Le fantasme est tenace : acheter du Bitcoin pour une poignée de centimes en 2010, attendre, puis encaisser des millions. La réalité est autrement plus rude. Pour transformer un achat précoce en fortune, il fallait constituer une position conséquente, survivre à des krachs de 80 à 90 %, affronter des faillites d’exchanges, des volte-face réglementaires, le risque permanent de perdre ses clés privées, et ignorer pendant des années la tentation de « matérialiser » des profits qui changent une vie.
Beaucoup ont échoué sur l’un de ces obstacles, parfois sans même vendre.
La légende du millionnaire à 1 dollar
Oui, le prix est passé de fractions de centime aux six chiffres. Non, cela n’a pas fait de chaque curieux de 2010 un rentier. Entre les sommets euphorisés et les plongeons vertigineux, tenir sans alléger sa position relevait de l’ascèse. Une même mise a pu paraître dérisoire, délirante, salvatrice, puis à nouveau fragile au fil des cycles.
Même les plus convaincus ont été ébranlés par des chutes brutales, quand un pic de valorisation transformait la patience en dilemme moral : vendre une partie, ou rester exposé à la prochaine vague d’incertitude. La vérité, c’est que la plupart des fortunes durables ne sont pas nées d’un billet oublié, mais d’allocations significatives maintenues avec une discipline inhumaine. Comme l’explique notre guide sur investir en Bitcoin, la volatilité reste l’un des défis majeurs de cet actif.
Les chocs qui font lâcher : hacks, interdictions, implosions
Au-delà des variations de prix, les gros titres ont cassé des nerfs. L’effondrement de Mt. Gox après la disparition de plus de 650 000 BTC a ancré l’idée qu’un exchange pouvait s’évaporer. Le piratage de Bitfinex en 2016 a ajouté une couche de doute. Les annonces répétées en Chine, de la restriction bancaire à l’interdiction des transactions crypto, ont alimenté un bruit réglementaire assourdissant.
Les querelles de 2017 sur la taille des blocs, le fork vers Bitcoin Cash, puis l’abandon de SegWit2x ont semé la discorde technique. Et, des années plus tard, la faillite retentissante d’un acteur de premier plan a ravivé le scénario du pire.
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— FTX (@FTX_Official) November 11, 2022
À chaque épisode, beaucoup ont cédé au besoin de « réduire le risque ».
D’autres n’ont pas eu le choix : blocage des retraits, procédures collectives et fonds figés pendant des années.
Le facteur décisif : garder l’accès… ou tout perdre
La propriété en crypto est binaire : on contrôle ses clés privées, ou on ne les contrôle pas. Une seed égarée, un disque dur détruit, et l’intégralité disparaît. Les estimations situent plusieurs millions de BTC hors circulation, perdus de manière irréversible depuis les débuts.
L’histoire la plus emblématique reste celle d’un ingénieur gallois qui a jeté un disque contenant environ 8 000 BTC et tente depuis d’en retrouver la trace. Le personnage, sa quête, sa persistance : tout est devenu symbole des gains fantômes qui ne verront jamais le jour.
A story the world is waiting to see.
$800M – 8,000 Bitcoin.
Buried for over a decade.
Proud to announce a partnership with LA-based production company LEBUL to produce a docuseries, covering ‘The Buried Bitcoin’… including what comes next!#Bitcoin #TreasureHunt #NeverGiveUp pic.twitter.com/KMeXfjRvZf
— James Howells (@howelzy) April 29, 2025
Même les détenteurs prudents n’étaient pas à l’abri : conserver sur une plateforme ultérieurement défaillante revenait à « hodler »… jusqu’à ce que cela ne dépende plus de vous.
La chute de Mt. Gox reste l’exemple le plus marquant de ces risques systémiques imprévisibles.
Ceux qui ont réussi : taille de mise, sécurité, discipline
Quand on cherche des survivants, on trouve rarement des contes à 1 dollar. On croise plutôt des profils qui ont mis gros, tôt, et ont verrouillé la sécurité. Certains ont vendu des tranches en route pour financer une vie réelle. D’autres se sont ruinés par simple oubli d’un mot de passe.
Quelques investisseurs emblématiques sont entrés après la phase « sous 1 dollar » mais avec des montants capables d’encaisser les cycles. À l’inverse, nombre d’early adopters ont vendu bien avant l’explosion, ou ont perdu l’accès, ou ont été piégés par une faillite d’exchange. Le trait commun des gagnants n’est pas la date d’achat, c’est la combinaison de trois choses rares : capital initial significatif, hygiène opérationnelle impeccable, et sang-froid sur plusieurs années.
Conclusion
Le mythe du voyageur temporel fait rêver, mais il occulte l’essentiel : survivre à l’histoire réelle de Bitcoin coûte de l’argent, du temps, des nerfs, et une rigueur extrême. Entre Mt. Gox et FTX, entre les piratages, les interdictions et les forks, beaucoup d’« early » n’ont pas été « richement » servis.
Les fortunes durables sont moins l’effet d’un ticket gagnant que d’une stratégie, d’une sécurité sans faille et d’une endurance que peu peuvent réellement tenir.
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