Dans la bataille pour devenir la place de référence des marchés de prédiction, un déplacement brutal de liquidité s’est opéré. Sur la semaine du 11 au 17 septembre, Kalshi a capté l’essentiel de l’activité aux États-Unis, reléguant Polymarket au second plan. Au-delà du score, la dynamique révèle deux modèles distincts de produits et d’usages, avec des implications directes sur la vitesse de rotation des capitaux, la profondeur de carnet et la régulation à venir.
Kalshi prend la main sur les volumes
D’abord, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Sur la période, Kalshi a concentré environ 62 % des volumes du secteur, contre 37 % pour Polymarket. Concrètement, cela s’est traduit par plus de 500 millions de dollars échangés en une semaine chez Kalshi, avec un intérêt ouvert moyen proche de 189 millions, quand Polymarket tournait autour de 430 millions de volume et 164 millions d’intérêt ouvert.
Ensuite, le ratio intérêt ouvert sur volume éclaire la vitesse de rotation: environ 0,29 pour Kalshi, contre 0,38 pour Polymarket. Dit autrement, les positions restent globalement plus longtemps immobilisées sur Polymarket, tandis que Kalshi voit des aller-retour plus fréquents.
The @Polymarket vs @Kalshi dynamic is getting spicy af
CFTC clearing QCX gives PM legitimacy, but that $9-10B valuation feels aggressive when Kalshi owns ~62% market share. The OI/Vol metrics tell the real story: Kalshi at 0.29 vs PM at 0.38 suggests different user behaviors… pic.twitter.com/MvkFxwFqh9
— ghøst (@decenterghost) September 20, 2025
Dans les faits, cette avance tient autant à l’offre de marchés courts, très sensibles à l’actualité et aux publications macro, qu’à un public plus enclin au trading actif. À l’inverse, les marchés de Polymarket s’étirent souvent sur plusieurs semaines voire plusieurs mois, ce qui retient l’intérêt ouvert plus longtemps et limite mécaniquement le turnover.
Dès lors, la visibilité de Kalshi sur les flux américains s’accroît, et l’élasticité des carnets s’améliore lors des pics de négociation.
Un modèle à rotation rapide, calibré pour l’événementiel
Ensuite, la structure produit de Kalshi favorise une cadence soutenue. La majorité des contrats visent des issues datées et régulièrement rafraîchies, ce qui attire des stratégies de couverture tactiques et des arbitrages de court terme. À chaque publication, le capital se repositionne, les positions s’ouvrent puis se ferment, et le ratio intérêt ouvert sur volume reste contenu.
Par ailleurs, cette vitesse de rotation nourrit la formation de prix. En face, la spécialisation de Polymarket sur des marchés de plus longue durée, notamment politiques ou macro-thématiques, induit un autre rythme.
Les fonds se verrouillent plus longtemps, la découverte de prix s’effectue sur des horizons étendus, et l’effet d’annonce ponctuel pèse moins que la trajectoire fondamentale. Dit autrement, deux marchés cohabitent: l’un à haute fréquence décisionnelle, l’autre orienté conviction et portage.
Polymarket se réarme pour les États-Unis
Pendant ce temps, Polymarket n’est pas resté immobile. Pour reconquérir le terrain américain, la plateforme a bouclé l’acquisition de l’exchange régulé QCX. Cette opération ouvre une voie de conformité locale et prépare des intégrations orientées finance traditionnelle, notamment des marchés indexés sur les résultats d’entreprises via un partenariat avec Stocktwits.
À court terme, ce virage vise à transformer les marchés de prédiction en outils de couverture et de sentiment temps réel pour les actionnaires individuels, surtout autour des saisons de résultats.
Polymarket is coming back to the US. The crypto-based prediction market bought licensed exchange QCX for $112M, just days after US regulators closed their investigation @sam_mcquill has the story: https://t.co/oGUnIATWRc
— Legal Sports Report (@LSPReport) July 22, 2025
De plus, ce repositionnement vers des produits monétisables en contexte régulé peut accélérer la bascule d’une partie des volumes aujourd’hui cantonnés à l’offshore. Si l’on ajoute des intégrations de données et des interfaces familières aux investisseurs actions, Polymarket peut réduire l’écart d’activité, même si le différentiel restera lié à la nature plus longue de ses marchés.
Ce que cela change pour l’écosystème des marchés de prédiction
La coexistence de ces deux approches améliore la liquidité globale du segment: d’un côté, on obtient une microstructure plus efficace autour des événements datés, de l’autre, une capacité de portage sur des thèmes à horizon long qui capitalise sur la patience des investisseurs.
Si Kalshi conserve son avance sur la vélocité, et si Polymarket parvient à convertir son virage régulé en flux domestiques tangibles, le marché pourrait s’installer dans un équilibre fécond: des produits courts pour la vitesse, des marchés longs pour la conviction, et entre les deux, un pont vers la finance traditionnelle qui alimente volumes, spreads serrés et adoption durable. Cette évolution structurelle reflète donc la maturation progressive d’un secteur en quête de légitimité.
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