Au pied des montagnes du Tian Shan, le Kirghizistan tente une révolution discrète, mais stratégique. Ce pays d’Asie centrale, encore largement dépendant de l’or et des transferts de sa diaspora, veut désormais inscrire son nom dans la carte mondiale des pionniers de la finance numérique.
La Banque nationale vient de lancer un programme pilote de services bancaires crypto, encadré par une nouvelle loi votée au Parlement.
Une loi qui change les règles du jeu
Tout commence le 10 septembre 2025. Le Parlement kirghize adopte à l’unanimité un amendement à la loi « Sur les actifs virtuels ». Une formule juridique qui cache tout un bouleversement : le texte autorise la création d’une réserve crypto nationale, l’émission de stablecoins indexés sur le som, ainsi que la régulation stricte des opérations de minage.
Autrement dit, le pays veut à la fois émettre, contrôler et encadrer ses propres instruments numériques. En effet, ce cadre légal donne à la Banque centrale une base solide pour expérimenter ce qu’elle appelle désormais des « services bancaires crypto » : comptes numériques en stablecoins, paiements sur blockchain, transferts transfrontaliers sécurisés.
JUST IN: 🇰🇬Kyrgyzstan’s Parliament approves bill introducing state-backed crypto mining, a national crypto reserve, and a licensing system for digital assets. pic.twitter.com/tmFFksoBQd
— Crypto India (@CryptooIndia) September 10, 2025
Pour info, la réforme complète un chantier entamé dès le début de l’année. Le président Sadyr Japarov avait signé au printemps la loi autorisant l’émission du som numérique, version kirghize d’une monnaie digitale de banque centrale (CBDC).
En choisissant de l’articuler à des services crypto, le Kirghizistan est en passe d’associer un projet souverain à l’écosystème plus large de la blockchain.
Un projet pilote grandeur nature
Pour l’heure, le test ne concerne que certaines zones urbaines stratégiques : Bichkek, la capitale et Osh, deuxième ville du pays.
Les citoyens sélectionnés pourront ouvrir des portefeuilles numériques directement auprès de banques partenaires. Ils y détiendront des actifs numériques réglementés, utiliseront des stablecoins et réaliseront des transferts blockchain en toute légalité.
L’ambition est sans détours. Comme l’a résumé le ministre de l’Économie Bakyt Sydykov, le pays veut accumuler des actifs numériques par le minage contrôlé, la tokenisation d’actifs réels et l’émission de stablecoins adossés à la monnaie nationale. Selon lui, cela renforcera la stabilité économique et diversifiera nos instruments financiers.
Mieux encore, c’est une formule qui se veut aussi rassurante. La supervision anti-blanchiment (AML) et contre le financement du terrorisme (CFT) est confiée à une agence dédiée.
Les prestataires crypto opérant dans le pays devront se conformer à un agrément strict, gage de sérieux dans une région souvent critiquée pour son opacité financière.
Construire un hub crypto régional
Ce n’est pas un coup isolé. Depuis deux ans, le Kirghizistan affiche sa volonté de devenir un acteur clé en Asie centrale. Les chiffres impressionnent : 169 plateformes d’échange crypto enregistrées, 11 fermes de minage industrielles légales et un volume d’échanges estimé à 11,4 milliards de dollars sur les sept premiers mois de 2025.
Dans cette dynamique, l’idée d’une réserve crypto nationale et de services bancaires adossés à la blockchain prend tout son sens. Elle crédibilise le pays comme point d’entrée régional pour l’économie numérique.
Le gouvernement mise aussi sur la tokenisation d’actifs immobiliers et fonciers, afin de fluidifier l’accès au crédit. Un pari qui pourrait moderniser des pans entiers de l’économie kirghize, encore très marqués par l’informel.
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