’e-roupie et l’infrastructure domestique. La Banque centrale a lancé un retail sandbox pour sa CBDC, afin d’industrialiser des cas d’usage concrets. Elle envoie donc un signal clair: accélérer le numérique… sans dépendre des stablecoins.
Cette stratégie s’inscrit dans une feuille de route plus large incluant notamment des tests de tokenisation, des paiements interbancaires et des cadres d’expérimentation. Sur ce terrain, la RBI a aussi ouvert un pilote de tokenisation des dépôts, déjà analysé par ActuFinance.
Smt @nsitharaman delivered the inaugural address at the Global Fintech Fest 2025 (@GffFintechfest) in Mumbai, Maharashtra. #GFF #GlobalFintechFest pic.twitter.com/nxQWLkEBAl
— Nirmala Sitharaman Office (@nsitharamanoffc) October 7, 2025
Un contraste avec Tokyo et Singapour
À l’échelle asiatique, l’Inde emprunte donc une voie singulière. Le Japon, par exemple, a ouvert la porte aux stablecoins régulés, et attire les acteurs internationaux. Singapour, de son côté, renforce un cadre déjà mature pour les émetteurs sérieux.
Ce différentiel pourrait bien réallouer capital et talents vers les hubs pro-crypto. Dès lors, les fintech indiennes exposées aux usages Web3 pourraient chercher des structures à l’étranger, notamment à GIFT City ou hors du pays. Tout choix politique pèse sur la chaîne d’innovation.
Conséquences pour investisseurs et régulateurs
Du côté des investisseurs, l’absence de panels crypto lors de la Global Fintech Fest réduit sensiblement la visibilité sur le cadre futur. Selon les données citées lors de l’événement, le financement fintech local a reculé à 3,5 Md$ en 2024, après 9,2 Md$ en 2021. Un repli qui nourrit un certain attentisme sur les actifs numériques.
Pour les régulateurs, le sujet n’est pourtant pas marginal. À l’échelle mondiale, les stablecoins dépassent désormais les 300 Md$ de capitalisation, avec une domination du dollar. Ignorer cette réalité expose à des arbitrages de place défavorables.
Reste enfin la question de la diplomatie économique. Le Royaume-Uni a bien sûr profité de la tribune pour courtiser l’écosystème indien, promettant un pont d’innovation et de capitaux. Par conséquent, il convient de rester à l’affût, car une coordination internationale pourrait rebattre les cartes plus vite qu’on ne le pense.
Sources
- Reuters — India leaves crypto and stablecoins at the door in fintech jamboree
- Reuters — India’s central bank launches digital currency retail sandbox
- Global Fintech Fest 2025