La fiscalité française est connue pour sa complexité, notamment en raison de la prolifération de micro-taxes peu rentables. Dans son rapport publié le 17 avril 2025, la Cour des comptes dresse un état des lieux alarmant : 243 taxes dites à faible rendement (TFR), c’est-à-dire générant chacune moins de 175 millions d’euros par an, rapportent au total 5,98 milliards d’euros.
Comparée aux 1 250 milliards d’euros de prélèvements obligatoires en 2024, cette somme est marginale. La Cour appelle donc à une simplification radicale, afin de réduire les coûts de gestion, clarifier les obligations fiscales et améliorer la performance de l’action publique. Cette réforme s’inscrit dans une logique de modernisation budgétaire et de sécurité juridique.
Qu’est-ce qu’une taxe à faible rendement (TFR) ?
Une taxe à faible rendement (TFR) est définie comme un prélèvement dont le produit annuel est inférieur à 175 millions d’euros. Ces taxes sont souvent sectorielles, ponctuelles ou historiques, mais elles se caractérisent par un rapport coût-efficacité défavorable.
En 2024, la Cour des comptes a recensé 243 TFR, contre 305 en 2019, générant 5,98 milliards d’euros, soit moins de 0,5 % des prélèvements totaux.
Parmi les exemples les plus notables figurent :
- Taxe sur les jeux en ligne
- Taxe sur les appareils de reproduction (photocopieurs, imprimantes)
- Droit progressif sur les produits homéopathiques
- Taxe de balayage
- Taxe sur les remontées mécaniques
- Permis de chasser
- Taxes affectées à certains comités ou formations sectorielles
Souvent peu lisibles et lourdes à administrer, ces taxes posent également un problème d’équité et de lisibilité pour les contribuables, en particulier les entreprises.
Les propositions de la Cour des comptes : trois scénarios de rationalisation
Face à ce constat, la Cour des comptes propose une stratégie en trois temps pour réformer le paysage fiscal : suppression immédiate de 44 taxes « fragiles »
Ces taxes, identifiées comme obsolètes, coûteuses ou redondantes, sont à supprimer dès la loi de finances 2026. Exemples :
- Taxe sur les farines (supprimée en 2019, elle coûtait 18,3 millions pour un rendement de 64 millions)
- -Taxe sur la main-d’œuvre étrangère
- -Taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TA-TFPNB)
Révision ciblée de 30 taxes dans 4 secteurs clés
- Pharmacie et médicament
- Contrôle sanitaire des aliments
- Formation professionnelle
- Financement des services publics locaux
L’objectif est de simplifier ou fusionner certains prélèvements afin d’en améliorer la lisibilité, tout en maintenant un financement pertinent des politiques publiques.
Suppression systématique des taxes rapportant moins de 10 millions d’euros
Cela concernerait 99 dispositifs supplémentaires, souvent ignorés ou sans évaluation précise. Certaines sont même évaluées à zéro.
Incidence budgétaire et avantages économiques
Impact financier limité
Même dans le scénario le plus large, la suppression représenterait moins de 6 milliards d’euros de pertes, soit moins de 0,5 % du budget de l’État. En contrepartie, les économies de gestion et la simplification administrative permettraient un rééquilibrage budgétaire, sans alourdir la pression fiscale globale.
Réduction des coûts de collecte
La gestion de micro-taxes engendre des coûts disproportionnés. Le cas de la taxe sur les farines est emblématique, car représentant un coût administratif de près de 30 % des recettes.
Effet vertueux sur la compétitivité
Un système fiscal plus lisible favorise la conformité, réduit les risques de contentieux, et améliore l’image de la fiscalité française auprès des investisseurs.
Cadre juridique et sécurité fiscale
Références au Code général des impôts (CGI)
La suppression des TFR s’inscrit dans le respect des articles fondamentaux du CGI :
- Articles 1 à 15: sur la légalité, transparence et proportionnalité de l’impôt
- Article 1400-0 A : sur l’encadrement de la fiscalité locale
- + autres dispositions encadrant les prélèvements spécifiques.
Soutien jurisprudentiel
Le Conseil d’État et la Cour de cassation ont rappelé à plusieurs reprises l’exigence de lisibilité fiscale. Des décisions ont mis en cause la complexité excessive des dispositifs aux faibles retombées, au nom de la sécurité juridique du contribuable.
Vers une fiscalité plus moderne et plus efficace
Optimisation et transparence
La Cour des Comptes recommande la création d’un répertoire en ligne des taxes locales et facultatives. Cela améliorerait la lisibilité pour les citoyens et les entreprises.
Contrôle de la création de nouvelles taxes
Pour éviter un effet rebond, la Cour des comptes appelle à ne plus créer de nouvelles TFR, sauf exception justifiée. Un mécanisme de révision annuelle dans les lois de finances est aussi proposé.
Harmonisation des assiettes fiscales
Une réforme structurelle du CGI, visant à harmoniser les bases d’imposition et les modalités de recouvrement, permettrait d’éviter les chevauchements ou redondances.
Conclusion
La suppression des taxes à faible rendement, portée par la Cour des comptes, s’impose comme une réforme structurelle d’intérêt général. Avec 243 dispositifs générant seulement 6 milliards d’euros, leur maintien apparaît de plus en plus injustifié, tant sur le plan budgétaire que juridique.
Les trois scénarios proposés – suppression ciblée, révision sectorielle et élimination des micro-prélèvements – permettent d’envisager une simplification progressive, sans déséquilibrer les finances publiques. En renforçant la transparence, en allégeant la gestion fiscale et en recentrant les ressources sur des outils performants, cette réforme servirait à la fois les intérêts économiques, juridiques et budgétaires du pays.
Adoptée dès 2026, cette refonte pourrait symboliser un tournant majeur vers une fiscalité plus cohérente, plus transparente et mieux adaptée aux défis économiques du XXIe siècle.