Les contrôles fiscaux sont des opérations par lesquelles l’administration vérifie la conformité des déclarations et des paiements des contribuables aux règles fiscales. Ils peuvent être réalisés sur place, c’est-à-dire dans les locaux de l’entreprise ou du particulier contrôlé, ou à distance, par échange de courriers ou de documents.
La Loi de Finance pour 2024 (PLF), adoptée le 29 décembre 2023, introduit plusieurs mesures visant à améliorer les conditions matérielles et la sécurité des agents des finances publiques lors des contrôles fiscaux, ainsi qu’à renforcer l’efficacité et la transparence de ces contrôles. Voici les principales de ces nouvelles mesures.
Plus de souplesse pour le lieu de contrôle
Selon l’article 23 du PLF 2024, l’administration fiscale peut désormais choisir le lieu où se déroule le contrôle fiscal, en accord avec le contribuable ou, à défaut d’accord, dans les locaux de l’administration. Cette mesure concerne les contrôles de la comptabilité des entreprises et les contrôles de la régularité des reçus fiscaux délivrés par les associations bénéficiaires de dons.
Cette possibilité permet à l’administration d’adapter le lieu du contrôle aux conditions matérielles et à la sécurité des agents. En effet, certains locaux peuvent être inadaptés ou dangereux pour réaliser un contrôle fiscal dans de bonnes conditions. Par exemple, en novembre 2023, un contrôleur fiscal a été tué par un contribuable lors d’un contrôle dans le Pas-de-Calais.
La loi de finances pour 2024 aménage donc le principe légal du contrôle sur place afin d’autoriser l’administration à proposer la délocalisation des contrôles fiscaux externes (Loi 2023-1322 art 117, I-1° et 2° et II), étant rappelé que les articles L 13 et L 14 A du Livre des Procédures Fiscales (LPF) prévoient que les vérifications de comptabilité et les contrôles des organismes sans but lucratif doivent, en principe, se dérouler sur place, c’est-à-dire dans les locaux de l’entreprise ou de l’organisme vérifié. Des exceptions à ce principe, découlant de la jurisprudence, existaient déjà, et le contrôle pouvait ainsi se dérouler, sur demande du contribuable, dans d’autres locaux où se trouve la comptabilité, sans que cette faculté soit ouverte à l’administration.
Complétant ces articles, l’article 117, I-1° et 2° de la loi de finances pour 2024, transposé à l’article L 13 du LPF, prévoit que la vérification ou le contrôle peut désormais se tenir ou se poursuivre dans tout autre lieu déterminé d’un commun accord entre le contribuable et l’administration. Cette nouvelle disposition permet à l’administration, comme cela est déjà reconnu pour le contribuable, de prendre elle-même l’initiative d’une délocalisation de ces contrôles, cette initiative pouvant intervenir en cours de vérification ou de contrôle. En cas de désaccord, les pouvoirs de l’administration sont renforcés puisqu’elle est autorisée à tenir ou à poursuivre les contrôles dans ses propres locaux sans avoir besoin de justifier sa décision.
Ces dispositions sont applicables aux contrôles engagés à compter du 1er janvier 2024 et aux contrôles déjà en cours à cette date.
Travail sous anonymat
L’article 23 du PLF 2024 facilite également le travail sous anonymat des agents des finances publiques lorsqu’ils sont exposés à des risques pour leur vie ou leur intégrité physique. Ainsi, le directeur du service dans lequel l’agent est affecté peut autoriser cet agent à utiliser un nom fictif – ou pseudo -pour exercer ses missions de contrôle fiscal, y compris de recherches sur Internet et dans les réseaux sociaux. Cette autorisation peut être déléguée au chef de service ou au chef de brigade, et l’agent doit avoir au moins le grade de contrôleur.
Cette mesure vise à protéger les agents des menaces ou des agressions dont ils peuvent faire l’objet de la part de certains contribuables. Elle permet aussi d’éviter que les agents soient victimes de représailles ou de harcèlement sur les réseaux sociaux, qu’ils sont à présent habilités à visiter en application de ladite Loi de finances. Cette mesure (art 117, I-3° de la loi) est codifiée à l’article L 10-0 BA du LPF.
Renforcement du contrôle des prix de transfert
L’article 22 du PLF 2024 renforce les obligations documentaires et le contrôle des prix de transfert des entreprises multinationales. Les prix de transfert sont les prix pratiqués entre les entités d’un même groupe situées dans différents pays pour leurs échanges internes de biens ou de services.
Cette mesure sert à lutter contre l’évasion fiscale et à garantir que les bénéfices réalisés par les entreprises multinationales sont imposés là où ils sont générés. Elle s’inscrit dans le cadre du projet BEPS (« Base Erosion and Profit Shifting ») mené par l’OCDE et le G20.
Ce renforcement implique l’extension du champ de l’obligation de tenir une documentation, l’augmentation de l’amende, l’institution d’une présomption de transfert indirect de bénéfices en cas de discordances entre la documentation et les prix effectivement pratiqués. De plus l’administration fiscale est autorisée à utiliser les résultats postérieurs à la date de transfert d’actifs incorporels difficiles à évaluer pour rectifier, pendant un délai de reprise de six ans, l’évaluation retenue (art. 116 de la loi précitée).
De ce fait les entreprises multinationales doivent désormais fournir à l’administration fiscale une documentation complète et actualisée sur leurs activités, leurs flux financiers et leurs politiques de prix de transfert. Elles doivent également communiquer une déclaration pays par pays indiquant la répartition de leurs revenus et de leurs impôts par pays où elles sont implantées, et le non-respect de ces obligations, exposent les entreprises concernées à des sanctions financières pouvant aller jusqu’à 5 % du montant des redressements fiscaux notifiés, mesure codifiée aux articles L 13 AA et L 13 AB du LPF.
