Le fichier FICOVIE (FIchier des Contrats d’assurance VIE) est un outil créé par la loi de finances rectificative pour 2013, qui vise à recenser tous les contrats d’assurance vie et de capitalisation souscrits ou dénoués en France. En vigueur depuis le 1er janvier 2016, il est géré par la Direction générale des finances publiques (DGFIP).
Il est alimenté par les assureurs, qui doivent déclarer à l’administration fiscale les informations relatives à ces contrats, notamment le montant des primes versées, la valeur de rachat ou le capital garanti. Le fichier FICOVIE est consultable par le fisc, les officiers de police judiciaire, les autorités douanières et, depuis 2017, par les notaires.
Un double objectif
L’objectif de ce fichier est double : il s’agit à la fois de lutter contre la fraude fiscale et le financement du terrorisme, et de prévenir la déshérence des contrats d’assurance vie, c’est-à-dire le fait que des capitaux ne soient pas transmis aux bénéficiaires après le décès de l’assuré, intention portée par la loi Eckert de 2014 qui a donc voulu que le fichier FICOVIE ne serve pas seulement au fisc, mais qu’il soit aussi utilisé par les notaires.
En effet, ceux-ci ont l’obligation de consulter le fichier FICOVIE lorsqu’ils ouvrent une succession, afin de vérifier l’existence éventuelle de contrats d’assurance vie au nom du défunt ou dont ce dernier serait bénéficiaire. Or fin 2015, l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) estimait que les assureurs détenaient 5,4 milliards d’euros qu’ils auraient dû remettre à des bénéficiaires, et encore aujourd’hui ce sont environ 2 milliards d’euros d’assurances-vie qui sont en déshérence auprès de la Caisse des dépôts et consignation, sans que leurs bénéficiaires aient été identifiés.
« Ficovie » souffre de nombreux dysfonctionnements, erreurs et omissions
Toutefois, le fichier FICOVIE présente de nombreux dysfonctionnements, qui nuisent à son efficacité et à sa fiabilité. Selon plusieurs sources, le fichier FICOVIE est incomplet, imprécis et difficilement accessible.
Dans les faits d’ailleurs, il existe « deux fichiers FICOVIE » : l’un pour le fisc (« FICOVIE-agents »), l’autre pour les notaires et usagers (« FICOVIE-usagers »). Or, ces deux fichiers ne sont pas synchronisés ni manifestement mis à jour régulièrement. Ainsi, il arrive fréquemment que des contrats d’assurance vie existants ne soient pas mentionnés dans le fichier consulté par les notaires, ou que des contrats dénoués y figurent encore.
Pour comprendre l’origine de ces problèmes, il faut en comprendre les motivations sous-jacentes, et savoir que les assureurs et les notaires défendent chacun leur pré-carré, se livrant une lutte sans merci, au détriment d’ailleurs de leurs clients, en ce qui concerne les fonds placés en assurance vie.
En effet, les assureurs veulent conserver la mainmise sur les assurances vie, disant que – étant « hors succession » – elles n’ont pas à être portées à la connaissance des notaires. Or ces derniers estiment quant à eux ne pas pouvoir liquider correctement une succession s’ils n’ont pas connaissance du patrimoine complet du défunt, assurance vie incluse ! Bien sûr dans ces circonstances, les victimes de cette lutte intestine, ce sont les clients !
Un avis de la Cnil, rendu sur demande du Gouvernement, a aussi contribué à semer la pagaille en favorisant les assureurs, puisqu’ insistant pour que les notaires n’aient pas accès à la totalité du fichier Ficovie, surtout concernant les valeurs de rachat des contrats, au motif du respect de la vie privée !
Il apparaît que la DGFIP n’est pas en mesure de garantir que son fichier « Ficovie-usagers » serait à-jour, pas plus que la Fédération des assureurs et ces derniers, indiquant que « Ficovie-usagers » n’est rempli que si l’assureur a déclaré le décès dans les 60 jours où il en a connaissance, et que ce délai accordé pour déclarer et celui nécessaire aux traitements informatiques des déclarations de dénouement expliquent pourquoi une consultation trop précoce de « Ficovie-usagers » après le décès peut aboutir à un résultat négatif.
A défaut de pouvoir consulter utilement « Ficovie-usagers », les usagers tout comme les notaires devraient avoir le droit – du moins peut-on le penser – de consulter alors le fichier « Ficovie-agents » (du Fisc) ! La réponse est « non », la DGFIP s’y opposant formellement, au prétexte du « secret professionnel » !
Des conséquences désastreuses pour les héritiers
Ces anomalies ont des conséquences néfastes pour les contribuables et les héritiers. D’une part, ils peuvent être victimes d’une spoliation (abattements sur droits de succession erronés ; veufs ou veuves sans récompense au décès d’un conjoint ayant pourtant ouvert et alimenté une assurance-vie) ou d’une insécurité fiscale, si le fisc découvre l’existence de contrats d’assurance vie non déclarés ou mal déclarés.
D’autre part, ils peuvent perdre le bénéfice d’une optimisation fiscale ou patrimoniale, si des contrats d’assurance vie ne sont pas révélés aux notaires lors du règlement de la succession. Par exemple, si un contrat d’assurance vie souscrit avant 1991 n’est pas mentionné dans le fichier FICOVIE, les héritiers ne pourront pas profiter de l’exonération totale de droits de succession dont ils devraient bénéficier.
L’absence de règlement de ces problèmes tient avant tout à un enjeu politique
Les intérêts économiques en jeu, des assurances vie, sont colossaux, dans la mesure où l’assurance vie permet à l’Etat de faire face à ses déficits budgétaires, car les compagnies d’assurances souscrivent aux obligations émises par l’Etat et financent le remboursement de la dette de la France, grâce aux fonds des petits épargnants, pour plus de 360 milliards d’euros.
L’assurance vie finance également des investissements dans les entreprises, via des achats d’actions ou d’obligations pour plus de 1 500 milliards d’euros, participant donc au dynamisme économique du pays.
Conclusion
Face à ces dysfonctionnements et au manque total de fiabilité du fichier « Ficovie-usagers », il est plus que recommandé aux contribuables de conserver tous les documents relatifs à leurs contrats d’assurance vie et de capitalisation, et de les transmettre à leurs héritiers ou à leur notaire en cas de décès. Il est également possible de contacter directement les assureurs pour obtenir des informations sur les contrats existants ou dénoués.
Bien sûr, le mieux serait que les deux fichiers FICOVIE soient améliorés et harmonisés, voire « unifiés », afin de remplir pleinement leur mission de service public, mais il appartient aux politiques d’en décider et d’en prendre l’initiative.
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