Vitalik Buterin relance un vieux débat de la crypto. Les marchés prédictifs séduisent, mais restent peu utilisés comme outils de couverture. La raison ? L’absence d’intérêts versés sur les fonds immobilisés.
Le manque d’intérêts, un vrai coût d’opportunité
Selon Buterin, la plupart des marchés prédictifs « mainstream » ne paient aucun intérêt. Les utilisateurs renoncent donc au rendement sûr offert par des placements en dollars. Il cite un ordre de grandeur autour de 4 % annualisés. Cette renonciation transforme la couverture en pari coûteux, malgré sa valeur informationnelle.
En effet, immobiliser du capital sans rémunération pénalise l’arbitrage. Un trésorier préférera conserver des bons du Trésor tokenisés ou du cash rémunéré. Le résultat est mécanique : volumes plus faibles, profondeur réduite et spreads plus larges. Dès lors, la fonction de hedge s’efface derrière l’aspect spéculatif.
Pourquoi la couverture en souffre-t-elle ?
Une couverture efficace doit compenser le coût du temps. Or, sur un marché sans intérêts, le portage est négatif. Plus l’horizon est long, plus l’écart se creuse avec les alternatives rémunérées. Les traders delta-neutres s’en détournent, faute d’un « carry » minimal.
Le constat vaut aussi pour les utilisateurs grand public. Bloquer des stablecoins plusieurs semaines pour un événement politique n’a pas de sens si le cash rapporte ailleurs. Le design économique bride donc l’adoption, même lorsque les oracles sont fiables et la résolution rapide.
Pour le contexte, notre analyse Drift (Solana) dépasse Polymarket éclaire le fonctionnement concret des marchés prédictifs et leurs dynamiques d’adoption. Elle détaille aussi les mécanismes « Oui/Non » et les processus de résolution.
The "purist" answer to this question is that those institutions should themselves be futarchies, and so there would be no separate actor whose decision can be "bought", because the decision is determined by conditional market prices for which there is a deep set of participants…
— vitalik.eth (@VitalikButerin) February 2, 2025
Quelles pistes pour corriger le tir ?
D’abord, il faut rémunérer le collatéral. Des marchés pourraient accepter des supports rapportant des intérêts (T-bills tokenisés, stablecoins « yieldés ») et redistribuer ce rendement aux positions. Buterin défend cette logique dans ses réflexions sur l’« info finance » : mieux aligner prix, information et incitations.
Ensuite, il faut traiter l’expérience utilisateur. Profondeur de carnet, frais, visibilité des risques et délais de règlement doivent s’améliorer. Les utilisateurs comparent déjà avec d’autres verticales on-chain. Ils attendent des rendements « par défaut », comme sur des produits de trésorerie tokenisés.
Par ailleurs, le secteur gagnerait à élargir ses cas d’usage. Il ne s’agit pas seulement d’élections. Les lancements de produits, risques réglementaires, événements de protocole ou de liquidité peuvent être couverts. Pour suivre l’écosystème, un panorama des jetons « prediction markets » est disponible chez CoinMarketCap. Ce listing donne une vision claire des projets et de leurs volumes.
Ce que cela changerait
Buterin anticipe un saut d’usage si la question des intérêts est réglée. La couverture deviendrait compétitive, tirant les volumes et la liquidité. Les marchés prédictifs serviraient alors autant à transférer du risque qu’à agréger de l’information. Cette bascule rapprocherait la finance on-chain des standards de marché traditionnels.
Enfin, le message est simple. Sans rémunération du capital, l’arbitrage se tarit. Avec un collatéral porteur d’intérêts, la couverture redevient rationnelle. Le secteur sait donc où agir pour passer un cap.