Rappel de la notion de « résidence principale » :
La résidence principale est par définition le logement d’habitation effectif et habituel du contribuable. Une résidence est considérée comme principale à partir du moment où le contribuable et sa famille y vivent habituellement ou la majeure partie de l’année, et où le centre de leurs intérêts matériels et professionnels s’y trouve.
Le choix de la résidence principale est une décision importante en matière fiscale, par rapport aux possibilités de déductions d’impôts comme les dépenses liées au domicile et à son emplacement, aux frais réels, à la possibilité ou non de bénéficier de crédits d’impôt au titre des dépenses en faveur de l’environnement et de l’aide aux personnes, ou au titre des intérêts d’emprunt.
Il est rigoureusement impossible d’avoir deux résidences principales, par définition. Les contribuables possédant plusieurs résidences doivent donc bien réfléchir avant de désigner celle qui sera leur résidence secondaire, car cela entraîne des incidences notables en matière d’impôts ! Or il arrive en ce domaine, que la jurisprudence administrative vienne au secours du contribuable !
Ainsi en 8ème et 3ème sous-sections réunies, le 3 juin 2015, sous le numéro 367 015, le Conseil d’Etat s’est vu contraint, non seulement de donner raison au contribuable plaignant, mais encore de préciser la nature des pièces et documents à fournir à l’administration fiscale, afin de lui apporter la preuve d’une résidence principale, et, de plus, de condamner non seulement l’Etat à renoncer aux impositions supplémentaires mises à la charge du requérant, mais de le condamner en outre à verser à ce dernier, en sus, une somme de 3 000 € en application de l’article L 761-1 du Code de Justice administrative.
Au cas présent, la question était d’importance, car conditionnant pleinement l’exonération (à l’impôt sur le revenu) de la plus-value immobilière résultant de la cession d’une résidence principale, selon les dispositions de l’article 150 C du Code général des impôts (CGI).
Rappelons qu’aux termes de ce dernier, toute plus-value réalisée lors de la cession d’une résidence principale est exonérée.
Sont par ailleurs considérés comme résidences principales, les immeubles ou parties d’immeubles constituant la résidence habituelle du propriétaire depuis l’acquisition ou l’achèvement ou pendant au moins cinq ans, et pour l’application de ces dispositions, les associés d’une société de personnes relevant de l’article 1 655 ter du CGI qui a pour unique objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble en vue de sa division par fractions et dont les parts donnent droit à l’attribution gratuite en jouissance ou en propriété d’une partie de celui-ci doivent être regardés comme étant eux-mêmes propriétaires de ce bien.
Preuves jugées insuffisantes par le Fisc :
or, ayant cédé les 660 parts qu’il détenait sur les 1 000 parts constituant la SCI qui avait eu pour objet la construction de deux maisons d’habitation, dont la sienne, un contribuable avait revendu ses parts, sans déposer de déclaration de plus-value immobilière, se prévalant des dispositions de l’article 150 C précité, mais il avait été redressé par les services fiscaux sur le fondement inverse (estimant que la preuve de la résidence principale n’était pas apportée).
L’intéressé ayant tour à tour saisi de ce litige, le tribunal administratif local, puis la cour administrative d’appel de Bordeaux, il avait produit devant celle-ci, les éléments complémentaires suivants :
- attestation d’un notaire, indiquant qu’il y avait établi sa résidence principale depuis 7 ans ;
- deux attestations de portée similaire des maires successifs ;
- la copie d’un contrat de prêt à commodat lui permettant de continuer à occuper le logement pendant un an après la cession des parts en attendant la livraison de son nouveau domicile ;
- les factures d’assurance multirisque habitation de 5 années, précisant que la villa était à usage d’habitation principale ;
- des factures d’électricité et de téléphone, prouvant les consommations régulières ;
Cela étant, la Cour avait statué en jugeant « trop peu nombreux, épars et imprécis », ces documents, pour qu’ils puissent être de nature à prouver l’existence de la résidence principale.
Pourvoi du contribuable devant le Conseil d’Etat :
Relevant que le contribuable avait déjà produit devant l’administration fiscale et les juges successifs, suffisamment de pièces et documents attestant que la cession de parts portait bien sur une maison d’habitation (villa) qui constituait sa résidence principale, la Haute Assemblée a également répondu sur le point suivant, opposé par le fisc :
– L’administration faisant valoir que le requérant versait un loyer à la SCI, alors que celle-ci avait été constituée sous le régime de l’article 1655 ter du code général des impôts, afin de lui permettre d’acquitter les échéances du prêt contracté en vue de la construction des deux habitations, il ressortait des statuts de cette société qu’il était seulement prévu que les associés répondraient à des appels de fond de cette dernière.
– Or, l’intéressé avait fourni des copies des comptes de la SCI faisant apparaître à son profit une créance en compte courant d’associé, correspondant selon lui, à ces appels de fonds.
– Mais, l’administration ayant fait valoir qu’aucun compte courant d’associé n’était mentionné dans l’acte de cession des parts de la société, le requérant avait bel et bien fourni une attestation rectificative du notaire, établissant ainsi de manière irréfutable, qu’il occupait la villa à titre gratuit, et qu’il était en droit de bénéficier de l’exonération d’impôt sur le revenu, prévue à l’article 150 C du CGI pour la plus-value réalisée.
Conclusion :
les fournitures à l’administration fiscale, sur les cinq années précédant la cession de la résidence, des factures d’électricité et de téléphone, ainsi que les attestations d’assurance habitation mentionnant qu’il s’agissait de l’habitation principale de l’assuré(e), ont été jugés suffisantes par le Conseil d’Etat pour apporter la preuve d’occupation à titre de résidence principale, d’un logement, quel qu’il soit.
Au demeurant, une telle suspicion de la part des services fiscaux peut surprendre, d’autant que le contribuable, en pareille situation, peut tout aussi bien produire à l’appui des justificatifs déjà fournis, ses papiers d’identité, sur lesquels est mentionnée son adresse, réputée être son habitation principale. Il est non moins surprenant que des attestations, notariées, ainsi qu’émanant de deux « Premiers Magistrats » de sa ville, n’aient pas été prises en considération, ni par le tribunal administratif, ni par la cour administrative d’appel (Bordeaux), et qu’il ait fallu l’arbitrage du Conseil d’Etat pour obtenir gain de cause auprès des services fiscaux !
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