L’épisode de liquidations record du 10-11 octobre a mis à nu les rouages du marché. Mais les desks OTC ont servi d’“amortisseurs” face aux paniques visibles sur les carnets, en offrant des quotes bilatérales et des exécutions adaptées aux blocs. Cet angle microstructurel mérite un décryptage.
Ce que disent les données du week-end
Au plus fort du stress, Bitcoin a décroché de la zone 122 000 $ vers 103 000 $, tandis que certaines paires et dérivés ont connu des dislocations temporaires. Le reflux a été brutal, mais l’activité a rapidement migré vers des canaux jugés plus stables par les acteurs institutionnels.
Selon les observations faites par plusieurs fournisseurs de données, plus de 19 Md$ de positions ont été liquidées en 24 heures, touchant au total 1,6 million de comptes. Le phénomène illustre la fragilité des carnets publics soumis aux effets de levier, lorsque la profondeur disparaît en quelques minutes.
Pourquoi les OTC amortissent mieux le choc
Les OTC opérant en “private rooms” réduisent l’effet de vitrine des carnets : pas de book public à “vider”, moins d’impact de marché, et des RFQ qui alignent les tailles de position et la tolérance au risque. Cette “liquidité sombre” coupe court aux mouvements de foule.
D’autant plus que les quotes restent négociées de manière discrète et bilatérale, ce qui limite la propagation des gaps observés sur d’autres plateformes. Et en l’occurrence, les faits récents ont montré qu’en période de pics de volatilité, ce design de marché agit comme un coupe-feu microstructurel.
Regulators should look into the exchanges that had most liquidations in the last 24h and conduct a thorough review of fairness of practices. Any of them slowing down to a halt, effectively not allowing people to trade? Were all trades priced correctly and in line with indexes?… pic.twitter.com/UCD6iKuKFQ
— Kris | Crypto.com (@kris) October 11, 2025
Spreads, profondeur et “pricing” : les écarts qui comptent
Au point fort de la panique, les métriques de spread se sont écartées sur plusieurs exchanges. Du côté des OTC, les fourchettes sont restées nettement plus serrées, facilitant l’exécution de blocs sans glisser de plusieurs pourcents. C’est là un gain direct pour le coût d’impact.
Parallèlement, les volumes sur paires majeures ont bondi dans ces salles privées. Cette rotation vers l’off-exchange souligne une préférence institutionnelle pour la continuité d’exécution, même dans des situations où la visibilité publique peut constituer un handicap.
Gestion du risque : leçons pour pros et plateformes
Pour les desks de marché, cet épisode plaide pour des limites de levier plus dynamiques et une surveillance affûtée des indices de référence utilisés pour le marquage. Quant aux dépegs ponctuels, ils rappellent l’importance des garde-fous à placer sur les données et oracles.
Du côté des investisseurs, l’outil de couverture reprend une place centrale : puts, collars, et réductions de delta via futures. En complément, et afin de contextualiser la purge récente, il est utile de relire les signaux envoyés par les dérivés, comme nous l’avons analysé dans cet article sur la ruée vers la couverture sur options BTC.
Et maintenant ? Trois repères à surveiller
D’abord, l’évolution des spreads OTC vs. carnets publics sur les paires BTC/ETH donnera le tempo du retour à la normale. Ensuite, c’est la part des flux institutionnels hors exchange qui indiquera si la préférence “privée” s’installe durablement.
Enfin, la carte des liquidations et leur vitesse de propagation restent des alertes précoces sur la stabilité des prix. En effet, un suivi régulier des agrégats de liquidations sera crucial pour anticiper les zones de “chasse aux stops” lorsque la volatilité se réactive.