Le lancement du stablecoin natif USDm de MegaETH ne devait être qu’un simple pré-dépôt conçu pour préparer le mainnet. Hélas, ce pré-dépôt de 250 M$ a vite tourné au chaos, subissant une panne de pont et des erreurs KYC. Un incident qui pose désormais la question de la gouvernance des gros projets d’infrastructure.
Comment le pré-dépôt USDm a dérapé
Le point de départ : MegaETH prévoyait un pont de pré-dépôt limité à 250 M$ et réservé aux investisseurs KYC de la vente publique de MEGA. Il était prévu de convertir ces dépôts (en USDC sur Ethereum) en USDm au lancement du mainnet, servant ainsi d’amorce de liquidité pour le Layer 2.
Mais ce 25 novembre, des pannes répétées du site et du module KYC sont venues perturber l’ouverture du pont. De nombreux portefeuilles, pourtant validés, restaient bloqués, tandis que d’autres étaient restreints à une page d’erreur récurrente. Bien évidemment, ils sont nombreux à avoir, par agacement ou dans la panique, martelé le bouton « refresh », ce qui a aggravé la congestion au pire moment.
En parallèle, l’équipe avait préparé une transaction multisig, afin de relever ultérieurement le plafond global à hauteur de 1 Md$. Hélas, la hausse du cap a eu lieu bien plus tôt à cause d’une mauvaise configuration du multisig, avec pour effet de réouvrir brièvement les dépôts et de propulser les montants au-delà des 400 M$, puis des 500 M$.
Introducing the MegaETH Pre-Deposit Bridge
USDC on Ethereum → USDm on Mega mainnet (Frontier)
$250M cap. Nov 25th. pic.twitter.com/jgzEIcp6FM
— MegaETH (@megaeth) November 20, 2025
KYC, cap et fairness : la confiance mise à l’épreuve
Cette regrettable séquence a laissé sur le carreau de nombreux investisseurs KYC, bloqués derrière des erreurs de connexion, tandis que d’autres accaparaient les dernières places. Sans surprise, les critiques quant à un accès inéquitable au pré-dépôt ont fusé sur les réseaux, tandis que d’autres évoquaient une demande « trop forte pour l’infrastructure actuelle ».
Face à ces critiques, l’équipe a finalement renoncé à étendre le programme jusqu’à 1 Md$ et a figé le cap final à 500 M$ avec option de retrait. MegaETH assure néanmoins que les contrats restent sûrs… Et que les failles relèvent principalement de la couche opérationnelle et du paramétrage du multisig.
Petit rappel historique : ce couac arrive après une ICO éclair qui avait permis au projet de lever 50 M$ en quelques minutes, démontrant un appétit spéculatif considérable. D’ailleurs, notre analyse de ce coup d’envoi soulignait déjà l’ampleur des attentes, mais aussi la pression sur l’exécution technique.
USDm, un stablecoin natif stratégique pour MegaETH
Au-delà de ce raté opérationnel regrettable, USDm reste un noeud central du modèle économique de MegaETH. En effet, ce stablecoin natif conçu avec Ethena, et adossé à USDtb, redirige le rendement des réserves vers les coûts du séquenceur. Ce qui permet par la même occasion de facturer le gas à prix quasi coûtant sur le Layer 2.
L’ambition derrière ce montage assez technique est simple : proposer un réseau temps réel capable de traiter plus de 100 000 transactions par seconde pour l’écosystème ETH. De cette façon, MegaETH entend prouver qu’un Layer 2 a la capacité de concilier une faible latence, des frais réduits et un modèle de revenus durable qui repose sur un stablecoin natif.
Et cette ambition n’est pas un cas isolé. En effet, USDm rejoint une vague de stablecoins « maison » émis par des exchanges ou des protocoles de dérivés. Mais cette multiplication de jetons de liquidité inquiète certains analystes, qui pointent des risques tels que la fragmentation des marchés ou encore un suivi des risques de contrepartie rendu plus complexe pour les utilisateurs.
MegaETH’s USDm stablecoin pre-deposit launch hits 'turbulence' amid outages and cap flip-flops https://t.co/5lktUnE2iT
— The Block (@TheBlock__) November 25, 2025
Quelles leçons en tirer ?
Côté investisseurs, la mésaventure USDm rappelle qu’un pré-dépôt sur un protocole en test ne vaut pas un dépôt sur un stablecoin établi. Le risque opérationnel, potentiellement aussi critique que le risque de smart contract, plaide pour une entrée à tickets limités et pour une diversification des plateformes.
Pour les équipes de développement, cet épisode montre que l’importance équivalente des tests du code on-chain et de l’orchestration des campagnes de levée off-chain. Il est donc primordial de prévoir des plans de secours et des répétitions pré-lancement, car un simple paramétrage de multisig peut suffire à briser la confiance.
À court terme, prouver que les retraits fonctionnent sans accroc et que la distribution finale de USDm reste équitable constitue la priorité absolue MegaETH. Enfin, la réussite de ce stablecoin natif conditionnera fortement la promesse économique du réseau, et l’équipe sera jugée sur sa gestion de ce faux départ.
