Actufinance s’est déjà faite l’écho de décisions de l’administration fiscale, contestées par les contribuables, qui, les ayant soumises aux plus hautes juridictions, après avoir épuisé les recours précédents (Conseil d’Etat ou Cour de Cassation), voient leur requête transmise par les Magistrats de ces Hautes Assemblées, à l’avis du Conseil Constitutionnel par voie de QPC (Question prioritaire de constitutionnalité).
De plus en plus en effet, le Conseil Constitutionnel s’impose donc comme le dernier « rempart » des contribuables (dans la sphère juridique française), qui n’hésitent pas à le saisir par voie de QPC, les Sages quant à eux n’hésitant pas à réformer des positions administratives et des textes qu’ils jugent non-conformes aux principes fondamentaux de notre Constitution.
La question du cumul des sanctions se pose souvent en matière de contrôle fiscal
Sans aller jusqu’à imiter d’autres systèmes qui additionnent les peines encourues, il arrive souvent qu’un contribuable ayant été condamné pour fraude fiscale, surtout pour des motifs graves, cumule des sanctions fiscales très lourdes, et des sanctions pénales tout aussi lourdes. Se pose alors la question du « cumul des peines ». Les services du contrôle fiscal ont coutume, jusqu’à présent, d’appliquer la « règle » selon laquelle les sanctions additionnées ne sauraient excéder le montant maximum de l’une des sanctions encourues.
Ce cumul de sanctions peut soulever des difficultés au regard du principe « non bis in idem », qui interdit que quiconque soit poursuivi ou puni deux fois pour la même infraction. Ce principe est consacré par l’article 4 du protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l’homme, ratifié par la France en 1988. Toutefois, la France a émis une réserve lors de la ratification, afin d’exclure du champ d’application du principe « non bis in idem » le cumul de sanctions fiscales et pénales.
La position claire du Conseil Constitutionnel sur ce cumul de peines
Ce dernier est le gardien des droits et libertés que la Constitution garantit aux citoyens. Il veille notamment au respect du principe de nécessité et de proportionnalité des peines, qui implique que toute sanction doit être adaptée à la gravité de l’infraction commise.
En matière de fraude fiscale, le droit français prévoit la possibilité d’un cumul de sanctions fiscales et pénales à l’encontre des mêmes personnes et pour les mêmes faits. Les sanctions fiscales sont prononcées par l’administration fiscale, qui peut infliger des amendes, des majorations ou des intérêts de retard aux contribuables qui ont omis ou dissimulé une partie de leurs revenus ou de leur patrimoine. Les sanctions pénales sont prononcées par les juridictions pénales, qui peuvent condamner les fraudeurs à des peines d’emprisonnement, d’amende ou de confiscation.
Par deux QPC et leur décision en date du 24 juin 2016 (2016-545 QPC et 2016-546 QPC), les sages ont eu à se prononcer sur le cumul des pénalités fiscales pour insuffisance de déclaration et des sanctions pénales pour fraude fiscale, le Conseil constitutionnel ayant été saisi le 30 mars 2016 par la Cour de cassation de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) se rapportant à la conformité des articles 1729 et 1741 du code général des impôts, aux droits et libertés que la Constitution garantit.
Il s’est agi en l’espèce, de contester la légalité (conformité à la Constitution) d’un cumul de sanctions, celles appelées « majorations » et visées à l’article 1729 du Code général des impôts, et les sanctions pénales de l’article 1741. Jugeant en premier lieu « conformes » à la Constitution ces deux sanctions, prises isolément, les Sages se sont ensuite prononcés sur leur cumul, qu’ils ont également déclaré « conforme à la Constitution », sous deux réserves :
– s’appuyant sur le principe selon lequel l’objectif de lutte contre la fraude fiscale justifiait l’engagement de procédures complémentaires, dissuasives (sanctions fiscales) et répressives (sanctions pénales) dans les cas de fraude les plus graves, il a précisément jugé que le principe de nécessité des sanctions et des peines ne devait s’appliquer qu’aux situations les plus graves, de fraude fiscale, par la nature de la fraude ou par les montants importants éludés ;
– que le principe de proportionnalité des peines tel qu’appliqué jusque-là (cf : ci-avant, en début d’article), soit maintenu (limitation globale au montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues).
Sous ces deux réserves, le Conseil Constitutionnel a reconnu « conforme » le cumul de sanctions, fiscales et pénales, des articles 1729 et 1741 précités.
De plus, par une décision du 23 novembre 2018 (n° 2018-745 QPC), le Conseil constitutionnel a confirmé sa jurisprudence et a étendu sa réserve d’interprétation aux cas où les sanctions fiscales sont prononcées pour omission déclarative et les sanctions pénales pour fraude fiscale. Il a également rappelé que le juge pénal n’était pas lié par la qualification des faits retenue par l’administration fiscale et qu’il lui appartenait d’apprécier souverainement les éléments constitutifs de l’infraction pénale.
Le Conseil constitutionnel a ainsi affirmé que le cumul de sanctions fiscales et pénales était justifié par la nécessité de lutter contre la fraude fiscale, qui porte atteinte aux principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques. Il a toutefois encadré ce cumul par des garanties visant à assurer le respect du principe de proportionnalité des peines.
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