Depuis son adoption en 2023, MiCA était présenté comme le pilier d’un marché crypto enfin unifié. Mais coup de tonnerre : la France choisit de durcir ses propres règles. En imposant des conditions plus strictes que le texte européen, Paris menace de fragiliser l’équilibre d’un projet censé incarner l’harmonisation.
La France met la barre plus haut
MiCA avait un objectif clair : simplifier la vie des entreprises. Une licence unique dans un pays devait suffire pour opérer dans toute l’Union européenne. Mais Paris juge cette approche trop légère.
L’AMF, d’un autre côté, veut imposer des obligations supplémentaires. Parmi elles : des contrôles KYC plus intrusifs, des audits réguliers et une surveillance renforcée des fonds. Autrement dit, obtenir une licence en France deviendrait plus contraignant que dans d’autres États membres.
Pour les autorités françaises, la leçon est simple. Après FTX et Celsius, laisser un cadre trop permissif reviendrait à courir droit vers un nouvel effondrement.
« La confiance ne se décrète pas, elle se construit », explique un proche du dossier. Derrière cette fermeté, Paris veut aussi marquer son territoire et s’imposer comme un centre incontournable de la régulation crypto.
Cette stratégie séduit une partie des observateurs, mais en irrite d’autres. Certains saluent un meilleur encadrement des investisseurs, d’autres craignent qu’un tel durcissement n’étouffe l’innovation.
Une stratégie protectrice ou un risque pour l’unité ?
La France a déjà prouvé qu’elle pouvait faire cavalier seul. Dès 2019, elle avait imposé aux plateformes l’immatriculation PSAN. Plus d’une centaine d’acteurs s’y étaient conformés, parfois au prix de lourds ajustements. Le durcissement annoncé s’inscrit donc dans une continuité.
Les nouvelles exigences toucheraient directement les conditions d’accès : fonds propres plus élevés, dispositifs internes plus stricts et suivi renforcé des transactions. Pour Paris, ce n’est pas un luxe mais une nécessité. Pour les entreprises, c’est une surcharge qui pourrait décourager certains entrants.
« Si chaque pays ajoute ses propres règles, MiCA perdra tout son sens », alerte un analyste européen. Les grandes plateformes comme Binance, Coinbase ou Kraken redoutent un marché éclaté, où chaque juridiction imposerait sa propre lecture du texte.
À Bruxelles, le signal inquiète. L’Union voulait prouver qu’elle pouvait parler d’une seule voix et offrir un modèle face aux États-Unis et à l’Asie. Mais l’initiative française révèle les fractures internes.
Pour certains, Paris joue un coup de poker : séduire les investisseurs institutionnels et pousser ses standards au premier plan. Mais si ses voisins refusent de suivre, la France pourrait vite se retrouver isolée avec ses propres règles.
MiCA face à son premier vrai test
En durcissant ses exigences, la France met le projet européen sous tension. Cette stratégie pourrait renforcer la crédibilité du marché français, mais elle menace aussi l’unité promise par MiCA. L’Europe doit maintenant choisir : suivre la ligne dure de Paris ou préserver coûte que coûte l’harmonisation. Quoi qu’il en soit, MiCA vit déjà sa première épreuve de vérité.
Sources : Reuters
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