L’idée d’un « ISF climat » fait débat en France depuis que le Haut Conseil pour le climat a proposé dans son rapport annuel, de créer un impôt sur la fortune des plus riches pour financer la transition énergétique. Selon cette instance indépendante, qui conseille le gouvernement sur les politiques climatiques, il faudrait mobiliser 50 milliards d’euros par an pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés par la loi.
Quels sont les arguments pour et contre un « ISF climat » ? Qui seraient les contribuables concernés par ce nouvel impôt ? Quels en seraient les effets sur l’économie et l’environnement ?
Pour un « ISF climat »
Les partisans d’un « ISF climat » avancent plusieurs raisons pour justifier la création d’un tel impôt :
– Il s’agit d’un impôt de solidarité, qui ferait contribuer les plus riches à l’effort collectif pour financer la transition énergétique. Selon le Haut Conseil pour le climat, les 10% des Français les plus aisés sont responsables de 25% des émissions de gaz à effet de serre du pays, alors qu’ils ne représentent que 5% de la population. Ils bénéficient également davantage des aides publiques à la rénovation énergétique ou à l’achat de véhicules propres. Un « ISF climat » permettrait donc de réduire les inégalités environnementales et sociales.
– Ce serait un impôt « incitatif », au sens où il encouragerait les plus riches à réduire leur empreinte carbone. En taxant leur patrimoine, notamment immobilier et financier, un « ISF climat » les inciterait à investir dans des actifs plus verts, comme les énergies renouvelables, l’économie circulaire ou la mobilité durable, et il les pousserait également à adopter des comportements plus sobres, comme limiter leurs déplacements en avion ou en voiture, ou réduire leur consommation de produits importés ou à forte intensité énergétique.
– Ce serait un impôt efficace, qui permettrait de lever des fonds importants pour financer la transition énergétique. Selon le Haut Conseil pour le climat, un « ISF climat » pourrait rapporter entre 10 et 15 milliards d’euros par an, en se basant sur le barème et les seuils de l’ancien impôt sur la fortune (ISF), supprimé en 2018 et remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Ces recettes seraient affectées à un fonds dédié au financement de la transition énergétique, qui soutiendrait des projets dans les domaines du logement, des transports, de l’agriculture ou de l’industrie.
Contre un « ISF climat »
Les arguments des opposants à un « ISF climat » sont de plusieurs ordres :
– Cet impôt serait injuste, car il pénaliserait les plus riches sans tenir compte de leur contribution réelle au réchauffement climatique. Selon eux, il ne faut pas confondre revenu et patrimoine, ni richesse et pollution. Ils estiment que les plus riches ne sont pas forcément les plus pollueurs, et que leur patrimoine n’est pas obligatoirement lié à des activités nocives pour l’environnement. Ils soulignent aussi que les plus riches paient déjà beaucoup d’impôts en France, et qu’ils participent déjà au financement de la transition énergétique via la fiscalité écologique (taxe carbone, malus automobile, etc.).
– Il s’agirait d’un impôt contre-productif, qui nuirait à la compétitivité et à l’attractivité de la France, au sens où un « ISF climat » aurait des répercussions négatives sur l’économie et sur l’emploi, en décourageant l’investissement, l’innovation et l’entrepreneuriat, et aussi en provoquant une fuite des capitaux et des talents vers des pays moins taxés, ce qui s’est déjà produit par le passé avec l’ex-ISF, et ce qui réduirait le potentiel de croissance et de création de richesse de la France. Ils doutent également de l’efficacité d’un tel impôt pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, soulignant que le problème est global et qu’il faut une action coordonnée au niveau international.
– Les plus riches sont déjà soumis dans ce pays à un « impôt sur la fortune », l’IFI, et un « ISF climat » serait redondant et particulièrement injuste et pénalisant pour les plus riches – sauf à supprimer alors l’IFI faisant « doublon » – ce qui poserait inévitablement la question de l’intérêt alors, du rétablissement de l’ancien ISF, sur le plan de son « rendement » pour l’Etat !
– Eu égard au principe du « consentement à l’impôt » d’une part, et à l’existence en France de très nombreux « climatosceptiques » d’autre part, on pourrait se demander – puisque les questions du réchauffement climatique et de ses causes multiples, et de la « transition énergétique » dans ce pays n’ont jamais fait l’objet du moindre débat démocratique, de la moindre consultation populaire (par voie de référendum par exemple) – dans quelle mesure un nouvel impôt « ISF climat » visant exclusivement les plus riches serait, non seulement conforme à la Constitution française, mais aussi ne serait pas contraire au droit européen tel que pourrait en juger la CEDH ou encore la CJE !…
Quels contribuables visés par un « ISF climat » ?
Dans un rapport parlementaire, alors que la baisse des impôts est un leitmotiv pour l’exécutif, deux députés dont le président du groupe MoDem Jean-Paul Mattei et Nicolas Sansu affilié à la NUPES, ont dévoilé 27 recommandations destinées à revoir la fiscalité du patrimoine. L’objectif est double : trouver des marges budgétaires pour financer des défis contemporains, « au premier rang desquels le changement climatique », indique Jean-Paul Mattei, et limiter le creusement des inégalités pour notamment « mieux assurer la justice fiscale », selon Nicolas Sansu.
De son côté, le Haut Conseil pour le climat n’a pas détaillé les modalités d’un éventuel « ISF climat », mais il a suggéré de s’inspirer de l’ancien ISF, qui concernait les personnes dont le patrimoine net taxable dépassait 1,3 millions d’euros. Selon les données de l’administration fiscale, 358 000 foyers étaient assujettis à l’ISF en 2017, pour un patrimoine moyen de 2,9 millions d’euros. Le montant de l’impôt variait selon un barème progressif, allant de 0,5% à 1,5% du patrimoine. L’ISF rapportait environ 5 milliards d’euros par an à l’Etat (mais s’il a été abandonné, c’est parce que plusieurs rapports publiés à son sujet avaient montré que la mise en œuvre de cet impôt (ISF) coûtait énormément, faisant que ses rentrées nettes dans les caisses de l’Etat ne valaient pas la peine de le maintenir).
Un « ISF climat » pourrait reprendre le même seuil et le même barème que l’ancien ISF, ou les modifier pour toucher plus ou moins de contribuables, et pour lever plus ou moins de recettes. Il pourrait également introduire des exemptions ou des réductions d’impôt pour les actifs considérés comme vertueux pour le climat, comme les investissements dans les énergies renouvelables ou les logements basse consommation.
Conclusion
Un « ISF climat » est une proposition visant à faire contribuer les plus riches au financement de la transition énergétique, en taxant leur patrimoine. Elle suscite des débats entre ceux qui y voient un impôt de solidarité incitatif et efficace, là où d’autres y voient au contraire un impôt injuste, contre-productif et inefficace. Elle pose également des questions sur les critères de définition du patrimoine taxable, et sur l’affectation des recettes à des projets favorables au climat.
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