La France est souvent considérée comme un pays où la pression fiscale est très élevée. En effet, le taux de prélèvements obligatoires, qui mesure la part des impôts et des cotisations sociales dans le produit intérieur brut (PIB), y est l’un des plus élevés d’Europe et du monde. Selon l’Insee, il s’établirait à 45,4 % du PIB en 2022, après avoir atteint 44,3 % en 2021. A titre de comparaison, la moyenne de l’Union européenne à 27 pays est de 41,7 % et celle de la zone euro à 19 pays est de 42,2 %. Parmi les pays européens, seuls le Danemark avec 48,8 % et la Belgique avec 46 % ont un taux de prélèvements obligatoires supérieur à celui de la France.
Mais de quels prélèvements obligatoires parle-t-on ? Quels sont les avantages et les inconvénients d’un tel niveau de prélèvements obligatoires ? Quelles sont les contreparties à ces prélèvements obligatoires en termes de redistribution, d’aides sociales, de services publics, etc. ? Et comment se situe la France par rapport aux pays ayant un faible taux de prélèvements obligatoires, comme l’Irlande, avec 21,9 % ou encore la Roumanie, avec un taux de 27,3 % ?
Quels sont ces prélèvements obligatoires ?
Selon le site « Vie publique », ils se répartissent en trois catégories :
- Les impôts, prélevés sur l’ensemble des contribuables et qui trouvent leur contrepartie dans les dépenses de l’État, la TVA en faisant partie ainsi que l’impôt sur le revenu.
- Les cotisations sociales, prélevées au profit des organismes de protection sociale, dont on retrouve la contrepartie dans les prestations sociales.
- Les taxes fiscales, qui sont perçues sur les particuliers à l’occasion de la fourniture d’un service.
En France les prélèvements obligatoires se répartissent comme suit, selon les dernières données disponibles :
Les cotisations sociales comptent pour un tiers des prélèvements obligatoires
- Droits d’importation hors TVA (0,3%)
- Autres impôts courants (0,7%)
- Impôts en capital (1,6%)
- Impôts sur les salaires (4,2%)
- Impôts divers sur la production (6,2%)
- Impôts sur les produits hors TVA (10,0%)
- TVA (16,7%)
- Cotisations sociales (33,3%)
- Impôts sur les revenus, dont impôt sur les sociétés (27,3%)
Les prélèvements obligatoires en France n’ont eu de cesse d’augmenter depuis 1959, avec des pics dans les années 1985 – 1987, 1999, 2013, 2018.
Arguments en faveur d’un taux élevé de prélèvements obligatoires
Financer un modèle social généreux et solidaire
Un taux élevé de prélèvements obligatoires permet de financer un modèle social généreux et solidaire, qui assure une protection sociale à tous les citoyens et réduit les inégalités. En effet, la France consacre une part importante de son PIB aux dépenses sociales (31,5 % en 2021), ce qui la place au deuxième rang européen derrière le Danemark (33,6 %).
Ces dépenses sociales comprennent notamment les prestations familiales, les allocations chômage, les pensions de retraite, les remboursements de soins de santé, etc. Elles contribuent à réduire le taux de pauvreté et à améliorer le niveau de vie des ménages les plus modestes. Selon l’OCDE, le taux de pauvreté en France était de 8 % en 2019 après transferts sociaux, contre 14 % avant transferts sociaux.
Qu’il s’agisse des frais d’inscriptions réduits à l’université, de remboursements quasi intégraux de nombreux frais de santé, de la CMU en matière de soins, des aides au logement, des allocations familiales, etc, d’innombrables dispositifs sont de cette manière financés dans l’Hexagone grâce aux taxes et impôts, au même titre que la construction ou l’entretien d’infrastructures publiques.
Aussi, les pays européens qui affichent de faibles taux de prélèvements obligatoires ne sont pas ceux qui présentent une économie dynamique ou un niveau de vie des populations parmi les plus élevés.
En Roumanie, en Bulgarie ou en Lettonie par exemple, ou encore au Portugal, les prélèvements obligatoires ne dépassent pas 30 à 31,5% du PIB (presque 15 points de moins qu’en France), mais en contrepartie, ils ne s’accompagnent pas non plus d’un développement économique ou social envié par leurs voisins européens ! La France se situe ainsi parmi les pays les plus égalitaires d’Europe.
