La fraude aux finances publiques est un phénomène qui porte atteinte à la justice sociale, à la compétitivité économique et à la souveraineté nationale. Selon certaines estimations, elle représenterait entre 80 et 100 milliards d’euros de manque à gagner par an pour l’Etat et les organismes sociaux.
Pour pallier ce fléau, le gouvernement a décidé de renforcer ses outils juridiques et opérationnels pour le combattre encore plus efficacement. Parmi les mesures annoncées dans le projet de loi de finances pour 2024, figure la création du Conseil d’Evaluation des Fraudes (CEF), une instance indépendante chargée d’évaluer le montant et les caractéristiques des différentes formes de fraude aux finances publiques.
Qu’est-ce que le Conseil d’Evaluation des Fraudes ?
C’est une instance consultative placée auprès du ministre délégué chargé des Comptes publics. Il a été lancé officiellement le 10 octobre 2023 par Thomas Cazenave, lors d’une réunion à Bercy réunissant une trentaine de participants, parmi lesquels des directeurs d’administrations, des parlementaires, des experts internationaux, des représentants du monde académique et des autorités indépendantes.
Le CEF a pour mission d’évaluer le montant des fraudes fiscales, sociales, douanières et aux aides publiques notamment écologiques, en vue de mieux connaître et comprendre ce phénomène et d’agir plus efficacement contre toutes les fraudes aux finances publiques. Il s’agit d’amplifier les évaluations déjà effectuées et d’améliorer les meilleures pratiques mises en œuvre en France et à l’étranger pour disposer d’une évaluation du montant de la fraude globale encore plus performante .
Le CEF doit également appréhender les nouvelles pratiques et les phénomènes émergents de la fraude, notamment liés au développement du numérique. Il doit permettre de mieux connaître ces nouveaux modes opératoires et d’en évaluer les effets.
Ce nouvel organisme doit aussi améliorer les leviers de lutte contre la fraude, dans le cadre du plan de lutte contre la fraude. Il doit formuler des recommandations au gouvernement pour renforcer l’efficacité des dispositifs existants ou (et) proposer de nouvelles mesures efficaces.
Quelle en est sa composition ?
Le Conseil d’Evaluation des Fraudes est composé de 30 membres nommés par arrêté du ministre délégué chargé des Comptes publics :
- six représentants du Parlement (trois députés et trois sénateurs) ;
- six représentants des administrations concernées par la lutte contre la fraude (direction générale des finances publiques, direction générale des douanes et droits indirects, direction générale du travail, direction générale de la sécurité sociale, agence centrale des organismes de sécurité sociale, direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) ;
- six représentants d’autorités indépendantes impliquées dans la lutte contre la fraude (haute autorité pour la transparence de la vie publique ; autorité de contrôle prudentiel et de résolution ; autorité des marchés financiers ; commission nationale de l’informatique et des libertés ; autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse ; autorité de régulation des jeux en ligne) ;
- six représentants du monde académique (économistes, juristes, sociologues, spécialistes du numérique) ;
- six experts internationaux (représentants d’organisations internationales ou d’administrations étrangères).
Le CEF est présidé par le ministre délégué chargé des Comptes publics, qui peut s’adjoindre le concours de toute personne qualifiée. Il se réunit au moins deux fois par an et rend un rapport annuel public.
Avec quels moyens d’action ?
Ce nouveau Conseil dispose de plusieurs moyens d’action pour remplir sa mission, et il pourra :
- demander aux administrations concernées de lui communiquer toute information utile à l’évaluation des fraudes ;
- réaliser ou faire réaliser des études, des enquêtes ou des sondages ;
- organiser des auditions ou des consultations ;
- recourir à des experts externes ;
- s’appuyer sur les travaux existants, notamment ceux réalisés par les organismes internationaux.
Il dispose d’un secrétariat permanent assuré par la direction générale des finances publiques, et il lui est alloué un budget annuel de 5 millions d’euros.
Quels seront ses domaines d’investigation ?
Le Conseil d’Evaluation des Fraudes va faire porter ses investigations sur les différentes formes de fraude aux finances publiques :
- la fraude fiscale : elle revient à éluder ou réduire l’impôt dû au moyen de manœuvres frauduleuses, telles que la dissimulation de revenus ou de patrimoine, le recours à des paradis fiscaux, la fausse facturation, l’abus de droit, etc. ;
- la fraude sociale : elle réside dans l’obtention (ou sa tentative) indue des prestations sociales (allocations familiales, RSA, prime d’activité, etc.), ou la réduction indue des cotisations sociales (travail dissimulé, fausses déclarations, etc.) ;
- la fraude douanière : elle consiste à éluder ou réduire les droits et taxes dus à l’entrée ou à la sortie du territoire national, notamment en matière de TVA, de droits d’accise ou de droits « antidumping ». Elle concerne également la contrefaçon, le trafic de stupéfiants, le blanchiment d’argent ou le financement du terrorisme ;
- la fraude aux aides publiques : elle vise à obtenir ou à tenter d’obtenir indument des aides publiques (subventions, crédits d’impôt, exonérations fiscales ou sociales, etc.) en fournissant de fausses informations ou en ne respectant pas les conditions d’éligibilité. Elle concerne notamment les aides liées à la transition écologique (prime à la conversion, bonus écologique, certificats d’économie d’énergie, etc.).
Pour quels débouchés concrètement en 2024 ?
Le Conseil d’Evaluation des Fraudes devra rendre son premier rapport annuel public au plus tard le 31 décembre 2024. Ce rapport devra contenir une estimation du montant global et détaillé des fraudes aux finances publiques pour l’année 2023, ainsi qu’une analyse des caractéristiques et des évolutions des différentes formes de fraude, et formuler des recommandations au gouvernement pour renforcer la lutte contre la fraude .
Un tel rapport devra permettre au gouvernement de disposer d’une vision plus précise et plus complète du phénomène de la fraude aux finances publiques, et lui fournir des pistes d’action pour améliorer l’efficacité et l’efficience des dispositifs existants ou pour proposer de nouvelles mesures plus efficaces et plus concrètes. Le gouvernement s’est engagé à prendre en compte les recommandations du CEF et à les traduire en actes dans le cadre du plan de lutte contre la fraude.
On sait d’ores et déjà que parmi les mesures à venir, le crédit d’impôt pour les services à la personne sera davantage contrôlé, que les prescriptions d’arrêt maladie en téléconsultation seront limitées à trois jours, et qu’il serait envisagé la création d’un cadastre international.
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