La Banque d’Angleterre a lâché une bombe. Envisager de plafonner la détention de stablecoins par les particuliers et les entreprises : voilà la nouvelle idée de la vénérable institution.
Officiellement, l’objectif est de protéger la stabilité financière. Officieusement, la City s’embrase déjà. Les acteurs crypto crient au freinage brutal de l’innovation en accusant la banque centrale d’étouffer dans l’œuf un secteur qui bénéficie d’un dynamisme remarquable.
Des limites qui font grincer des dents
Selon le Financial Times du 14 septembre 2025, l’institution songe à fixer la barre entre 10 000 et 20 000 livres pour les particuliers (à peine de quoi contenir un portefeuille sérieux) et à 10 millions pour les entreprises. Mais uniquement sur les stablecoins dits « systémiques », ceux qui pourraient s’imposer dans les paiements du quotidien.
Pour la Banque d’Angleterre, l’équation est simple : trop de retraits massifs vers des stablecoins, et c’est le système bancaire classique qui vacille. Moins de dépôts, moins de crédits, plus de fragilité. Sasha Mills, directrice exécutive en charge de l’infrastructure des marchés financiers, résume la logique : éviter qu’un nouveau système de paiement ne devienne incontrôlable.
La riposte des acteurs crypto
Côté crypto, la réaction est immédiate et virulente. Tom Duff Gordon, vice-président de la politique internationale chez Coinbase, n’y va pas par quatre chemins :
« Mauvais pour les épargnants britanniques, mauvais pour la City et mauvais pour la livre sterling. »
Une critique cinglante, assortie d’un rappel : aucune grande juridiction au monde n’impose de telles limites.
Simon Jennings, du Conseil britannique des entreprises de cryptoactifs, souligne un problème technique. Pour appliquer ces plafonds, il faudrait des systèmes d’identification numérique d’une précision redoutable. Or, ils n’existent pas encore.
Quant à Riccardo Tordera-Ricchi, de The Payments Association, ils pousse le raisonnement plus loin : pourquoi limiter les stablecoins quand ni les espèces ni les comptes bancaires n’ont de plafond ? Une distorsion, dit-il, qui casse la logique réglementaire.
Andrew Bailey, toujours méfiant
Derrière ces annonces, on retrouve la ligne dure d’Andrew Bailey. Le gouverneur de la Banque d’Angleterre n’a jamais caché sa méfiance vis-à-vis des stablecoins. Il redoute leur opacité, leur volatilité et surtout leur potentiel systémique.
En février dernier encore, il martelait la nécessité de « normes réglementaires élevées », et ce, en rappelant que ces actifs ressemblent parfois plus à des fonds communs opaques qu’à de la monnaie solide.
Bailey a même déconseillé aux banques britanniques de lancer leurs propres stablecoins. Sa préférence ? La tokenisation des dépôts bancaires, une innovation jugée plus sûre et plus maîtrisable. Autrement dit, oui à la modernité, mais seulement dans le cadre du système bancaire existant.
Le Royaume-Uni face au dilemme mondial
En serrant la vis, Londres choisit une voie prudente. Mais à quel prix ? Les États-Unis et l’Union européenne avancent, eux aussi, sur la régulation, mais avec des formules moins restrictives. Alors, dans ce schéma, le Royaume-Uni risque d’apparaître comme l’un des terrains les moins hospitaliers pour les stablecoins.
Le danger est réel. Si les plafonds se concrétisent, les géants du secteur risquent de délocaliser leurs efforts vers des juridictions plus ouvertes.
Pendant ce temps, l’usage des stablecoins explose ailleurs : l’USDC et le Tether (USDT) s’imposent comme des piliers des paiements numériques et des échanges crypto mondiaux. Le Royaume-Uni, en voulant se protéger, pourrait rater l’occasion de devenir un hub de cette nouvelle finance.
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