Financer des services publics de qualité
Un taux élevé de prélèvements obligatoires permet de financer des services publics de qualité, qui bénéficient à l’ensemble de la population et qui soutiennent la croissance économique. Ainsi, la France investit beaucoup dans son système éducatif (5,7 % du PIB en 2019), ce qui lui permet d’avoir un taux élevé de diplômés du supérieur (47 % des 25-34 ans en 2019) et un faible taux d’abandon scolaire (8,9 % des 18-24 ans en 2019).
La France dispose également d’un système de santé performant et accessible à tous, qui lui vaut d’avoir une espérance de vie parmi les plus élevées du monde (82,9 ans en 2019). La France consacre aussi une part importante de son PIB à la recherche et au développement (2,2 % en 2019), ce qui lui permet d’être à la pointe dans certains domaines scientifiques et technologiques.
Inconvénients d’un taux élevé de prélèvements obligatoires
Un taux élevé de prélèvements obligatoires présente des inconvénients et des limites.
Réduction du pouvoir d’achat des ménages et des entreprises
Il réduit le pouvoir d’achat des ménages et des entreprises, ce qui peut avoir un effet négatif sur la consommation, l’investissement et la compétitivité. En effet, plus le taux de prélèvements obligatoires est élevé, plus le taux de pression fiscale est élevé, c’est-à-dire la part des revenus qui est prélevée par l’État sous forme d’impôts et de cotisations sociales.
Selon l’OCDE, le taux de pression fiscale en France était de 46 % en 2019, le plus élevé parmi les pays membres. Cela signifie que pour 100 euros de revenus, les ménages et les entreprises versaient en moyenne 46 euros à l’État. Ce taux élevé de pression fiscale peut décourager le travail, l’épargne, l’innovation et l’entrepreneuriat, et inciter à la fraude ou à l’évasion fiscale.
Un taux de prélèvements obligatoires élevé n’est pas une garantie d’efficacité ni d’optimisation des dépenses publiques
En effet, il peut exister des gaspillages, des doublons, des inefficacités ou des inégalités dans la gestion et l’allocation des ressources publiques. Ainsi, la France dépense plus que la moyenne européenne pour son système éducatif, mais ses résultats scolaires sont inférieurs à la moyenne selon les enquêtes internationales comme PISA.
La France dépense aussi plus que la moyenne européenne pour son système de retraite, mais son âge effectif de départ à la retraite est plus bas que la moyenne (62 ans en 2019 contre 64 ans). La France dépense également plus que la moyenne européenne pour son système de santé, mais elle fait face à des problèmes de déserts médicaux, de pénurie de personnels soignants ou de saturation des hôpitaux.
Une augmentation des prélèvements obligatoires mise à mal dans un contexte de crise économique et sociale
Un taux élevé de prélèvements obligatoires peut être difficile à maintenir dans un contexte de crise économique et sociale, qui réduit les recettes fiscales et augmente les dépenses publiques. En effet, la France a connu une forte dégradation de ses finances publiques depuis le début de la Covid-19, qui a entraîné une récession historique du PIB (-8 % en 2020) et une explosion du déficit public (9,2 % du PIB en 2020) et de la dette publique (115,7 % du PIB en 2020 ; + de 3 000 milliards d’euros actuellement).
Pour faire face à cette situation, le gouvernement a mis en place des mesures de soutien massif aux ménages et aux entreprises (chômage partiel, fonds de solidarité, prêts garantis par l’État, boucliers tarifaires, etc.), qui ont coûté plus de 200 milliards d’euros en 2020 et 2021.
Ces mesures ont permis d’amortir le choc économique et social, mais elles ont aussi creusé le besoin de financement de l’État, qui devra tôt ou tard rétablir l’équilibre de ses comptes publics. Cela impliquera soit d’augmenter encore les prélèvements obligatoires, soit de réduire les dépenses publiques, soit les deux à la fois.
Conclusion
La France se caractérise par un taux élevé de prélèvements obligatoires, qui lui permet de financer un modèle social protecteur et des services publics de qualité, mais qui présente aussi des inconvénients en termes de pouvoir d’achat, d’efficacité et de soutenabilité.
La comparaison avec les pays ayant un faible taux de prélèvements obligatoires montre qu’il n’existe pas de modèle optimal ni universel, mais plutôt des choix politiques et sociaux qui reflètent les préférences collectives et les contraintes économiques de chaque pays.
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