Le marché des stablecoins en forte expansion suscite déjà de vives inquiétudes. Le Conseil européen du risque systémique réuni par Christine Lagarde n’a ainsi pas manqué de délivrer un très sérieux avertissement à l’encontre de certaines catégories de stablecoins, en vue de la préservation de la stabilité financière de l’Union.
Des vulnérabilités dans les modèles multi-émetteurs
Dans son rapport, l’ESRB invite à la prudence à l’égard des risques des “schémas multipays tiers” : ces dispositifs permettent à plusieurs acteurs d’un même stablecoin, en Union européenne ou en dehors de celle-ci, d’avoir des régimes de détention des réserves et de supervision différents.
Watching: just a rec', not law, but the European Systemic Risk Board is warning against stablecoins issued outside the EU. If EU kills multi-issuance, then stablecoins splinter, fragmenting liquidity. That hurts stables but makes a neutral bridge more valuable. pic.twitter.com/2URLwUfqKE
— WrathofKahneman (@WKahneman) October 2, 2025
« Ces modèles présentent des faiblesses structurelles qui pourraient provoquer un choc systémique, car les freins sont inadéquats », alerte l’ESRB.
La principale source de risque concerne le fait qu’un investisseur européen puisse exiger le rachat de ses tokens à des bureaux situés sur le territoire national alors même que ceux-ci sont restés dans des réserves situées au-delà des frontières européennes. En cas de stress sur les marchés : l’Union européenne pourrait faire face alors à un manque de liquidité obligeant la Banque centrale à intervenir.
Vers une interdiction des stablecoins transfrontaliers ?
Pour ne pas voir surgir cette configuration, l’ESRB suggère même d’interdire ces modèles ttransfrontaliers, jugés de nature à nuire à la compétitivité des stablecoins libellés dans la monnaie unique et amplifiant la dépendance à la devise de référence qu’est le dollar.
Actuellement, la capitalisation boursière totale du marché mondial des stablecoins est supérieure à 300 milliards de dollars. Mais ce marché notable est très largement dominé par l’USDT de Tether qui représente 58 % du marché. Les stablecoins soutenus par l’euro sont encore très minoritaires, représentant à peine 0,15 % du marché.
On peut largement apercevoir ce décalage à propos des monnaies stables indexées sur les dollars et celles qui sont produites dans la zone euro. Pour le régulateur, ne pas voir fleurir des structures opaques dans son champ de cover, n’est-ce pas un peu plus écorné la souveraineté monétaire dans la zone euro ?
MiCA face à ses limites
Le régulateur pointe aussi les faiblesses du règlement MiCA, pourtant adopté pour encadrer le secteur des cryptomonnaies dans l’UE. Ce texte constitue une avancée, mais il reste flou sur les règles de transfert et sur la gestion des stablecoins émis hors de l’Union.
L’ESRB appelle les autorités européennes à mettre en place des mécanismes d’équivalence avec les juridictions non européennes. Ces mesures doivent garantir le même niveau de protection pour les investisseurs et pour le système financier. Sans elles, les modèles transfrontaliers n’ont pas leur place sur le marché européen.
Une pression croissante sur les acteurs non-européens
Bien qu’elles n’aient pas valeur de recommandations contraignantes juridiquement, elles ont une force politique, en effet adoptées par les gouverneurs des banques centrales de l’UE et par plusieurs autres figures importantes du secteur financier, elles envoient un message très net à l’industrie.
Par conséquent, pour les émetteurs étrangers de stablecoins, cet avertissement représente une contrainte réglementaire supplémentaire. Les institutions européennes cherchent en outre à renforcer leur supervision et à réduire la dépendance excessive aux stablecoins libellés en dollars.
À terme, cette dynamique pourrait même encourager la création de nouveaux stablecoins en euros, capables d’offrir une alternative solide et respectueuse des normes européennes.
Sources : ESRB
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