La Banque d’Angleterre (BoE) multiplie les avertissements. Dans un discours le 9 juillet, son gouverneur Andrew Bailey a qualifié l’essor des stablecoins de « risque systémique » pour le système bancaire britannique.
Le ton tranche avec l’attitude plus conciliante des États-Unis et nourrit le débat sur l’avenir de la monnaie numérique outre-Manche.
Une charge plus structurée qu’un simple coup de semonce
Toutefois, le gouverneur ne se limite plus aux mises en garde verbales. Le Financial Policy Committee (FPC) estime désormais que « les stablecoins largement utilisés comme moyen de paiement doivent respecter l’unicité et la confiance dans la monnaie ».
Concrètement, il veut empêcher les banques d’émettre leurs propres jetons privés, craignant un assèchement des dépôts traditionnels.
Le même FPC, réuni fin juin, juge qu’un cadre réglementaire proportionné mais rigoureux offrirait « des bénéfices de stabilité » tout en attirant des fintechs au Royaume-Uni. En effet, la capitalisation des principaux stablecoins dépasse 255 milliards $, contre 125 milliards il y a deux ans.
Cette fermeté reflète aussi les déconvenues d’émetteurs étrangers tels que Circle qui freine ses ambitions européennes face aux exigences accrues.
Bailey encense les dépôts tokenisés… et dézingue les stablecoins
En effet, dans une interview reprise par le média TradingView News, Bailey affirme qu’il « préférerait de loin » voir les banques « numériser leurs dépôts » plutôt que lancer des stablecoins maison.
Selon lui, un stablecoin bancaire siphonnerait la base de dépôts nécessaire au crédit, contrairement aux dépôts tokenisés adossés directement à la livre sterling.
Concrètement, ces dépôts tokenisés resteraient assurés par le Financial Services Compensation Scheme et continueraient d’alimenter le marché interbancaire. Ainsi, la BoE préserve la singleness of money tout en modernisant les paiements transfrontaliers.
Bank of England Governor Andrew Bailey has warned the world’s largest banks against issuing their own stablecoins, setting up a potential clash with President Donald Trump’s administration and its backing of the digital assets https://t.co/wvdQhYZT9P
— Bloomberg (@business) July 13, 2025
Calendrier réglementaire : cap sur la fin 2025
Par conséquent, le Trésor britannique publie un projet de décret qui crée une activité régulée d’« émission de stablecoin référencé à une monnaie fiduciaire ». Le texte, soumis à consultation jusqu’en septembre, vise une adoption parlementaire avant l’été 2025.
Il distingue clairement les qualifying stablecoins des dépôts tokenisés afin d’éviter la confusion avec l’argent électronique classique.
En parallèle, la BoE renvoie toute décision sur une éventuelle livre numérique (« Britcoin ») au Parlement en 2026. D’ici là, un Digital Pound Lab teste l’interopérabilité entre dépôts tokenisés et infrastructures de paiement existantes.
Réponses du marché et conséquences internationales
Toutefois, les banques britanniques s’adaptent déjà. Barclays et Lloyds mènent des pilotes de règlement T-0 en livres tokenisées dans la Digital Securities Sandbox. De leur côté, les géants USDC et Tether accélèrent la transparence de leurs réserves pour rester éligibles au futur régime britannique.
Cette dynamique contraste avec le cadre européen MiCA, où les plafonds d’émission restent plus stricts que ceux envisagés à Londres. Enfin, Washington pousse, via le Congrès, un texte favorable aux stablecoins, soutenu par d’importants lobbies bancaires.
En somme, la BoE ne se contente plus d’alerter. Elle trace une voie où la monnaie publique reste au cœur du système, tandis que les innovations privées s’y greffent sans le compromettre.
Reste à savoir si ce compromis séduira un marché déjà habitué à la rapidité des stablecoins… ou s’il ouvrira une nouvelle ère de dépôts tokenisés « made in UK ».
Sources
- BoE – Opening remarks de Andrew Bailey (9 juillet 2025)
- Record du FPC – 27 juin 2025
- HM Treasury – Policy Note sur les stablecoins (29 avril 2025)
Sur le même sujet