La primauté de la « résidence fiscale » sur le « domicile fiscal » : analyse approfondie de la Loi de Finances 2025, qui clarifie la situation
La Loi de Finances 2025 (LF 2025) a introduit une clarification essentielle dans le droit fiscal français en réaffirmant la primauté de la « résidence fiscale » sur la notion de « domicile fiscal ». Cette distinction, longtemps débattue, avait été mise à l’épreuve par une jurisprudence récente du Conseil d’État.
Face à l’incertitude et aux conflits d’interprétation, le législateur a choisi d’intervenir pour garantir la stabilité du système fiscal français et la sécurité juridique des contribuables. L’article explore le contexte de la réforme, ses implications et les évolutions jurisprudentielles qui l’ont motivée.
Contexte et objectifs de la réforme
La différence entre « domicile fiscal » et « résidence fiscale » repose sur des définitions distinctes en droit fiscal :
– le « domicile fiscal » est déterminé selon les critères internes prévus à l’article 4 B du Code général des impôts (CGI) : foyer, activité professionnelle principale et centre des intérêts économiques.
– La « résidence fiscale » est fixée par les Conventions fiscales internationales qui visent à éviter la double imposition.
Or, ces critères peuvent parfois entrer en conflit. Une personne pouvait ainsi être considérée comme résidente fiscale d’un autre État tout en restant domiciliée fiscalement en France, ce qui engendrait des difficultés d’imposition et d’application des retenues à la source.
La jurisprudence ayant conduit à la réforme
La réforme a été motivée par plusieurs décisions judiciaires récentes, notamment :
– Conseil d’État, 5 février 2024, n°469771 : les juges ont considéré qu’une personne pouvait être résidente fiscale de Suisse tout en étant domiciliée fiscalement en France en raison de son activité professionnelle principale exercée en France. Cette décision a remis en question la suprématie de la résidence fiscale conventionnelle.
– Cour Administrative d’Appel de Paris, 17 janvier 2025, n°23PA04058 : cette affaire a mis en évidence l’ambiguïté du concept de « centre des intérêts économiques » et ses conséquences sur l’imposition.
– Conseil d’État, 2 décembre 2024, n°491024 : cette décision a confirmé la prééminence des conventions fiscales internationales sur le droit interne, renforçant la nécessité d’une clarification législative.
Principes de la Loi de Finances 2025
La LF 2025 a modifié l’article 4 B du CGI afin d’établir clairement la primauté de la « résidence fiscale » sur le « domicile fiscal ».
Désormais, une personne remplissant les critères de « domicile fiscal » en France mais considérée comme « résidente fiscale » d’un autre État au sens des conventions fiscales ne peut plus être imposée comme un « résident fiscal » français. Cette clarification empêche toute remise en cause des retenues à la source et prévient d’éventuels abus.
Conséquences pratiques et fiscales
La réforme a plusieurs impacts concrets sur l’imposition des contribuables :
- En matière de retenue à la source : la LF 2025 confirme que les contribuables non-résidents au sens conventionnel sont soumis à la retenue à la source sur leurs revenus de source française.
- L’exit tax (article 167 bis du CGI) : les contribuables quittant la France ne peuvent plus contester l’exit tax sous prétexte d’un maintien de leur domicile fiscal.
- Les prélèvements sur les revenus immobiliers : les dispositifs de taxation des non-résidents sur les plus-values et revenus fonciers sont consolidés.
- Sur l’application du dispositif de l’article 182 A du CGI : confirmée par la LF 2025, cette retenue à la source s’applique aux salaires versés à des non-résidents, renforçant ainsi la sécurité juridique.
L’impact sur la doctrine administrative
Avec cette réforme, la doctrine administrative se trouve renforcée. Le BOFIP (BOI-NT-DG-20-10-10-12/09/2012, §20 et §50) énonce clairement que la notion de « résidence fiscale » prime sur celle de « domicile fiscal ». La LF 2025 étant venue légaliser cette interprétation, les services fiscaux pourront l’appliquer sans risquer d’être contredits par la jurisprudence.
Conclusion
En consacrant la primauté de la « résidence fiscale » sur le « domicile fiscal », la LF 2025 met fin à une ambiguïté juridique qui menaçait la cohérence du système fiscal français. Cette réforme s’inscrit dans une logique d’harmonisation internationale et de sécurisation des règles fiscales.
Elle assure une meilleure prévisibilité aux contribuables et aux administrations fiscales, tout en prévenant les risques de double imposition ou d’optimisation abusive. La doctrine administrative se voit ainsi confirmée par le texte législatif, renforçant la stabilité du cadre fiscal pour les années à venir.