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Des parents peuvent-ils déshériter des enfants via les « présents d’usage » ?

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Des parents peuvent-ils déshériter des enfants via les « présents d’usage » ? Voilà une « réserve héréditaire » qui est strictement encadrée par le droit.

La succession est un moment délicat qui peut révéler des surprises désagréables pour les héritiers. Certains parents peuvent avoir la volonté de favoriser un enfant au détriment d’un autre, ou même de déshériter totalement un enfant avec lequel ils sont en conflit.

Mais le droit français protège les enfants du défunt en leur reconnaissant la qualité d’héritiers réservataires, c’est-à-dire qu’ils ont droit à une part minimale du patrimoine de leur parent, appelée la « réserve héréditaire ».

Cette part varie selon le nombre d’enfants : elle est d’un demi pour un enfant, des deux tiers pour deux enfants et des trois quarts pour trois enfants ou plus. Le parent ne peut donc disposer librement que de la quotité disponible, qui représente le reste du patrimoine après déduction de la réserve.

présent d'usage déshéritage

Mais certains « dons » peuvent contourner le droit

Il existe en effet des moyens de contourner cette règle et de réduire la part des héritiers réservataires, notamment en utilisant les « donations ». Ainsi, le parent peut transmettre de son vivant une partie de ses biens à un enfant ou à un tiers, à condition de respecter la quotité disponible.

Mais, il peut aussi profiter des abattements fiscaux prévus par le code général des impôts pour effectuer des donations exonérées de droits de mutation. C’est le cas des dons familiaux de sommes d’argent, qui permettent de donner jusqu’à 100 000 euros par parent et par enfant tous les 15 ans sans payer d’impôt.

C’est aussi le cas des « présents d’usage », qui sont des cadeaux faits à l’occasion d’un événement particulier (anniversaire, Noël, mariage, réussite à un examen ou un concours, promotion…) et dont le montant doit être proportionné aux revenus du « donateur ».

Ces « présents d’usage » ne sont pas rapportables à la succession, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas pris en compte pour calculer la part de chaque héritier (et fiscalement parlant, ils n’ont pas à être enregistrés à la Recette des Impôts).

Les « présents d’usage » : une pratique admise mais… risquée

Certains parents peuvent choisir de déshériter un enfant en lui faisant des cadeaux sous forme « d’étrennes » chaque année, à condition que ces cadeaux soient considérés comme des « présents d’usage » par l’administration fiscale (article 852 du code civil). 

Mais cette pratique n’est pas sans risque, car elle peut être contestée par l’enfant lésé devant le juge. En effet, le juge peut requalifier les présents d’usage en donations déguisées si les conditions suivantes sont réunies : les cadeaux sont disproportionnés par rapport aux revenus du parent, ils sont faits régulièrement et systématiquement dans le but de spolier un enfant, et ils portent sur une partie importante du patrimoine du parent.

Dans ce cas, le juge peut ordonner le rapport des cadeaux à la succession, c’est-à-dire qu’il les intègre dans le calcul de la part de chaque héritier. Le parent perd alors le bénéfice de l’exonération fiscale et doit payer des droits de donation avec intérêts.

Une décision jurisprudentielle qui ouvre une possible « brèche » inquiétante

En première instance dans un cas d’espèce récent, les juges ont considéré « qu’il n’apparaît pas que des étrennes d’un montant de 3 187,50 euros par bénéficiaire, et par an (une fois l’an, pendant la période Noël – Jour de l’An) pour des familles nombreuses soient excessives, voire disproportionnées par rapport à la situation financière et de fortune des donateurs (25% de celle-ci) ».

Dès lors, ces versements, correspondant à des étrennes accordées une fois par an, en vue de gratifier les petits-enfants, démontrent que les chèques établis à ces derniers sont des « présents d’usage », bel et bien dispensés de rapport à la succession !

Le plaignant ayant fait appel de ce jugement, il a été débouté devant la Cour d’Appel, aux mêmes motifs ! 

Si cassation il y a par la suite, la Haute Juridiction devra alors trancher si la distribution sous forme de « présents d’usage » chaque année à certains héritiers, de près de 25% des revenus annuels du « donateur », constitue – ou non – une atteinte à la « réserve héréditaire » !

Conclusion

La jurisprudence fiscale offre donc une possibilité aux parents de déshériter certains de leurs enfants en leur faisant des cadeaux sous forme d’étrennes chaque année, mais cette possibilité est limitée par le respect de la réserve héréditaire et par le contrôle du juge.

Il s’agit donc d’une pratique risquée qui peut entraîner des conflits familiaux et des contentieux judiciaires et fiscaux (Cour de cassation, chambre civile 1, 27 septembre 2017, n° 16-17.198 ; Cour d’appel de Paris – Pôle 01 ch. 02 11 février 2021 / n° 20/06654).

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Didier Brochon Rédacteur Expert en Fiscalité

Didier Brochon Rédacteur Expert en Fiscalité

Dans la filière fiscale, je suis particulièrement compétent et formaté pour la fiscalité des entreprises et des particuliers, le contrôle fiscal et son assistance, les conseils aux entreprises et aux particuliers, le traitement des contentieux suite aux contrôles fiscaux, l'assistance aux vérifications de comptabilité informatisées (compétence informatique particulière dans le traitement des données), mais apte à défendre de la même manière un contrôle fiscal des particuliers (contrôle sur pièces, ou un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'ensemble; impositions directes locales: taxe d'habitation, taxes foncières), je suis également compétent dans une autre spécialité mal connue, y compris de beaucoup d'avocats, les évaluations domaniales de valeurs vénales et de valeurs locatives d'immeubles, évaluations des indemnisations en matière d'expropriations pour cause d'utilité publique, et leurs contentieux (au sein de l'Agence France Domaine en qualité de Chargé de mission, évaluateur et commissaire du gouvernement devant le Juge de l'expropriation et devant les SAFER).

Ma carrière administrative m'a valu d'exercer dans pratiquement tous les domaines du droit fiscal, y compris international, au sein de plusieurs Grandes Directions Nationales (ex-DSGI aujourd'hui DRESG ; DNVSF, en liaison avec Bercy, puis dans une Grande Direction Régionale de contrôles fiscaux, la DIRCOFI Centre-Val de Loire). 

Plus que mes compétences techniques très étendues, ma personnalité s'est toujours distinguée par une exigence de rigueur, mon adaptabilité, l'esprit d'analyse et de synthèse, le pragmatisme, la créativité, réactivité, curiosité, l'aisance relationnelle et en équipe, la vitesse de compréhension et d'exécution, le goût de l'initiative, des responsabilités et de la négociation. J'aurais pu par exemple intégrer un cabinet spécialisé, pour assurer la défense des intérêts des clients dans les domaines précités. J'aurais tout aussi bien pu travailler en "back office" en défense et recours des contribuables vérifiés, sur études des dossiers, ou les assister pendant les vérifications. Mes principaux hobbies sont : musique, art en général et littérature en particulier, étant auteur publié, et je suis également intéressé par l'activité de rédacteur.

Mes compétences fiscales et "para-fiscales" sont des plus étendues : juridiques (droit civil, fiscal et pénal découlant du fiscal, et droit de l'urbanisme + droit administratif, public et constitutionnel).

Aujourd'hui à la retraite, je reste actif en qualité d'auto-entrepreneur, en matière de conseils et défense en fiscalité des particuliers uniquement, et secondairement conseil dans les activités liées à l'écriture. Mon site web professionnel est https://www.cdjf-casav.com, où je réponds aux contribuables (ou écrivains) qui me sollicitent (mes tarifs et honoraires y sont clairement mentionnés).

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