La clause « d’earn-out » est une modalité particulière de fixation du prix de cession de titres sociaux qui permet d’ajuster ce dernier en fonction de la réalisation d’événements futurs, généralement liés aux performances de l’entreprise cédée. Cette pratique, fréquemment utilisée dans le cadre des cessions d’entreprises, soulève plusieurs interrogations en matière fiscale, notamment quant au régime applicable aux compléments de prix perçus par le cédant.
En droit fiscal français, la clause « d’earn-out » fait l’objet d’un encadrement juridique spécifique.
Quelles sont les conditions et le fonctionnement de la clause « d’earn-out » ? Quel est le régime fiscal applicable aux compléments de prix perçus par le cédant ?
Définition et conditions d’application de la clause « d’earn-out »
Définition et champ d’application
La clause « d’earn-out » est une stipulation contractuelle prévoyant qu’une partie du prix de cession sera versée ultérieurement en fonction de la survenance de critères déterminés. Elle est généralement utilisée lors de la cession de droits sociaux (parts sociales ou actions) lorsque le prix de cession dépend des performances futures de l’entreprise cédée.
L’administration fiscale et la jurisprudence ont précisé que « l’earn-out » devait être considéré comme un complément de prix et non comme une rémunération distincte (Conseil d’État, 24 octobre 2011, n° 323719). Cette qualification conditionne le régime fiscal applicable.
Conditions de validité et principes fiscaux
Selon le bulletin officiel des Finances publiques -BOFIP – (BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-40, § 150), pour être reconnu fiscalement, un complément de prix issu d’une clause « d’earn-out » doit répondre à plusieurs critères :
- Être prévu dans l’acte de cession : la clause doit figurer explicitement dans ledit contrat.
- Être déterminable selon des critères objectifs : les conditions de versement doivent être clairement définies (exemple : évolution du chiffre d’affaires ou du bénéfice de la société cédée).
- Avoir un caractère aléatoire : le complément de prix ne doit pas être garanti.
- Ne pas être assimilable à une rémunération : le complément de prix ne doit pas compenser un travail ou un service fourni par le cédant.
Lorsque ces conditions sont réunies, le complément de prix perçu ultérieurement est soumis au régime fiscal des plus-values mobilières.
Régime fiscal du complément de prix perçu par le cédant
Principe d’imposition des compléments de prix
Conformément à l’article 150-0 A du code général des impôts (CGI), les gains issus d’une cession de valeurs mobilières sont imposables selon le régime des plus-values mobilières des particuliers. L’administration fiscale considère que le complément de prix perçu en application d’une clause « d’earn-out » suit le régime fiscal applicable à la plus-value initiale (BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-40, § 200).
Ainsi, lorsque la clause « d’earn-out » est activée, le cédant doit déclarer le complément de prix l’année de sa perception, et celui-ci est taxé comme une plus-value mobilière, selon le taux en vigueur au moment de la cession.
Calcul et modalités d’imposition
Le complément de prix s’ajoute rétroactivement au prix de cession initial pour recalculer la plus-value imposable. Selon l’article 150-0 B du CGI, le taux applicable est celui en vigueur à la date de cession des titres, même si le complément est perçu ultérieurement. Depuis la loi de finances pour 2018, la fiscalité des plus-values mobilières repose sur le Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) de 30 %, incluant :
- Un impôt sur le revenu au taux de 12,8 % ;
- Des prélèvements sociaux au taux de 17,2 % au total.
Toutefois, les contribuables peuvent opter pour l’imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu, auquel cas les abattements pour durée de détention (article 150-0 D du CGI) peuvent s’appliquer sous conditions.
Jurisprudence et cas particuliers
La jurisprudence a précisé certains aspects du traitement fiscal des « earn-out » :
- Lorsque le complément de prix est perçu par un cédant non résident fiscal français, il peut être soumis à une retenue à la source en fonction des conventions fiscales internationales applicables (CE, 29 décembre 2017, n° 399867).
- Si le bénéficiaire de « l’earn-out » a changé de régime fiscal entre la cession et la perception du complément (par exemple, en devenant non-résident), des règles spécifiques s’appliquent pour éviter un double traitement fiscal (BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-40, § 220).
Obligations déclaratives
Le cédant doit déclarer le complément de prix perçu dans sa déclaration de revenus de l’année concernée. L’administration fiscale impose une rectification de la déclaration initiale en cas de perception d’un « earn-out », avec recalcul de l’assiette taxable (BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-40, § 210).
Conclusion
La clause « d’earn-out », bien que souple et avantageuse pour ajuster le prix de cession en fonction de la performance de l’entreprise, est encadrée strictement par la fiscalité française. Son traitement fiscal repose sur l’assimilation du complément de prix à la plus-value initiale et l’application du PFU ou du barème progressif selon l’option du contribuable.
La jurisprudence et l’administration fiscale veillent à éviter tout contournement du régime des plus-values, notamment en s’assurant que « l’earn-out » ne constitue pas une rémunération déguisée. Ainsi, la mise en place d’une clause « d’earn-out » doit être soigneusement anticipée pour en maîtriser les implications fiscales.