Le notaire est un professionnel du droit chargé de rédiger des actes authentiques, de conseiller ses clients et de collecter des impôts pour le compte de l’État en France. Cependant, cette multiplicité de fonctions expose les notaires à de sérieux risques de responsabilité(s), en cas de manquement à leurs obligations, notamment en matière fiscale.
La responsabilité fiscale des notaires est encadrée par des obligations d’information et de conseil envers les parties concernées. Le notaire doit informer et éclairer les parties sur la portée et les effets de l’acte auquel il prête son concours, notamment en ce qui concerne les aspects fiscaux. Il est également chargé de vérifier la validité et l’efficacité de l’acte, ainsi que de respecter les règles de publicité foncière. De plus, le notaire est responsable du calcul et du versement des droits d’enregistrement et de la TVA dus par les parties, sous peine d’engager sa responsabilité professionnelle envers l’État.
La responsabilité fiscale du notaire, vue par le prisme de la jurisprudence
La jurisprudence a établi les conditions et les limites de la responsabilité du notaire en matière fiscale, que ce soit sur le plan civil ou pénal. Par exemple, un notaire peut être tenu responsable pénalement s’il ne vérifie pas l’origine des fonds utilisés par son client lors d’une acquisition immobilière ou s’il ne déclare pas une opération suspecte à Tracfin. Sur le plan civil, un notaire peut engager sa responsabilité s’il ne mentionne pas la qualité de marchand de biens d’un vendeur dans l’acte de vente, s’il ne liquide pas la TVA sur la marge, s’il ne vérifie pas la situation fiscale d’un vendeur non-résident, s’il ne conseille pas correctement sur les conséquences fiscales d’une donation-partage, ou s’il rédige un acte de vente comportant une clause abusive visant à échapper à l’impôt sur la plus-value immobilière.
La jurisprudence a souvent eu à cet égard l’occasion de préciser les contours et les conditions de la responsabilité du notaire en matière fiscale, tant sur le plan civil que pénal. Voici quelques exemples de cas où le notaire a été sanctionné pour avoir commis une faute fiscale :
– Le notaire qui ne vérifie pas l’origine des fonds utilisés par son client pour acquérir un bien immobilier et qui ne déclare pas une opération suspecte à Tracfin engage sa responsabilité pénale pour blanchiment (Cass. crim., 16 oct. 2018, n° 17-86.362).
– Le notaire qui ne mentionne pas dans l’acte de vente la qualité de marchand de biens du vendeur et qui ne liquide pas la TVA sur la marge engage sa responsabilité civile à l’égard du vendeur qui subit un redressement fiscal (Cass. civ. 1, 20 déc. 2017, n° 16-13.073). Suivant une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la responsabilité professionnelle du notaire peut en effet être engagée lorsque le client subit le coût d’un redressement fiscal dont l’origine découle de ses conseils. Tout notaire doit donc informer son client des conséquences et des risques d’une convention même s’ il s’agit d’un professionnel (Civ. 1ère, 19 déc. 2006, n° 04-14.487, Bull. civ. I, n° 556 ; D. 2007. 304) mais il est aussi tenu d’indiquer aux parties l’opération la moins onéreuse et la plus sûre pour sauvegarder leurs droits et intérêts (Civ. 1ère, 17 févr. 1981, n° 79-16.417, Bull. civ. I, n° 58 ; Jour, not. et av. 1982, art. 56971, n° 3).
La Cour de cassation dans son arrêt du 20 décembre 2017, va bien au-delà du rappel de l’obligation d’information et de conseil qui incombe au notaire, puisqu’elle précise ce que cette obligation entraîne exactement. La première chambre civile caractérise le fait dommageable, constitué par l’inexécution de l’obligation qui est faite au notaire, en en précisant la nature, l’obligation d’information et de conseil de façon claire et précise, le rôle du notaire étant d’informer et d’éclairer, de s’assurer que les parties ont bien connaissance de l’ensemble des « tenants et aboutissants » des actes qu’elles signent.
A cet égard, l’information donnée se doit d’être complète et circonstanciée, le notaire ne devant surtout rien oublier et elle doit s’adapter au contexte de l’acte et des effets que ce dernier va engendrer. L’officier ministériel doit informer et éclairer à la fois sur la portée de l’acte, sur ses effets, et il doit vérifier que les parties à l’acte ont bien conscience de sa valeur et de ses conséquences à leur égard ainsi qu’aux tiers.
– Le notaire qui ne vérifie pas la situation fiscale du vendeur d’un bien immobilier situé en France et qui ne retient pas la taxe sur les plus-values immobilières des non-résidents engage sa responsabilité civile à l’égard du fisc qui ne peut pas recouvrer l’impôt (Cass. civ. 1, 9 juill. 2015, n° 14-18.723).
– Le notaire qui ne conseille pas son client sur les conséquences fiscales d’une donation-partage et qui ne lui propose pas d’opter pour le régime le plus favorable engage sa responsabilité civile à l’égard du donataire qui doit payer des droits supplémentaires (Cass. civ. 1, 4 févr. 2015, n° 13-27.529).
– Le notaire qui rédige un acte de vente comportant une clause abusive permettant au vendeur de se soustraire à l’impôt sur la plus-value immobilière engage sa responsabilité civile à l’égard de l’acquéreur qui subit un préjudice moral (CA Paris, pôle 2, ch. 1, 18 sept. 2013, n° 11/08724).
De fortes exigences de compétences, conseils éclairés et vigilance s’imposent aux notaires
Les exemples précédents montrent que le notaire doit faire preuve de vigilance et de compétence en matière fiscale, car il est tenu professionnellement d’éclairer les parties sur les incidences fiscales des actes qu’il a reçus ainsi que de s’assurer de leur validité et de leur efficacité. Il doit également respecter les obligations déclaratives et de paiement qui lui incombent en tant que collecteur d’impôts pour le compte de l’État. A défaut, il engage sa propre responsabilité, civile ou pénale selon les cas.
Le notaire doit donc fournir un conseil fiscal de qualité à ses clients, en fonction de leur situation personnelle et patrimoniale, de leurs besoins et de leurs objectifs. Il doit les informer des conséquences fiscales des actes qu’ils envisagent et des solutions d’optimisation ou de réduction de leur charge fiscale. De plus, le notaire doit respecter ses obligations déclaratives et de paiement en tant que collecteur d’impôts pour le compte de l’État, sauf à engager sa responsabilité civile ou pénale, selon les circonstances.
La responsabilité fiscale des notaires implique donc une vigilance constante et une compétence technique très approfondie. Le notaire doit se tenir informé des évolutions législatives et jurisprudentielles en matière fiscale et respecter les principes déontologiques de sa profession. En cas de faute ou de négligence dans l’exercice de ses fonctions fiscales, le notaire peut être sanctionné par l’administration fiscale, faire l’objet d’une action en responsabilité de la part de ses clients ou être soumis à des sanctions disciplinaires par les instances ordinales du notariat.
Conclusion
En résumé, la responsabilité fiscale des notaires en France est une question complexe qui englobe à la fois leurs obligations envers l’État et celles envers leurs clients. Les notaires doivent respecter leurs obligations fiscales, fournir un conseil fiscal de qualité et assurer l’efficacité et la validité des actes qu’ils rédigent. Ils doivent être conscients des risques potentiels et des conséquences d’un manquement à leurs obligations fiscales, afin d’exercer leur profession avec compétence et rigueur.
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