Les États-Unis s’apprêtent peut-être à manier un nouveau levier sur le marché du Bitcoin. Un texte budgétaire au Congrès exige du Trésor un rapport, sous 90 jours après promulgation, sur la création d’une « Strategic Bitcoin Reserve » et, dans le même délai, un plan technique de conservation et de cybersécurité. Autrement dit, Washington veut savoir comment stocker, prêter ou acheter du BTC… et avec quelles conséquences comptables et opérationnelles.
Ce que prévoit Washington
Le projet de loi H.R. 5166 (FY2026 Financial Services and General Government) demande deux livrables dans les 90 jours : une étude de faisabilité pour une réserve stratégique de Bitcoin et un plan détaillant la garde, la cybersécurité, la présentation au bilan fédéral, l’usage du Forfeiture Fund et la liste de dépositaires tiers potentiels. Ce n’est pas encore une décision d’achat, mais une mise sous horloge pour trancher posture, gouvernance et transferts inter-agences. Le libellé inscrit aussi la possibilité de consolider des avoirs saisis aujourd’hui dispersés entre administrations.
Breaking: New Bill HR 5166 introduced by congress directing the US Treasury to plan to custodian for the Strategic #Bitcoin Reserve and Digital Asset Stockpile.https://t.co/ctniLbgHC3 pic.twitter.com/qjLYIkEloc
— MartyParty (@martypartymusic) September 8, 2025
Dans l’immédiat, plusieurs briques existent déjà côté État fédéral. Par exemple, le U.S. Marshals Service a retenu Coinbase Prime comme prestataire de garde pour des actifs numériques saisis, preuve qu’une infrastructure « institutionnelle » est en place si le Trésor voulait étendre ou centraliser la conservation. Cette démarche s’inscrit dans la continuité du projet de loi HR 5166 qui structure déjà l’approche américaine du Bitcoin.
Un marché déjà tendu par les ETF et une offre neuve raréfiée
Pendant que la machinerie législative s’active, le marché a changé. Depuis le 29 juillet, la SEC permet aux ETF spot Bitcoin d’utiliser des créations/rachats en nature, ce qui réduit les frictions de base entre flux primaires et marché au comptant. Cela peut amplifier l’effet d’un choc de liquidité puisque les paniers se montent/démontent directement en BTC au lieu de passer par le cash.
Dans le même temps, ces ETF détiennent déjà une part massive de l’offre circulante. Au 17 septembre, les fonds US cumulaient environ 1,318 million de BTC selon plusieurs trackers de flux et de positions. Et sur 30 jours, les entrées nettes tournaient autour de 20 000 BTC, soit une cadence qui, annualisée, pèse lourd face à l’émission post-halving.
🚨JUST IN: The @SECGov has granted accelerated approval for proposed rule changes from @Nasdaq, @CBOE, and @NYSE to allow in-kind creations and redemptions for $BTC and $ETH ETFs.
That means market makers can deliver or receive actual crypto instead of cash — a big shift toward… pic.twitter.com/xdEsiaEqs5
— Eleanor Terrett (@EleanorTerrett) July 29, 2025
Or, depuis le halving d’avril 2024, la subvention par bloc est tombée à 3,125 BTC. Avec ~144 blocs par jour, l’émission neuve est d’environ 450 BTC par 24 h, soit près de 40 500 BTC sur 90 jours. Posé ainsi, un trimestre de créations nettes d’ETF peut déjà égaler la production minière, et tout mouvement public américain deviendrait un facteur « additionnel ».
Le précédent allemand, l’exemple philippin et le risque « structurel » sur la volatilité
À l’international, l’approche de l’État compte. L’Allemagne a liquidé environ 50 000 BTC à l’été 2024 depuis un wallet du BKA, un choix devenu politiquement coûteux a posteriori, le prix ayant sensiblement grimpé ensuite. Ce cas sert désormais de repoussoir dans les débats sur « vendre vs conserver » des avoirs publics.
À l’inverse, Manille envisage l’accumulation programmée : un projet de loi à la Chambre des représentants propose d’acheter 2 000 BTC par an pendant cinq ans, soit 10 000 BTC, avec un verrouillage de 20 ans et des attestations de réserve trimestrielles. Ce modèle, s’il est adopté, créerait un puits de demande étatique étalé dans le temps, sans pression de revente avant des décennies.
Replacé dans la « plomberie » 2025 des ETF en nature et d’une émission neuve réduite, le choix américain va donc bien au-delà du symbolique. Une consolidation massive baisserait le flottant et pourrait amplifier la sensibilité des carnets en stress. Un prêt bien calibré soutiendrait la liquidité sans changer l’offre nette. Un achat lissé, enfin, ferait pencher la balance offre/demande de façon persistante.
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