La charge de la preuve en matière fiscale est une question complexe qui dépend de la nature de l’imposition, de la procédure suivie par l’administration et du type de contestation du contribuable. En règle générale, il appartient au contribuable de justifier les charges qu’il entend déduire de son bénéfice imposable, ainsi que la correction de leur inscription en comptabilité. Il doit fournir tous les éléments, comptables ou autres, de nature à établir l’exactitude des résultats déclarés.
Il peut s’agir de factures, de contrats, de pièces comptables, etc. L’administration peut, quant à elle, apporter la preuve contraire en démontrant que la charge n’est pas déductible par nature, qu’elle est dépourvue de contrepartie, qu’elle a une contrepartie sans intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
Quand la charge de la preuve fiscale est inversée ou partagée
Toutefois, il existe des cas particuliers où la charge de la preuve est inversée ou partagée entre le contribuable et l’administration. Par exemple :
– Lorsque l’imposition a été établie d’office, par exemple en cas de défaut ou d’insuffisance de déclaration, le contribuable doit apporter la preuve de l’exagération des bases d’imposition retenues par l’administration (LPF, art. L. 193).
– Lorsque l’imposition a été établie selon une procédure forfaitaire, par exemple en cas d’évaluation d’office du bénéfice réel ou de la taxe sur la valeur ajoutée, le contribuable doit apporter la preuve du montant du bénéfice réalisé ou de l’importance des opérations effectuées (LPF, art. L. 191).
– Lorsque l’imposition a été établie d’après les bases indiquées par le contribuable dans sa déclaration ou dans un acte présenté à l’enregistrement, le contribuable doit apporter la preuve que les bases déclarées ne correspondent pas à la réalité (LPF, art. R*. 194-1).
– Lorsque l’imposition résulte d’un différend sur l’interprétation de la législation fiscale et que le contribuable invoque une prise de position formelle de l’administration qui lui a été opposable à l’époque, le contribuable doit apporter la preuve que cette prise de position existe et qu’elle lui est applicable (LPF, art. L. 80 A).
La charge de la preuve en matière fiscale est donc soumise à des règles spécifiques qui varient selon les situations. Le contribuable doit être vigilant et se faire assister par un avocat spécialisé en droit fiscal pour faire valoir ses droits et ses arguments devant le juge.
La charge de la preuve en droit fiscal est un principe selon lequel celui qui affirme quelque chose doit le prouver. Ce principe a des implications importantes pour les contribuables et l’administration fiscale, qui doivent apporter des éléments de preuve pour soutenir leurs prétentions respectives. La répartition de la charge de la preuve peut donc varier selon les situations et elle n’est pas toujours claire. Les décisions jurisprudentielles de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) jouent un rôle essentiel pour en clarifier les règles applicables et garantir les droits fondamentaux des contribuables.
Le rôle important des juridictions, notamment de la CJUE et de la CEDH
La jurisprudence joue un rôle important dans la répartition de la charge de la preuve en matière fiscale. La Cour de Cassation, par exemple, a adopté une position “libérale” en la matière, privilégiant une appréciation pragmatique des circonstances spécifiques à chaque affaire. Ainsi, même si l’administration fiscale se fonde sur des preuves obtenues de manière irrégulière, la Cour de Cassation considère qu’il n’y a pas automatiquement nullité des poursuites, mais préfère que le juge apprécie le caractère probant de ces preuves.
La Cour Administrative d’Appel de Marseille (CAA) a également contribué au débat en jugeant, dans un arrêt du 13 juin 2017, que des pièces obtenues de manière illégale ne peuvent pas servir de preuves pour établir une imposition. Elle fait notamment référence à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, selon lequel l’administration fiscale ne peut pas se prévaloir de pièces ou de documents obtenus de manière illégale pour établir une imposition.
La CJUE est la juridiction suprême de l’Union européenne chargée de l’interprétation et de l’application du droit de l’Union, tandis que la CEDH est une juridiction internationale qui veille au respect des droits et libertés garantis par la Convention européenne des droits de l’homme. Ces deux cours ont exercé une influence significative sur l’administration de la charge de la preuve en droit fiscal en France.
La jurisprudence de la CJUE a également eu une influence sur la charge de la preuve en matière fiscale en France. La CJUE estime, par exemple, que les preuves obtenues par l’administration fiscale de manière non prévue par la loi doivent être écartées lors d’une procédure nationale si elles portent atteinte aux droits de la défense du contribuable.
Plusieurs domaines sont impactés par les décisions de ces cours (CJUE et CEDH)
Tout d’abord, la présomption d’innocence, consacrée par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, implique que toute personne accusée d’une infraction pénale est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie, et elle s’applique également aux procédures fiscales. La CEDH a condamné la France à plusieurs reprises pour avoir violé ce principe, notamment en imposant au contribuable une charge excessive pour renverser une présomption légale de fraude fiscale (arrêts Jussila c. Finlande, 2006 ; Ravon et autres c. France, 2008 ; Chambaz c. Suisse, 2012).
Ensuite, le droit au procès équitable, également garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, implique que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, il s’étend aux procédures fiscales. La CJUE et la CEDH ont rappelé que le contribuable doit avoir accès aux éléments de preuve utilisés par l’administration fiscale et doit pouvoir les contester efficacement devant le juge (arrêts Hoechst c. Commission, 1989 ; Bendenoun c. France, 1994 ; Janosevic c. Suède, 2002).
Enfin, le principe de sécurité juridique, qui découle du respect de l’État de droit, s’applique également au droit fiscal. Il implique que le droit soit clair, prévisible et accessible. Il s’applique également au droit fiscal, qui doit être suffisamment précis pour permettre aux contribuables de connaître leurs obligations et leurs droits. La CJUE et la CEDH ont veillé à ce que les règles relatives à la charge de la preuve soient cohérentes et non rétroactives. Elles ont également sanctionné les situations où l’administration fiscale a modifié les motifs ou les bases de son redressement en cours de procédure, sans laisser au contribuable la possibilité de se défendre (arrêts Metallgesellschaft et autres c. Royaume-Uni, 2001 ; Nidera Handelscompagnie c. Pays-Bas, 2010 ; Bosphorus Hava Yollari Turizm ve Ticaret Anonim Sirketi c. Irlande, 2005).
Conclusion
Les décisions jurisprudentielles de la CJUE et de la CEDH ont renforcé la protection des droits des contribuables en matière de charge de la preuve en droit fiscal en France. Elles ont permis de définir les principes et les critères applicables à la répartition de la charge de la preuve entre les parties, ainsi que les garanties procédurales dont le contribuable doit bénéficier pour exercer son droit à la défense. Elles ont également imposé des limites à l’administration fiscale, qui doit respecter le principe de sécurité juridique et agir dans le cadre du droit existant.
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