L’action paulienne est une procédure judiciaire qui permet à un créancier de poursuivre un débiteur qui tente d’échapper de manière frauduleuse à son obligation de règlement, soit en se rendant insolvable, soit en aggravant son endettement. Elle est définie par l’article 1341-2 du Code civil. Comment se définit-elle exactement ?
Définition de l’action paulienne
L’action paulienne est une action exercée par un créancier afin de déclarer inopposable un acte d’appauvrissement que le débiteur a commis en fraude de ses droits. L’acte d’appauvrissement est un acte qui dépouille le patrimoine d’un bien sans contrepartie suffisante (exemples : un acte de disposition à titre gratuit, une vente à un prix inférieur à la valeur réelle) ou qui, sans aliéner un bien, diminue fortement la valeur du patrimoine. Quelles sont les conditions pour que l’action paulienne soit constituée ?
Conditions de l’action paulienne
La créance doit être certaine, au moins dans son principe, au jour de l’acte frauduleux et au jour où le juge statue sur l’action (dette soustraite par un acte onéreux ou gratuit du patrimoine du débiteur en fraude des droits du créancier).
De plus, le créancier doit subir un préjudice, et l’acte d’appauvrissement réalisé par le débiteur doit le placer dans l’impossibilité de désintéresser le créancier.
En outre le créancier doit prouver l’élément matériel constitutif de la fraude du débiteur par tous moyens :
▪ l’organisation d’une insolvabilité au moins apparente du débiteur au jour de l’acte délictueux (1ère Civ, 5 décembre 1995, Bull. n° 443)
▪ mais l’évolution jurisprudentielle de la Cour de cassation vers l’absence de nécessité d’une insolvabilité du débiteur rend « l’action paulienne » recevable, même en cas de solvabilité du débiteur :
« l’action paulienne est recevable, même si le débiteur n’est pas insolvable, dès lors que l’acte frauduleux a eu pour effet de rendre impossible l’exercice du droit spécial dont disposait le créancier sur la chose aliénée, s’agissant de la vente ou de la donation d’un bien » (3ème Civ, 6 octobre 2004, pourvoi n°03-15.392) ;
« l’action paulienne peut être accueillie indépendamment de toute exigence d’insolvabilité du débiteur lorsque l’acte critiqué rend frauduleusement inefficace un droit particulier dont est investi le créancier sur des biens particuliers de celui-ci » (1ère Civ, 8 avril 2009, pourvoi n° 08-10.024).
Le créancier doit prouver l’élément intentionnel de la « fraude paulienne », quoique l’évolution jurisprudentielle réduise désormais cette condition à la simple connaissance qu’avait le débiteur, du préjudice causé au créancier
La fraude paulienne n’implique donc plus nécessairement une intention de nuire, mais peut ne résulter que de la seule connaissance que le débiteur avait du préjudice causé au créancier. C’est ce qu’il résulte des dispositions de l’article 1341-2 du code précité, sous condition qu’il soit établi que le débiteur avait connaissance de la fraude (Com, 14 novembre 2000, Bull. n° 173). S’agissant d’une donation (acte gratuit), on citera entre autres l’arrêt Com, 14 novembre 2000 Bull. n° 173, 1ère Civ, 16 mai 2013.
Alors, qu’en est-il en droit fiscal ?
L’action paulienne en droit fiscal
En droit fiscal, l’administration peut exercer l’action paulienne si un contribuable organise son insolvabilité pour échapper au paiement de ses impôts. Par exemple, si un contribuable donne la nue-propriété d’un immeuble alors qu’il a reçu une proposition de rectification de l’administration fiscale en vue d’impôts supplémentaires, l’administration fiscale peut exercer l’action paulienne afin que la donation lui soit déclarée inopposable.
La finalité de « l’action paulienne » n’est pas de faire revenir le bien ainsi détourné dans le patrimoine du débiteur, mais de permettre la saisie entre les mains de celui qui en est devenu propriétaire frauduleusement : le créancier agit comme si l’acte n’existait pas à son encontre ; il peut donc agir directement auprès du tiers concerné pour recouvrer le montant qui lui est dû, en saisissant le bien comme dans le cas précité.
Ainsi, et malgré les protestations du commerçant qui prétendait à la fois n’avoir pas eu conscience de frauder le Fisc en agissant ainsi, et être demeuré solvable, la Cour de cassation, chambre commerciale du 1er juillet 2020 n° 18-12683 a rejeté l’argumentaire dudit commerçant, au motif que la condition d’insolvabilité (ou de solvabilité) ne pouvait plus être invoquée, mais surtout que l’intéressé ne pouvait pas prétendre n’avoir pas eu conscience de léser l’administration fiscale, alors même qu’il avait reçu d’elle plusieurs notifications de redressements pour un montant total de 129 265 euros.
Ayant donc bien eu connaissance du préjudice causé à celle-ci, « l’action paulienne » exercée par le Fisc était en tous points conforme à la loi, la donation du commerçant à sa fille de 10 ans n’étant pas « opposable » à l’administration, qui pouvait ainsi parfaitement saisir le bien immobilier en vue de sa vente forcée !
Conclusion
L’action paulienne est donc un outil juridique important pour les créanciers, y compris l’administration fiscale, pour lutter contre les tentatives de fraude par les débiteurs. Cependant, son utilisation nécessite de remplir certaines conditions et de prouver la fraude du débiteur.
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