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Redressement fiscal notifié uniquement par e-mail : contestable ?

Didier Brochon Rédacteur Expert en Fiscalité Author expertise

Depuis peu, l’administration fiscale adresse aux contribuables ou redevables des « notifications » de rectifications ou de rehaussements, par voie de simples e-mails, via sa plateforme sécurisée « Escale ».

Qu’en est-il de la légalité de cette pratique ? Celle-ci n’est-elle pas contestable ? Dans quelles situations cette procédure par simple courriel peut être efficacement contestée ?

La légalité de l’envoi par mail d’un redressement fiscal par l’administration

La dématérialisation des « propositions de rectifications » de l’administration fiscale résulte de l’évolution de la loi en ce sens, de la jurisprudence administrative, du strict respect de la sécurité et de la confidentialité des données, d’un souci de meilleure efficacité et rapidité, d’une préoccupation de respect environnemental en même temps que d’une volonté de réduire certains coûts administratifs.

– Dématérialisation des procédures : la loi française, qui n’oblige pas l’administration à recourir à la lettre recommandée avec avis de réception, permet la dématérialisation des procédures administratives, y compris pour les notifications fiscales. L’administration fiscale n’est pas obligée d’envoyer les notifications de redressement par lettre recommandée avec accusé de réception, tant que le moyen utilisé offre les mêmes garanties de sécurité et de confidentialité.

– La jurisprudence : la Cour Administrative d’Appel de Paris a confirmé que l’utilisation de la plateforme Escale répond aux exigences légales de sécurité et de preuve de réception (CAA de Paris – 5ème Chambre – n° 22PA05281, du 28 juin 2024).

email fiscalité

La sécurité et la confidentialité

– La plateforme Escale : Escale est une plateforme sécurisée utilisée par l’administration fiscale pour l’échange de documents. Elle garantit la confidentialité des informations et permet de tracer les envois et réceptions de documents, assurant ainsi la preuve de la notification.

– La traçabilité : l’administration fiscale peut produire des rapports générés par Escale, indiquant les dates et heures d’envoi et de téléchargement des documents par les contribuables.

Efficacité et modernisation

– Rapidité : l’envoi par mail permet une notification plus rapide et réduit les délais de traitement.

– Economie de ressources : la dématérialisation réduit les coûts liés à l’envoi postal et contribue à une administration plus écologique.

Contestabilité et situations de contestations possibles

La validité de la notification via un simple e-mail suppose la preuve de sa bonne réception par le contribuable, un bon accès à l’internet et de bonnes compétences numériques, en tout cas et a minima des connaissances suffisantes en informatique pour comprendre de quoi il s’agit et le sens du mail reçu.

Les problèmes de réception

– La non-réception du mail : les contribuables peuvent ne pas recevoir le mail pour diverses raisons (problèmes techniques ; filtres anti-spam ; coupures d’internet ; etc.). Cela peut donc entraîner des contestations sur la validité de la notification.

– La preuve de réception : bien que la plateforme Escale fournisse des preuves de téléchargement (vu depuis l’administration), les contribuables, eux, peuvent contester la réception effective du mail initial, surtout s’ils ne l’ont pas ouvert ou vu ! (Par exemple : si le mail est arrivé directement dans les « Spams », ou encore, ce qui est facilement réalisable par simple maladresse – sans intention de le faire – par effacement involontaire suite à une fausse manœuvre, du smartphone ou de l’ordinateur du contribuable).

L’accessibilité et les compétences numériques

– Les indéniables inégalités numériques : tous les contribuables n’ont pas le même accès à Internet ou les mêmes compétences numériques. Les personnes âgées ou celles vivant dans des zones rurales peuvent être désavantagées par une notification uniquement électronique. On estime à encore environ 20% le pourcentage de la population qui n’a pas accès à l’internet, ou qui n’est pas équipé d’un ordinateur ou d’un smartphone avec accès internet.

– L’obligation d’information : l’administration fiscale doit s’assurer dans tous les cas que les contribuables sont informés de la bonne utilisation de la plateforme Escale et qu’ils savent parfaitement comment y accéder. Un manque d’information à cet égard peut être un motif de contestation de la procédure suivie. Les agents des impôts, en cas de doutes, doivent  donc doubler l’envoi par e-mail, d’un envoi classique par voie postale. S’ils ne le font pas, et que des doutes existent et persistent sur la bonne réception d’une proposition de rectification dématérialisée (par e-mail), il y a de fortes probabilités  pour que la procédure s’écroule, car étant alors irrégulière, en cas de contestation d’abord par voie de réclamation puis au besoin devant un juge administratif.

Les contestations sont d’autant plus plausibles que cette pratique de dématérialisation des notifications de redressements (par e-mails) est relativement récente et que sur ce point, la jurisprudence n’est que très peu fournie. 

