Depuis sa départementalisation le 31 mars 2011, Mayotte, 101ème département français, s’engage dans une harmonisation progressive avec le système fiscal national, tout en conservant des adaptations liées à ses réalités sociales, économiques et géographiques.
Devenue région ultrapériphérique de l’Union européenne en 2014, l’île vit une mutation fiscale importante avec l’application progressive du Code général des impôts (CGI) depuis le 1ᵉʳ janvier 2014. Toutefois, cette intégration est modulée par des mesures transitoires permettant de prendre en compte les particularités d’un territoire confronté à des enjeux de développement, de pauvreté et d’infrastructures insuffisantes.
Cet article propose une vue d’ensemble du régime fiscal en vigueur à Mayotte : obligations déclaratives, impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, fiscalité de la consommation, droits d’enregistrement, fiscalité locale et autres contributions spécifiques, afin de rendre compréhensible un système hybride qui conjugue les règles du droit commun avec des dispositifs dérogatoires destinées à stimuler l’économie locale.
Une fiscalité en transition vers le droit commun
Mayotte est progressivement soumise au régime fiscal métropolitain, encadré par le CGI, tout en bénéficiant de mesures d’accompagnement. Cette transition devrait atteindre une pleine harmonisation à l’horizon 2030. En attendant, plusieurs régimes spécifiques s’appliquent.
Les déclarations fiscales sont obligatoires pour tous les foyers fiscaux et entreprises mahoraises. Grâce à la généralisation de la déclaration en ligne, les démarches sont simplifiées.
L’impôt sur le revenu (IR) : une fiscalité allégée et adaptée
A Mayotte, l’impôt sur le revenu repose sur le barème progressif national, mais inclut des ajustements. Depuis 2021, les contribuables doivent déclarer leurs revenus selon les règles métropolitaines. Cependant, une réfaction de 40 % est accordée sur le montant de l’IR dû, dans la limite de 6 700 euros, selon l’ordonnance n°2013-837.
Ce mécanisme vise à atténuer la pression fiscale dans un contexte de revenus souvent plus faibles qu’en métropole. De plus, des crédits d’impôt et exonérations ciblées soutiennent l’investissement, l’emploi à domicile et les familles nombreuses. Ces mesures permettent d’adapter la fiscalité au pouvoir d’achat des ménages tout en encourageant l’activité économique locale.
L’impôt sur les sociétés (IS) : soutien aux entreprises locales
Les entreprises implantées à Mayotte sont soumises aux mêmes principes d’imposition que celles en métropole. Elles doivent déclarer leurs résultats dans les délais fixés par l’administration fiscale. Cependant, plusieurs régimes préférentiels existent pour les secteurs jugés prioritaires comme le tourisme, le commerce ou les services à la personne.
Des exonérations partielles, taux réduits et dispositifs d’amortissement accéléré sont mis en place afin d’inciter à l’investissement et à la modernisation. Cette fiscalité incitative est un levier majeur pour renforcer la compétitivité du tissu économique local, tout en garantissant des recettes pour les collectivités.
Une TVA absente, remplacée par des dispositifs spécifiques
Contrairement à la métropole et aux autres DOM, Mayotte ne fait pas partie du territoire douanier communautaire et n’est donc pas assujettie à la TVA classique. Le territoire applique un régime dérogatoire, où des contributions équivalentes à la TVA sont mises en œuvre pour taxer la consommation.
Des conventions spécifiques encadrent les échanges commerciaux entre Mayotte, la métropole et l’international, afin d’éviter les doubles impositions. Ce régime garantit la neutralité fiscale et permet aux entreprises locales de rester compétitives tout en assurant des rentrées fiscales pour l’État et les collectivités.
Droits d’enregistrement et formalités notariales
A Mayotte, les droits d’enregistrement s’appliquent aux ventes, donations et successions immobilières selon les barèmes du CGI. Des abattements peuvent toutefois être accordés pour soutenir l’accession à la propriété ou les projets de rénovation dans certaines zones prioritaires.
Les actes notariés sont obligatoires pour toutes transactions immobilières, assurant ainsi leur sécurité juridique. Les modalités d’évaluation des biens tiennent compte de la spécificité insulaire du marché immobilier, notamment des écarts de prix avec la métropole.
L’impôt sur la fortune immobilière (IFI) : une application encadrée
L’IFI s’applique à Mayotte selon les mêmes conditions qu’en métropole pour les contribuables dont le patrimoine immobilier dépasse 1,3 million d’euros. Toutefois, l’évaluation des biens intègre des critères adaptés au contexte mahorais : accessibilité, infrastructures et dynamique locale.
Des exonérations et abattements peuvent être octroyés pour limiter l’impact fiscal et encourager l’investissement dans l’immobilier local, souvent considéré comme un pilier du développement patrimonial et économique du territoire.
Fiscalité locale : taxe foncière, taxe d’habitation et CET
Les impôts locaux sont essentiels au financement des services publics mahorais. La taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties est calculée selon la valeur locative cadastrale, en tenant compte de l’usage, de la situation géographique et de l’environnement du bien.
Par ailleurs, la taxe d’habitation, encore en vigueur localement malgré sa suppression progressive en métropole, contribue aux ressources communales. La contribution économique territoriale (CET), composée de la CFE et de la CVAE, permet également d’impliquer les entreprises dans le financement des charges locales. D’autres taxes comme la taxe de séjour soutiennent le développement touristique.
Autres taxes et contributions sectorielles
Mayotte applique diverses taxes spécifiques : taxe sur la publicité, redevances pour occupation du domaine public, ou encore contributions environnementales. Ces prélèvements, bien que secondaires, jouent un rôle structurant pour les finances locales et permettent d’accompagner les politiques publiques dans des domaines ciblés.
Dans des secteurs comme l’agriculture, l’artisanat ou l’économie sociale, des mesures de soutien fiscal existent pour encourager l’innovation, l’entrepreneuriat et la création d’emplois. Ces dispositifs traduisent une volonté de l’Etat et des collectivités d’adapter la fiscalité aux enjeux de développement durable du territoire.
Conclusion
Le régime fiscal de Mayotte se caractérise par un équilibre entre intégration au droit fiscal national et maintien de mesures spécifiques visant à accompagner la transition du territoire. De la réfaction de 40 % sur l’impôt sur le revenu à l’absence de TVA, en passant par les régimes préférentiels pour les entreprises et la fiscalité locale adaptée, l’architecture fiscale mahoraise est conçue pour répondre aux besoins d’un département en pleine mutation.
Cette fiscalité hybride vise à favoriser l’équité, stimuler l’activité économique, et renforcer la cohésion sociale. Pour les contribuables comme pour les entreprises, une bonne compréhension des règles fiscales spécifiques à Mayotte est essentielle afin d’optimiser leur gestion financière et se préparer aux évolutions à venir. Le régime fiscal de Mayotte est ainsi un outil stratégique au service de son développement et de son attractivité.