L’article 23 du PLF 2024 étend également les possibilités d’accès aux données détenues par les contribuables dans le cadre des contrôles fiscaux. Il prévoit que les agents habilités peuvent accéder aux données informatiques stockées sur tout support détenu par le contribuable ou par un tiers qui agit pour son compte.
Cette mesure permet de prendre en compte l’évolution des modes de conservation et de transmission des données comptables et fiscales, notamment avec le développement du « cloud computing » et du télétravail, et elle permet aux agents des finances publiques d’accéder aux données nécessaires au contrôle fiscal, quel que soit le support utilisé par le contribuable ou son mandataire.
Mise en conformité de l’obligation de notification DAC6
L’obligation de notification à laquelle sont tenus les intermédiaires soumis au secret professionnel au regard de certains dispositifs transfrontières présentant un caractère potentiellement agressif (DAC 6) est mise en conformité : ils ne sont désormais tenus à la notification de l’obligation déclarative qu’au seul intermédiaire ayant la qualité de client (art 120 de la loi).
Extension du champ d’application de l’article 155A du CGI
Le champ d’application de l’article 155 A du CGI, relatif aux rémunérations de services versées à l’étranger, est étendu aux sommes versées en contrepartie de l’exploitation commerciale de droits attachés à l’image, au nom ou à la voix, de l’usage de droits d’auteurs ou de la propriété industrielle ou commerciale (art 10 de la loi précitée).
Un nouveau délit autonome de fraude fiscale
Un délit autonome de mise à disposition d’instruments de facilitation de la fraude fiscale, visant les personnes physiques ou morales qui mettent à la disposition de tiers des moyens, services, actes ou instruments leur permettant de se soustraire à leurs obligations fiscales, est créé (art 113 de la même loi).
Les personnes physiques reconnues coupables du délit de fraude fiscale aggravée encourent une peine complémentaire de privation temporaire du droit au bénéfice de réductions et crédits d’impôt sur le revenu ou sur la fortune immobilière (art 114 de la loi).
Possibilités pour le Fisc d’investiguer anonymement sur Internet et les réseaux sociaux
L’administration va pouvoir mener de nouvelles investigations sur internet (art 112, II-1° et IV), notamment anonymement, avec la possibilité désormais de procéder à des enquêtes actives sous pseudonyme sur internet. Dans le cadre prévu par l’article L 10-0 AD du LPF, l’enquête, qu’elle soit active ou passive, devra être menée pour les besoins de la recherche ou de la constatation des manquements suivants :
- défaut ou retard de déclaration en cas de découverte d’une activité occulte ou, s’agissant de la taxe d’aménagement, en cas de construction ou d’aménagement sans autorisation (art 1728, 1-c du CGI)
- insuffisances de déclaration délibérées ou liées à un abus de droit ou à des manoeuvres frauduleuses (art 1729 du CGI)
- défaut de déclaration des comptes ou contrats d’assurance-vie ou assimilés détenus à l’étranger ou des trusts, entraînant une majoration de droits (art 1729-0 A, I du CGI)
- disposition de biens ou de sommes d’argent ayant trait à une activité illicite, donnant lieu à présomption de revenus (art 1758, dernier al. du CGI)
Pour les enquêtes en ligne, les agents des finances publiques doivent avoir au moins le grade de contrôleur et être spécialement habilités, les enquêtes actives, impliquant des échanges avec des internautes, étant cependant réservées aux agents de certains services. Les agents habilités peuvent sous pseudonyme réaliser différents actes énumérés par l’article L 10-0 AD du LPF, sans engager leur responsabilité pénale. Ils peuvent ainsi prendre connaissance de toute information publiquement accessible sur les plateformes ou interfaces en ligne, y compris lorsque l’accès à ces plateformes ou interfaces requiert une inscription à un compte.
Lorsqu’ils sont affectés dans un service à compétence nationale désigné par décret, les agents habilités peuvent en outre participer à des échanges électroniques, y compris avec les personnes susceptibles d’être les auteurs des manquements recherchés.
L’article 23 du PLF 2024 étend les possibilités d’accès aux données détenues par les contribuables dans le cadre des contrôles fiscaux. Il prévoit que les agents habilités peuvent accéder aux données informatiques stockées sur tout support détenu par le contribuable ou par un tiers qui agit pour son compte.
Cette mesure permet de prendre en compte l’évolution des modes de conservation et de transmission des données comptables et fiscales, notamment avec le développement du « cloud computing » et du télétravail, et elle permet aux agents des finances publiques d’accéder aux données nécessaires au contrôle fiscal, quel que soit le support utilisé par le contribuable ou son mandataire.
Les agents habilités sont aussi autorisés à extraire et conserver les données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs des manquements et tout élément de preuve obtenu dans le cadre de l’enquête. La durée de conservation de ces données sera précisée par décret ultérieur ( Loi 2023-1322 du 29-12-2023 art 112, II-1°).
Autres mesures
La procédure de visite et de saisie domiciliaires est renforcée (art 122 de cette loi).
Le volet expérimental du régime d’indemnisation des aviseurs fiscaux est pérennisé (art 123 de la susdite).
Conclusion
- La Loi de Finance pour 2024 apporte plusieurs changements importants en matière de contrôles fiscaux, qui concernent à la fois les modalités de réalisation des contrôles, la protection des agents des finances publiques et la lutte contre l’évasion fiscale. Ces mesures visent à renforcer l’efficacité et la transparence de l’action de l’administration fiscale, tout en garantissant le respect des droits et des garanties des contribuables.
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