Cadre juridique des voies de recours

– Les droits des contribuables : ceux-ci ont le droit de contester un redressement fiscal. Ils peuvent présenter des observations ou contester la rectification devant l’administration fiscale, qui doit répondre à leurs arguments, en particulier sur des questions de forme, lorsqu’ils estiment que la procédure est irrégulière. Ils peuvent, en cas de désaccord persistant, contester l’imposition supplémentaire ainsi reçue par voie de réclamation.

Il y a lieu à ce dernier égard de noter que – à l’inverse – un contribuable qui contesterait une « proposition de rectification » en répondant à celle-ci uniquement par e-mail à l’administration fiscale, courrait le risque de ne jamais recevoir de réponse à ses observations, au motif d’une « non-réception d’observations » dans le délai qui lui est imparti (il est d’ailleurs toujours conseillé de contester un redressement par lettre recommandée avec accusé de réception!).

– Recours en justice : en cas de désaccord persistant, les contribuables peuvent saisir les tribunaux administratifs. La régularité de la procédure de notification peut être un point de contestation, surtout si les garanties de sécurité et de preuve apportées par l’administration ne sont pas jugées suffisantes.

Conclusion

L’envoi par l’administration fiscale d’une rectification d’impôt par mail, avec un lien vers la plateforme Escale, est légitime dans la mesure où il respecte les exigences légales de sécurité, de confidentialité et surtout de preuve de réception.

Cependant, cette méthode peut être contestée par les contribuables en cas de problèmes de réception, d’inégalités d’accès numérique ou de manque d’information et de connaissances en la matière.

Les contribuables ont des recours administratifs (réclamation) et judiciaires pour contester un redressement fiscal, et la régularité de la procédure de notification peut être un point clé de ces contestations.

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Didier Brochon Rédacteur Expert en Fiscalité

Didier Brochon Rédacteur Expert en Fiscalité

Dans la filière fiscale, je suis particulièrement compétent et formaté pour la fiscalité des entreprises et des particuliers, le contrôle fiscal et son assistance, les conseils aux entreprises et aux particuliers, le traitement des contentieux suite aux contrôles fiscaux, l'assistance aux vérifications de comptabilité informatisées (compétence informatique particulière dans le traitement des données), mais apte à défendre de la même manière un contrôle fiscal des particuliers (contrôle sur pièces, ou un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'ensemble; impositions directes locales: taxe d'habitation, taxes foncières), je suis également compétent dans une autre spécialité mal connue, y compris de beaucoup d'avocats, les évaluations domaniales de valeurs vénales et de valeurs locatives d'immeubles, évaluations des indemnisations en matière d'expropriations pour cause d'utilité publique, et leurs contentieux (au sein de l'Agence France Domaine en qualité de Chargé de mission, évaluateur et commissaire du gouvernement devant le Juge de l'expropriation et devant les SAFER).

Ma carrière administrative m'a valu d'exercer dans pratiquement tous les domaines du droit fiscal, y compris international, au sein de plusieurs Grandes Directions Nationales (ex-DSGI aujourd'hui DRESG ; DNVSF, en liaison avec Bercy, puis dans une Grande Direction Régionale de contrôles fiscaux, la DIRCOFI Centre-Val de Loire). 

Plus que mes compétences techniques très étendues, ma personnalité s'est toujours distinguée par une exigence de rigueur, mon adaptabilité, l'esprit d'analyse et de synthèse, le pragmatisme, la créativité, réactivité, curiosité, l'aisance relationnelle et en équipe, la vitesse de compréhension et d'exécution, le goût de l'initiative, des responsabilités et de la négociation. J'aurais pu par exemple intégrer un cabinet spécialisé, pour assurer la défense des intérêts des clients dans les domaines précités. J'aurais tout aussi bien pu travailler en "back office" en défense et recours des contribuables vérifiés, sur études des dossiers, ou les assister pendant les vérifications. Mes principaux hobbies sont : musique, art en général et littérature en particulier, étant auteur publié, et je suis également intéressé par l'activité de rédacteur.

Mes compétences fiscales et "para-fiscales" sont des plus étendues : juridiques (droit civil, fiscal et pénal découlant du fiscal, et droit de l'urbanisme + droit administratif, public et constitutionnel).

Aujourd'hui à la retraite, je reste actif en qualité d'auto-entrepreneur, en matière de conseils et défense en fiscalité des particuliers uniquement, et secondairement conseil dans les activités liées à l'écriture. Mon site web professionnel est https://www.cdjf-casav.com, où je réponds aux contribuables (ou écrivains) qui me sollicitent (mes tarifs et honoraires y sont clairement mentionnés).

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