Elle l’a annoncé en décembre 2019 : la France va commencer ses expérimentations autour d’une monnaie numérique de banque centrale (MNDBC). Un appel à candidature a été lancé en ce sens.
Les cryptomonnaies se développent partout, elles pourraient même peut-être un jour constituer la monnaie de « demain », et parmi elles rappelons l’existence des « bitcoins », qui sont une « monnaie cryptographique décentralisée » et donc indépendante des Etats, et qui ont été reconnus comme ayant « valeur de monnaie » par la jurisprudence (Tribunal de Commerce de Nanterre, le 26 février 2020).
Les « bitcoins » : une « vraie » monnaie !
C’était depuis longtemps espéré, c’est arrivé et la décision du tribunal de commerce de Nanterre fera date : le « bitcoin » est un actif incorporel fongible, qui relève juridiquement « de la chose de genre », c’est-à-dire d’un bien interchangeable, mais non individualisable, au même titre que la monnaie fiduciaire ! Elle permet en effet de traiter le bitcoin comme de la monnaie ou d’autres instruments financiers, facilitant désormais les transactions en bitcoins, comme les opérations de prêts et favorisant ainsi la liquidité du marché des cryptomonnaies.
La « Loi Pacte » a donné un statut aux acteurs des cryptomonnaies, par une définition générique de ces nouvelles monnaies numériques. Un prêt en « bitcoins » est donc un « prêt de consommation ». Leur propriété est transférée à l’emprunteur durant toute la durée du prêt. En 2017 est intervenue une scission au sein des « bitcoins » (le « hard fork »), distinguant les « bitcoins », et les « bitcoins cash ». Normalement à parité égale en 2017, les deux sortes de « bitcoins » n’ont en réalité plus la même valeur aujourd’hui. Or pour le tribunal de Nanterre, les « bitcoins cash » appartiennent à l’emprunteur, sans retour au prêteur en fin de prêt. Pour autant, les « bitcoins » ne sont pas une « monnaie numérique d’Etat » et leur marché reste volatil.
Il attire néanmoins les Etats et pays, et depuis sont apparus les « stablecoins », sortes de compromis entre « cryptomonnaies » et « monnaies fiduciaires ». Facebook a lancé sa « stablecoin », la Libra et popularisé la « blockchain », technologie permettant de « tracer » toutes les opérations. Aussi, plus de 70 banques centrales prépareraient leur « monnaie du futur », et parmi elles, le Japon, la Suède, la Russie, la Chine, etc.
Or face aux nombreux projets internationaux de créations d’actifs numériques (« utility tokens » ; « security tokens » ; « stable coins » ; …), la Banque de France a pour objectif de ne pas se laisser déborder par les autres pays qui oeuvrent dans cette même voie, et de « mobiliser les potentialités ouvertes par la technologie pour identifier des cas concrets d’intégration d’une monnaie numérique de banque centrale dans des procédures innovantes d’échange et de règlement d’actifs financiers tokénisés [1] ».
[1] Elément de « sécurisation ». (Source Wikipédia) : la « tokenisation » est le procédé permettant de remplacer une donnée critique par un élément équivalent qui n’aura aucune valeur intrinsèque ou signification exploitable une fois sortie du système.
Appel à candidatures
Peuvent faire acte de candidature les porteurs de projets situés dans l’Union européenne ou dans l’espace économique européen (EEE). Ils doivent y intégrer une proposition d’expérimentation sur au moins un des trois axes de tests tels que définis ci-après, la date limite de candidature étant fixée au 15 mai 2020.
Les candidats retenus pourront commencer à travailler sur leur projet à partir de juillet 2020.
Trois axes d’expérimentation
- L’examen de cas d’usage concrets, particulièrement l’utilisation d’une monnaie centrale pour des achats d’instruments financiers, des échanges de monnaie numérique avec une autre banque centrale, ou des échanges avec d’autres actifs numériques ;
- L’évaluation des conséquences possibles de cette MNDBC sur l’écosystème financier existant, les risques de sécurité, et les bénéfices qu’elle pourrait apporter ;
- L’analyse plus précise des conséquences macroéconomiques, monétaires, financières et juridiques.
Les candidats « ont le champ libre » quant à la technologie utilisée. Aucune monnaie durable ne sera créée durant cette période d’expérimentations, et tous les jetons produits seront détruits. La France veut manifestement occuper une place déterminante dans cette « course aux monnaies numériques d’Etat », voire, être la première à posséder sa monnaie numérique de banque centrale.