L’évasion fiscale des multinationales est un phénomène qui consiste à transférer une partie des bénéfices réalisés dans un pays vers un autre pays où le taux d’imposition est plus faible, afin de réduire le montant des impôts à payer. Ce phénomène est particulièrement répandu chez les géants du numérique, comme les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), qui tirent profit de la dématérialisation de leurs activités et de la complexité des règles fiscales internationales.
Malgré les efforts déployés par des organisations telles que l’OCDE pour réformer le système fiscal mondial, l’évasion fiscale reste un problème important. L’évasion fiscale des multinationales représente un manque à gagner important pour les États, qui voient leurs recettes fiscales diminuer et leur capacité à financer les services publics et la transition écologique réduite.
Un rapport accablant
Selon le rapport publié lundi 23 octobre 2023 par l’Observatoire européen de la fiscalité, les multinationales continueraient de loger 35% des profits réalisés à l’étranger dans des paradis fiscaux, montrant que le phénomène reste massif et qu’il fait des ravages malgré les tentatives de réforme de l’OCDE, comme le projet d’impôt minimum mondial.
Le montant estimé de l’évasion fiscale des multinationales en 2022 est estimé à mille milliards de dollars, somme astronomique ! Deux pays de l’Union européenne, Irlande et Pays-Bas, à la fiscalité arrangeante, apparaissent comme leurs destinations favorites ; c’est l’un des principaux enseignements du rapport de l’Observatoire européen de la fiscalité basé à Bruxelles.
Comme dans le quartier d’affaires de Zuidas, à Amsterdam, les multinationales peuvent loger leurs profits dans des pays à faible fiscalité si elles ont de vraies activités économiques sur place, et dans ce domaine, les Pays-Bas et l’Irlande caracolent largement en tête avec 140 milliards de dollars US (données 2019) de transferts de profits de multinationales vers des « paradis fiscaux », devant la Suisse, Hong-Kong, Singapour, Les Bermudes, les Iles Vierges britanniques, la Belgique, le Luxembourg, et Porto Rico.
Malgré des mesures de 2018 visant à limiter voire réduire cette évasion fiscale
Depuis 2018 en effet, plusieurs initiatives ont été prises au niveau international pour lutter contre l’évasion fiscale des multinationales et instaurer une plus grande justice fiscale. En octobre 2021, 136 pays se sont mis d’accord sur un taux d’impôt minimum mondial de 15% pour les grandes multinationales, ce qui constitue un grand pas vers une harmonisation fiscale globale, et en décembre 2023, l’Union européenne a adopté à son tour un impôt plancher de 15% pour les multinationales opérant sur son vaste territoire, en s’alignant sur l’accord international.
Ces mesures visaient à réduire les incitations à délocaliser les bénéfices vers des pays à faible imposition et à garantir que les multinationales contribuent équitablement au financement des politiques publiques. Toutefois, ces mesures ne sont pas suffisantes pour mettre fin à l’évasion fiscale des multinationales, qui disposent encore de nombreux moyens pour contourner les règles et optimiser leur fiscalité.
Comment les multinationales contournent-elles ces mesures ?
Parmi les moyens utilisés, il y a la manipulation des prix de transfert [1], qui consiste à fixer artificiellement le prix des transactions entre filiales d’un même groupe situées dans différents pays, afin de transférer les bénéfices vers la filiale la moins imposée. Les multinationales manipulent les prix de transfert en utilisant des méthodes d’évaluation basées sur des comparables externes ou internes, qui ne reflètent pas la réalité économique des transactions.
Par exemple, une multinationale peut vendre un produit ou un service à sa filiale située dans un « paradis fiscal » à un prix très inférieur au prix du marché, ce qui lui permet de réduire son bénéfice imposable dans le pays d’origine et d’augmenter son bénéfice dans le pays à faible imposition.
Elles ont aussi recours aux « sociétés-écrans », qui sont des entités juridiques sans substance économique réelle, créées dans des « paradis fiscaux », pour dissimuler l’identité des véritables bénéficiaires ou l’origine des fonds.
Pourquoi l’inefficacité des moyens de lutte contre cette évasion fiscale ?
Les raisons pour lesquelles l’évasion fiscale des multinationales se poursuit sont multiples.
D’abord, il existe encore des divergences entre les pays sur la définition et la mesure de l’évasion fiscale, ainsi que sur les modalités de partage des droits d’imposition entre les pays où les multinationales opèrent.
Par ailleurs, il existe encore des failles et des lacunes dans les règles fiscales internationales, qui permettent aux multinationales de profiter des différences entre les systèmes fiscaux nationaux.
Egalement, il existe encore un manque de transparence et de coopération entre les administrations fiscales, ce qui rend difficile le contrôle et la sanction des pratiques d’évasion fiscale.
Conclusion
En conclusion, l’évasion fiscale des multinationales est un problème majeur qui affecte la justice fiscale et le financement du bien commun. Si des progrès ont été réalisés depuis 2018 pour instaurer un impôt minimum mondial pour les multinationales, il reste encore beaucoup à faire pour réduire efficacement cette évasion fiscale et garantir que les multinationales paient leur juste part d’impôt.
[1] Un prochain article sera consacré ici aux « prix de transfert », dont les critères de détermination évoluent.
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