Pendant que la tourmente d’octobre secouait le marché crypto, la croissance du crédit aux entreprises et de la masse monétaire M3 est restée stable dans la zone euro. Un profil calme qui renforce le scénario d’une croissance modeste, exemptée de toute rupture brutale. Il donne aussi un peu d’air à la Banque centrale européenne, qui a la visibilité suffisante pour envisager un assouplissement.
Crédit aux entreprises : une dynamique contenue
Les prêts aux sociétés non financières ont progressé d’environ 2,9 % sur un an, contre 2,8 % pour les prêts aux ménages. Des chiffres qui indiquent que le cycle de hausses de taux n’a donc pas complètement bridé l’accès au financement. Toutefois, on admettra aisément que la demande d’investissement reste prudente.
Dans le détail, on note que les PME, plus sensibles au coût de la dette et aux exigences de collatéral, ont un accès au crédit plus réduit que les grandes entreprises. Toutefois, le durcissement des conditions de crédit tend à se stabiliser, si l’on en croit les enquêtes de prêts bancaires de la BCE. Les banques ne resserrent plus leurs critères d’octroi avec autant de sévérité qu’en 2023, réduisant le risque de credit crunch.
Quant à la demande domestique, elle tient encore l’activité, comme le montre notre article sur les prévisions de Global S&P. De plus, elle joue un rôle d’amortisseur des chocs extérieurs, bien pratique dans un contexte où la compétitivité des entreprises européennes reste sous pression sur les marchés mondiaux.
Masse monétaire M3 : un environnement d’équilibre
Après plusieurs mois de normalisation, la masse monétaire M3 continue sa croissance autour de 2,8 %, un rythme ni franchement restrictif ni franchement expansionniste. Les statistiques de la BCE montrent que les dépôts à terme progressent, car les agents économiques recherchent des placements mieux rémunérés, vu le niveau encore élevé des taux.
En parallèle, les dépôts à vue se tassent, ce qui montre que ménages et entreprises gèrent leur trésorerie de manière plus attentive. Toutefois, aucune contraction brutale de la liquidité n’est venue accompagner cette recomposition interne. Un scénario de « soft landing » reste donc cohérent, limitant le risque de nouvelles poussées d’inflation alimentées par le crédit bancaire.
Cette trajectoire monétaire est donc plus prévisible, ce qui constitue un point de repère important pour les investisseurs. En effet, ceux-ci pourront calibrer leurs anticipations de taux à horizon 2025 dans une relative tranquillité, sans crainte de changement de cap soudain.
How did euro area bank lending and money supply evolve in October? How do they compare with September’s figures?
— European Central Bank (@ecb) November 28, 2024
Quels effets pour l’euro… et pour le marché crypto ?
L’indicateur de sentiment économique de la Commission européenne, à 97,0 en novembre, est légèrement remonté sans pour autant rattraper sa moyenne de long terme. La combinaison d’une croissance tiède, d’une inflation en reflux et d’un crédit stable plaide toutefois pour une baisse graduelle des taux directeurs en 2025, plutôt qu’un assouplissement brutal.
Pour les crypto-actifs, un cadre monétaire plus lisible est généralement favorable à une prise de risque progressive. Car en effet, lorsque la montée des rendements réels s’arrête, les investisseurs ont tendance à rééquilibrer leurs portefeuilles en direction des actifs de croissance tels que Bitcoin et les principales altcoins. D’ailleurs, la demande de crypto en euros reste sensible aux anticipations de politique monétaire.
De plus, il faut rappeler qu’une BCE moins agressive atténue aussi la pression sur l’euro, ce qui limite les chocs de change pour les investisseurs européens exposés à des crypto-actifs libellés en dollar. Par ailleurs, la perspective de taux plus bas devrait limiter l’attrait des rendements en euro offerts par certains produits de trésorerie tokenisés.
Mais attention : il ne faut pas oublier qu’une banque centrale plus prévisible renforce la confiance dans la monnaie unique. Et, indirectement, la crédibilité des stablecoins indexés sur l’euro, qui sont encore minoritaires face aux jetons adossés au dollar.
Last but not least, précisons que la photographie actuelle du crédit et de M3 a peu de chances de déclencher une rotation massive en direction les crypto-actifs. Au contraire, elle installe un régime de volatilité modérée, mené par des signaux de la BCE qui deviennent des catalyseurs ponctuels pour Bitcoin et les altcoins, plutôt que des déclencheurs de panique ou d’euphorie.

