Le secret professionnel peut être opposé au fisc :
c’est notamment le cas en matière médicale, de même que dans la profession d’avocat. L’article L 13-0 A du Livre des procédures fiscales (LPF) donne aux agents de l’administration fiscale le pouvoir de demander des informations aux « personnes dépositaires du secret professionnel conformément aux dispositions de l’article 226-13 du Code pénal», comme le sont le médecin ou encore l’avocat. Dès lors qu’il précise qu’il est possible de requérir « toutes informations relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes de toute nature », ledit article semble couvrir un champ d’application plutôt vaste, hormis l’exception suivante, posée explicitement par le texte : « les agents de l’administration des impôts ne peuvent demander de renseignements sur la nature des prestations fournies par ces personnes ».
La jurisprudence du Conseil d’Etat a consacré en outre l’impossibilité pour l’administration fiscale de demander des informations permettant d’identifier le client, par exemple de l’avocat, rappelant toutefois que ce principe n’est « pas absolu », et qu’il est même « relatif », comme dans la décision n°375667 du 15 février 2016 par laquelle la Haute Assemblée a jugé qu’une convention d’honoraire nominative peut également être utilisée tant qu’elle ne transcrit pas les prestations réalisées, étant rappelé que l’administration fiscale peut fort bien contrôler par ailleurs des factures qui portent le nom précis de la personne à qui elle a été adressée…
Par principe cependant, les services fiscaux ne peuvent, sous peine de nullité de leur procédure, avoir connaissance de l’identité du client d’un médecin, et encore moins de la consistance de la prestation qui lui a été rendue par l’avocat, ou de la pathologie pour laquelle le patient a été conduit à consulter, mais, ainsi que le Conseil d’Etat l’a précisé le 4 mai 2016 (Sté X, n° 387466), le secret professionnel de l’avocat n’est pas couvert par des éléments relatifs à la domiciliation de son client, notamment en cas d’irrégularité des pièces comptables produites dans le cadre de la vérification.
Toute violation du secret professionnel ayant emporté des conséquences sur le contrôle fiscal est sanctionné par la nullité de la procédure et la décharge des impositions litigieuses correspondantes. (En ce sens : CAA Nancy, 28 janv. 1993, Dr. fisc. 1993. Com. 2221, n°46 ; Conseil d’État, 9ème / 10ème SSR, 24/06/2015, 367288, Recueil Lebon).
Mais jusqu’à certaines limites :
celles-ci sont de plusieurs ordres :
un principe tout d’abord, voulant que la violation du secret professionnel (qu’elle ait été effectuée sans ou avec le consentement du contribuable), si elle n’est suivie d’aucune conséquence fiscale dans la procédure de contrôle, n’entraîne pas la nullité de cette dernière, étant rappelé que les agents de la DGFIP, Direction générale des Finances publiques, et en particulier les agents affectés au contrôle fiscal, sont eux-mêmes astreints au secret professionnel dans l’exercice de leurs fonctions, sous peine de sanctions disciplinaires et pénales.
Les limites déjà citées supra : décision n°375667 du 15 février 2016.
Les limites propres à l’article L 13-0 A du LPF lui-même : même sans préciser la moindre codification de nature à identifier un acte en « K » par exemple ou autre, susceptible de révéler une pathologie, une note d’honoraires nécessairement nominative, par l’identification de la spécialité du praticien en-tête de la susdite (par exemple : pneumologue ; cancérologue ; oncologue ; cardiologue, etc…) est en elle-même suffisante pour donner une indication sur ce pourquoi le contribuable a consulté, constituant là d’une certaine manière, une violation du secret professionnel…, en toute légalité ! Il peut éventuellement en être de même de la spécialisation de l’avocat consulté .
« L’oubli », involontaire ou au contraire volontaire de la part du contribuable vérifié, d’un document couvert par le secret professionnel parmi les documents remis au vérificateur fiscal lors de sa venue dans l’entreprise vérifiée (ou à l’occasion d’une demande spécifique dans le cadre d’un ESFP, examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle), ne saurait vicier la procédure de contrôle, d’autant moins s’il n’en est aucunement tiré de conséquences ou fait état dans la procédure écrite ; dès lors, l’intéressé ne peut plus se prévaloir d’une quelconque violation du secret professionnel visé aux articles L 81 et L 85 du Livre des Procédures Fiscales (LPF). La jurisprudence a été amenée à plusieurs reprises à juger qu’un contribuable ne pouvait se prévaloir d’une quelconque violation du secret professionnel, dès lors qu’il avait donné son consentement à la communication du document incriminé, ou qu’il l’avait intentionnellement et volontairement ou conventionnellement mis à la disposition du vérificateur, et que la connaissance d’un tel document ne résultait en aucune manière de l’exercice d’un droit de communication qui aurait été exercé par le vérificateur : en ce sens en effet :
- Cassation : Ch. crim. 11 févr. 1960, JCP 1960. 11604 ;
- CE 6 mai 1975, Recueil Lebon 114 ;
- Cour Administrative d’Appel (CAA) de Paris, décision du 7 juillet 2017.
