L’Internet, un système fragile et à terme menacé par la pollution spatiale
L’Internet et les télécommunications – et l’Espace en général – sont des biens communs de l’humanité, qui doivent être préservés et développés pour le bénéfice de tous, et qui doivent être explorés et utilisés de manière pacifique et durable.
Ce sont des technologies essentielles pour notre société moderne. Elles nous permettent de communiquer, de nous informer, de nous divertir, de travailler, de nous éduquer, etc. Mais ces technologies reposent sur des infrastructures fragiles, qui sont menacées par un phénomène préoccupant : la pollution spatiale.
Une pollution spatiale en passe de devenir un fléau
La pollution spatiale désigne l’ensemble des objets artificiels qui orbitent autour de la Terre, et qui ne sont plus utilisés ou contrôlés. Il s’agit principalement de satellites hors service, de morceaux de fusées, de pièces détachées, ou encore de débris résultant de collisions. Selon l’Agence spatiale européenne (ESA), il y aurait environ 34 670 objets de plus de 10 cm, 900 000 objets de 1 à 10 cm, et 128 millions d’objets de moins de 1 cm en orbite basse, c’est-à-dire à moins de 2 000 km d’altitude.
Ces objets représentent un danger pour les activités spatiales, car ils peuvent entrer en collision avec des satellites opérationnels, des stations spatiales, ou même des vaisseaux habités. À ces vitesses, même un petit objet peut causer des dommages importants, voire détruire complètement un engin spatial. Par exemple, en 2009, un satellite américain de communication avait été percuté par un satellite russe désaffecté, créant des milliers de nouveaux débris. En 2016, un impact avait laissé un trou de 7 mm dans une fenêtre du module Cupola de la Station spatiale internationale (ISS).
Mais la pollution spatiale n’affecte pas seulement l’Espace. Elle menace aussi l’Internet et les télécommunications sur Terre. En effet, de nombreux services que nous utilisons quotidiennement dépendent des satellites en orbite : la télévision, la radio, le GPS, la météorologie, la téléphonie mobile, l’accès à Internet haut débit dans les zones isolées, mais aussi tous les marchés financiers ( et les cryptomonnaies) et les places boursières, les réseaux bancaires et leurs transactions, toutes les opérations financières et fiscales, etc… Si ces satellites sont endommagés ou détruits par des débris spatiaux, tous ces services peuvent être perturbés, interrompus, voire supprimés. Par exemple, en 2015, une panne du satellite Galaxy 15 avait affecté plus de 100 chaînes de télévision aux États-Unis.
De plus, la pollution spatiale pose un problème pour l’observation astronomique. Les objets en orbite réfléchissent la lumière du Soleil et créent des traînées lumineuses dans le ciel nocturne, lesquelles peuvent interférer avec les télescopes au sol ou dans l’espace, et réduire la qualité des images obtenues, et déjà maintenant, beaucoup de points brillants dans le ciel nocturne ne sont plus des étoiles mais des satellites, qui viennent polluer notre ciel et nous empêcher de distinguer certaines constellations d’étoiles. Par exemple, en 2019, le télescope spatial Hubble avait été aveuglé par la lumière d’un satellite « Starlink », le projet de constellation de satellites d’Internet haut débit de la société SpaceX chère à Elon Musk. Celle-ci compte en effet lancer jusqu’à 42 000 satellites pour sa constellation « Starlink », et ce n’est pas le seul projet de méga-constellation en cours. De nouvelles puissances spatiales, comme l’Inde récemment, voudraient également se doter d’une constellation de satellites (d’observations, internet et de télécommunications), et le géant américain Amazon souhaite se lancer également dans l’aventure.
