Depuis 2020, un profil inattendu s’impose sur les marchés français : celui des épargnants particuliers très actifs, séduits par les actions et les ETF. Au 2ᵉ trimestre 2025, l’Autorité des marchés financiers (AMF) recense 688 000 acheteurs d’actions, dont 67 000 nouveaux entrants, un plus haut inédit depuis 2020. Cette dynamique interroge : qu’est-ce qui pousse les Français à franchir le pas du trading et investir en Bourse ?
Des rendements faibles des livrets qui poussent à chercher de nouvelles solutions
Le Livret A est à 1,7 % et le Livret d’Épargne Populaire (LEP) à 2,7 % depuis le 1ᵉʳ août 2025. Depuis plus de 10 ans, une fois l’inflation déduite, les livrets offrent un rendement réel proche de zéro, voire négatif. Pendant ce temps, le taux d’épargne des ménages reste élevé, autour de 18,9 % au T2 2025, en raison notamment de l’incertitude économique et politique du pays, ce qui représente une réserve de capital importante.
Mais ce n’est pas la seule cause. Derrière ces évolutions se cache un véritable bouleversement sociologique et technologique !
L’essor des ETF et la facilité d’accès à la Bourse portée par les jeunes générations
Les ETF : une porte d’entrée populaire
L’engouement pour les ETF (fonds indiciels cotés) est tangible : au premier trimestre 2025, 2,3 millions de transactions, soit une hausse de +130 % sur un an, impliquent 435 000 investisseurs particuliers sur ce support. Ce succès repose sur leur simplicité, leur coût réduit et leur diversification immédiate.
Source : AMF / Activité des investisseurs particuliers sur les ETF
Cet engouement est de plus en plus porté par les jeunes générations, avec un âge moyen des français pour le trading d’ETF passant de 60,8 ans en 2019 à 41,3 % au T2 2024.
Source : AMF / Activité des investisseurs particuliers sur les ETF
Le moteur générationnel : indépendance et culture d’investissement
Les jeunes générations (moins de 35 ans) sont surreprésentées parmi les nouveaux investisseurs. Pour beaucoup, la Bourse est perçue comme une solution pour ne pas subir les incertitudes du système de retraite ou l’érosion du pouvoir d’achat. L’influence des réseaux sociaux (TikTok, YouTube, X) joue également un rôle : tutoriels, témoignages, vulgarisation, la culture de l’investissement est devenue un sujet mainstream. Ce désir d’autonomie financière contribue à transformer l’épargne en un projet actif à l’heure où nombre d’entre eux revendiquent que le travail ne paye plus suffisamment alors que les indices boursiers mainstream battent des records.
La révolution technologique et la baisse des barrières d’entrée
L’émergence des néo-courtiers a profondément transformé l’accès aux marchés financiers. Là où il fallait autrefois passer par une banque traditionnelle, remplir une liasse de formulaires et supporter des frais élevés, il suffit désormais de quelques clics sur smartphone pour ouvrir un compte. Cette simplification radicale a levé une barrière psychologique : l’investissement en Bourse n’est plus perçu comme réservé aux initiés.
La baisse des coûts constitue un autre facteur décisif. Les courtiers en ligne et applications mobiles proposent des ordres de Bourse à frais réduits, voire à zéro commission pour certaines transactions. Pour les particuliers, la différence est significative : investir 100 € dans une action n’est plus grevé par 10 ou 15 € de frais fixes, ce qui élargit considérablement le champ des possibles, notamment pour les petits portefeuilles.
À cela s’ajoute la démocratisation du fractionnement d’actions. Grâce à ce mécanisme, il est possible d’acheter une fraction d’un titre coté, par exemple 0,1 action Tesla ou LVMH, au lieu d’investir plusieurs centaines d’euros pour une action entière. Dès lors, des valeurs prestigieuses, auparavant hors de portée, deviennent accessibles aux jeunes épargnants.
Récemment, de nouvelles étapes sont franchies avec l’intégration de solutions technologiques avancées :
- Outils de screening intelligents : filtrage d’actions ou d’ETF selon des critères personnalisés (secteur, performance, volatilité, ESG).
- Recommandations basées sur l’IA : certains courtiers utilisent des algorithmes d’apprentissage automatique pour suggérer des titres ou alerter sur des tendances de marché.
- Social trading : possibilité de suivre ou de copier les stratégies d’investisseurs expérimentés en temps réel, transformant l’expérience en communauté interactive.
- Simulations et backtesting accessibles : auparavant réservés aux professionnels, ces fonctions permettent aux particuliers de tester une stratégie avant de l’appliquer en conditions réelles.
Enfin, l’expérience utilisateur (UX) a été pensée pour abaisser la complexité perçue du trading : interfaces épurées, contenus pédagogiques intégrés directement dans les applications, notifications push pour suivre ses positions ou les actualités clés. Le smartphone est devenu le tableau de bord financier de poche des épargnants, ancrant la Bourse dans le quotidien au même titre que la gestion bancaire ou le suivi d’un budget.
Un effet de halo lié aux performances historiques
Au-delà des facteurs technologiques, l’un des moteurs les plus puissants de l’attrait pour la Bourse réside certainement dans son bilan flatteur des dix dernières années.
- Un CAC 40 en forte progression : entre 2015 et 2025, l’indice phare est passé d’environ 4 500 points à plus de 7 500 points, soit une hausse de plus de 60 % en une décennie, sans compter les dividendes. En rythme annuel, cette performance surpasse largement celle des livrets réglementés et même celle de l’immobilier résidentiel.
- Les champions mondiaux comme vitrines : la hausse spectaculaire du S&P 500 (+150 % environ sur dix ans) et du Nasdaq (+200 % sur la même période), dopée par les GAFAM et l’essor de la tech, a fortement marqué les esprits. Plus globalement, l’indice MSCI World, qui regroupe plus de 1 500 grandes capitalisations internationales, a progressé de plus de 100 % depuis 2015. Ces performances mondiales, relayées par les médias et accessibles aux particuliers via les ETF, contribuent à la fascination pour l’investissement boursier.
- La mémoire du rebond post-Covid : après le krach de mars 2020, qui avait fait plonger le CAC 40 vers 3 800 points, l’indice a retrouvé ses niveaux pré-crise en moins d’un an avant de signer de nouveaux records en 2021 et 2023. Ce retour rapide a marqué les esprits : pour beaucoup d’épargnants, la Bourse « finit toujours par remonter ».
- Comparaison avec l’immobilier : tandis que la flambée des prix immobiliers s’essouffle depuis 2022 avec la remontée des taux, les indices boursiers mondiaux (S&P 500, Nasdaq, MSCI World) affichent des trajectoires spectaculaires, tirées par la technologie et l’économie américaine. La mode de l’investissement locatif sans apport et autofinancé (pendant la période des taux bas) semble laisser place à la Bourse, perçue désormais comme un moteur de performance plus dynamique que la pierre.
L’essor du trading chez les particuliers français repose sur un mélange unique de facteurs : faiblesse des rendements traditionnels, digitalisation, quête d’indépendance et performances historiques. Reste à savoir si cette vague se maintiendra face à la volatilité des marchés. Une chose est sûre : la Bourse est désormais solidement ancrée dans le paysage de l’épargne française.