La CAA Douai le 05 décembre.2017 (n° 16DA02171) a jugé que : « Il résulte de l’instruction que ne figuraient sur aucun de ces documents des indications sur la nature des prestations médicales fournies aux patients ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’administration aurait pris connaissance d’autres documents, comportant l’indication codée des prestations fournies à des patients nommément désignés ; que, dans ces conditions, le requérant n’est pas fondé à soutenir que le vérificateur aurait méconnu le secret médical et qu’ainsi, la procédure d’imposition serait entachée d’irrégularité au regard des dispositions de l’article L. 13-0-A du livre des procédures fiscales ». Il en résulte donc qu’un vérificateur peut consulter les documents comptables, les relevés bancaires ou tout autre document détaillant l’ensemble des honoraires perçus, y compris si ces derniers comportent l’identité des patients ou clients.
La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2011 pour la confiance dans les institutions judiciaires, dans son article 3, 3 °, a inséré, après l’article 56-1 du Code de procédure pénale, deux articles 56-1-1 et 56-1-2 nouveaux, qui suscitent des commentaires mitigés.
L’article 56-1-1 innove dans le bon sens en prévoyant que, à l’occasion d’une perquisition dans un lieu autre que le cabinet ou le domicile d’un avocat, la personne chez qui il est procédé à ces opérations peut s’opposer à la saisie de ce document.
En revanche, l’article 56-1-2 dispose que le secret professionnel de l’avocat n’est pas opposable aux mesures d’enquête ou d’instruction lorsque celles-ci sont relatives à certaines infractions financières dans les domaines de la fraude fiscale, de la corruption et du terrorisme. Il est prévu néanmoins que les documents détenus ou transmis par l’avocat ou son client doivent établir la preuve de leur utilisation aux fins de commettre ou de faciliter la commission desdites infractions.
Saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 56-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, et de l’article 56-1-2 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi, le Conseil constitutionnel a, par sa décision du 19 janvier 2023 (Décision n° 2022-1030 QPC du 19 janvier 2023, Ordre des avocats au barreau de Paris), en confirmant la conformité de ces deux articles à la Constitution, exclu clairement du secret professionnel de l’avocat tout ce qui relève de « son activité de conseil » et ne se rattache pas directement à une « procédure juridictionnelle ».
Ayant en effet rappelé sa propre jurisprudence suivant laquelle « aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats », le Conseil constitutionnel énonce en effet que les dispositions du deuxième alinéa de l’article 56-1 du Code de procédure pénale interdisent la saisie des documents couverts par le secret professionnel, « dès lors qu’ils relèvent de l’exercice des droits de la défense », permettant ainsi la saisie de tous documents relevant de l’activité de conseil – ou activité « juridique ».
S’agissant de l’article 56-1-2, le Conseil constitutionnel considère que si ses dispositions ne s’appliquent pas, là encore, aux documents couverts par le « secret professionnel de la défense », et s’appliquent a contrario aux documents couverts par le secret professionnel du conseil, mais parmi ces derniers, seuls sont susceptibles d’être saisis ceux qui ont été utilisés aux fins de commettre ou de faciliter la commission des infractions particulières visées par ce texte, lesquelles concernent les contextes exceptionnels de fraude fiscale, corruption et terrorisme.
Le secret bancaire
la levée totale du secret bancaire (article L.511-33 du Code monétaire et financier) ne peut avoir lieu que dans le cadre d’une procédure menée par l’administration si elle dispose de suffisamment d’éléments à charge (suspicion de fraude, etc.). Détiennent ce pouvoir :
- l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution
- l’autorité judiciaire
- la Banque de France
- une commission d’enquête
Le secret bancaire peut être également levé partiellement lors de la consultation du Fichier national des comptes bancaires et assimilés répertoriant l’existence de tous les comptes bancaires français. À chaque compte sont associés le nom du titulaire, le nom de l’établissement bancaire hébergeant le compte ainsi que sa date d’ouverture. Il est cependant rappelé que la consultation de ce fichier ne permet pas au fisc de connaître les montants disponibles sur chaque compte, ni les mouvements bancaires.
Dans le cadre de la lutte contre l’évasion fiscale, l’Union européenne a mis en place des dispositifs supprimant le secret bancaire. Pour sa part, la France a signé de nombreuses conventions fiscales afin d’obtenir des renseignements théoriquement couverts par le secret bancaire. Les banques et les organismes de crédit ont notamment l’obligation de divulguer la situation financière de leurs clients au fisc et aux douanes, ne serait-ce que dans le cadre de la réglementation TRACFIN.
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