La situation risque de s’aggraver dans les années à venir, car le nombre de satellites en orbite va augmenter considérablement. Selon l’Union internationale des télécommunications (UIT), plus de
100 000 nouveaux satellites pourraient être lancés d’ici 2030, principalement pour fournir des services d’Internet haut débit dans le monde entier. Ces projets ambitieux sont portés par des acteurs privés comme SpaceX, Amazon ou OneWeb, mais aussi par des acteurs publics comme l’ESA ou la NASA. Ces constellations de satellites vont accroître la densité du trafic spatial et le risque de collisions. Face à l’augmentation constante de ce dernier risque, certains scientifiques craignent de plus en plus une réaction en chaîne appelée « syndrome de Kessler », car le nombre de satellites et débris en orbite autour de notre planète pourrait atteindre un seuil où des collisions deviendraient beaucoup trop fréquentes, créant ainsi de nouveaux débris et donc de nouvelles collisions et ainsi de suite, cette « réaction en chaîne » devenant susceptible de rendre la mise en orbite de nouveaux satellites impossible, ainsi que le lancement de nouveaux vaisseaux spatiaux et l’observation de l’Espace (en particulier la vigilance assurée par des organismes comme la NASA pour prévenir l’arrivée trop près de notre planète de gros astéroïdes menaçant la vie sur Terre), jusqu’à ce que les débris puissent retomber sur Terre.
Un autre danger que la pollution guette les ceintures satellitaires
Actuellement, les satellites qui tournent autour de la Terre parviennent à éviter les collisions avec des débris ou d’autres satellites grâce à un système de guidage automatique. Mais un autre danger les guette : le soleil atteint un pic d’activité tous les 11 ans, le prochain étant prévu en 2024 ou 2025, et l’astre solaire pourrait potentiellement perturber le fonctionnement des satellites, voire les rendre inopérants et incontrôlables pour la plupart, à cause de courts-circuits provoquées par ses ondes électromagnétiques ! Beaucoup de satellites pourraient alors se retrouver sans système de guidage automatique, et venir alimenter d’autant plus la « réaction en chaîne » des collisions et multiplication de débris spatiaux !
Contrôle des orbites satellitaires et dépollution spatiale : des défis majeurs
Il s’agit donc de défis majeurs – après celui de la pollution terrestre et de ses conséquences multiples sur la Nature, la santé et les impacts sur le réchauffement climatique – pour l’humanité mais aussi pour l’avenir de l’Internet, des télécommunications et d’une manière générale de tout ce qui est « matériel connecté », pour l’économie mondiale, les services financiers de toutes natures (dont les cryptomonnaies), les télécommunications et les réseaux sociaux, et il y a urgence à agir pour réduire cette pollution spatiale et protéger l’Internet et les télécommunications.
Des solutions à l’étude pour écarter les dangers de collisions et donc de débris
Plusieurs solutions sont envisagées ou développées par les agences spatiales et les industriels du secteur :
- prévenir la création de nouveaux débris en respectant les normes internationales de conception et d’exploitation des satellites, comme la règle des 25 ans qui stipule qu’un satellite doit être désorbité ou placé sur une « orbite cimetière » dans les 25 ans suivant la fin de sa mission ;
- affecter aux satellites une « orbite sûre » qui maximise la distance entre eux, donnant sur Terre aux scientifiques la possibilité d’être prévenus entre quelques heures et plusieurs jours avant que de nouveaux risques de collisions se produisent, leur permettant de rediriger les satellites devenus dangereux sur cette « orbite sûre » ;
- surveiller et cataloguer les objets en orbite pour prévoir les trajectoires et éviter les collisions, grâce à des réseaux de radars, de lasers ou de télescopes au sol ou dans l’espace ;
- récupérer ou détruire les débris existants en utilisant des technologies innovantes, comme des filets, des harpons, des pinces, des voiles solaires, de puissants lasers, ou encore des « satellites chasseurs » capables de s’arrimer à un débris et de le désorbiter.
Conclusion
La pollution spatiale est un problème complexe et global, qui nécessite une coopération internationale et une responsabilité partagée en matière d’exploitation pacifique et durable, et de sa protection, l’Espace étant un patrimoine commun de l’humanité, qui contient des ressources précieuses pour les générations futures, et sans lesquelles l’activité économique mondiale – mais aussi financière – ne pourront plus fonctionner normalement.
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