Il est rappelé qu’en adoptant les dispositions de l’article 244 quater-B-h du Code Général des Impôts (CGI), le législateur a entendu, par l’octroi d’un avantage fiscal, « soutenir l’industrie manufacturière » en favorisant les systèmes économiques intégrés qui allient la « conception et la fabrication » de « nouvelles collections ».
Le bénéfice du « crédit d’impôt recherche » (CIR) est donc ouvert sur le fondement de ces dispositions aux entreprises qui exercent une activité industrielle dans le secteur du textile, de l’habillement et du cuir lorsque les dépenses liées à « l’élaboration de nouvelles collections » sont exposées en vue d’une production dans le cadre de cette activité.
Pour le Conseil d’Etat, les dépenses afférentes à des ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation d’échantillons non vendus, exposées dans le cadre de l’activité industrielle d’une société en vue de la création de nouvelles gammes de tissus répondant aux demandes de ses clients peuvent être regardées comme liées à l’élaboration de nouvelles collections de l’article 244 quater B-II-h du CGI, alors même que la société « n’élabore pas elle-même de nouvelles collections ».
Articles 44 quater B-II-h et i du CGI
Les articles 244 quater B-II-h et i du CGI ajoutent à la liste des dépenses prises en compte pour le calcul du « crédit d’impôt recherche », celles qui sont liées à l’élaboration de « nouvelles collections » qui sont exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir. Les entreprises doivent relever du secteur textile-habillement-cuir et exercer une activité industrielle, afin de pouvoir bénéficier de la prise en compte de leurs dépenses liées à l’élaboration de « nouvelles collections » pour le calcul du crédit d’impôt recherche.
Ces dépenses liées à « l’élaboration de nouvelles collections » prises en compte pour le calcul du crédit d’impôt recherche nouvelles collections consistent en des dépenses de personnel afférentes aux stylistes et techniciens de bureaux de style, directement et exclusivement chargés de la conception des collections de nouveaux produits, et aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d’échantillons non vendus.
L’affaire jugée
Une société X– exerçant son activité dans le secteur de l’ennoblissement textile, en proposant notamment à ses clients, aux fins de la fabrication par eux de nouvelles collections, des échantillons de tissus non destinés à la vente, avait estimé que les dépenses qu’elle avait exposées, au cours de l’exercice clos en 2013, pour la réalisation de ces échantillons entraient bien dans le champ du h du II de l’article 244 quater B du CGI précités.
La demande de restitution d’un crédit d’impôt recherche qu’elle avait présentée avait cependant été rejetée sur ce point par l’administration fiscale.
La société X– avait porté le litige devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, qui avait rejeté sa demande le 31 mai 2016. Ayant interjeté « appel » devant la Cour administrative d’appel de Nancy, cette dernière avait rejeté le 22 juin 2017, cet appel.
S’étant pourvue devant le Conseil d’Etat, la Haute Assemblée statuant au contentieux, a annulé cet arrêt de la CAA de Nancy par une décision n° du 18 juillet 2018, et renvoyé l’affaire devant la CAA de Nancy. Celle-ci a annulé le jugement du 31 mai 2016 du TA de Châlons-en-Champagne par un arrêt du 26 mars 2019, et mis à la charge de l’État le remboursement à la société X– du crédit d’impôt qu’elle avait sollicité et qui lui était contesté.
Le ministre de l’action et des comptes publics s’étant pourvu « en cassation » contre ce dernier arrêt de la CAA de Nancy, demandant au Conseil d’État de l’annuler, les Magistrats du Palais Royal viennent de rejeter le pourvoi du ministre de l’action et des comptes publics (Conseil d’État du 23 janvier 2020, n°430846).
Les « considérants » du Conseil d’Etat
Pour juger que la société X– était fondée à obtenir la restitution du CIR qu’elle demandait à raison des dépenses de personnel qu’elle avait engagées au cours de l’exercice clos en 2013 pour l’élaboration d’échantillons de tissus destinés à ses clients, la Haute Assemblée a relevé, « par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que cette société était dotée d’un laboratoire qui participait à la création de nouvelles collections élaborées par ses clients, en créant de nouvelles gammes répondant aux demandes de ces derniers selon un cahier des charges technique relatif aux coloris, au toucher, aux effets et aspects, au confort et aux mélanges possibles de matières, pour en déduire que ces travaux pouvaient être regardés comme portant sur la mise au point d’éléments de différenciation d’avec les gammes précédentes ».
Pour la haute juridiction, « c’est ainsi sans commettre d’erreur de droit ni qualifier inexactement les faits de l’espèce…qu’elle a pu en conclure que, alors même que la société n’élaborait pas elle-même de nouvelles collections, les dépenses litigieuses qu’elle avait exposées pouvaient être regardées comme liées à l’élaboration de nouvelles collections au sens de ces dispositions, dès lors qu’il ressortait des pièces du dossier que ces dépenses de personnel, afférentes à des ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation d’échantillons non vendus, avaient été exposées en vue de la production d’échantillons dans le cadre de son activité, dont la nature industrielle n’était par ailleurs pas contestée devant elle ».