La menace plane depuis quelques mois. En réponse aux taux très bas des banques centrales, les banques commerciales cherchent de nouvelles solutions. Parmi le champ des possibles, la taxation des dépôts pour les particuliers. Si la pratique est encore très largement minoritaire et concernait jusqu’ici surtout les clients les plus fortunés et les clients professionnels, elle pourrait devenir la norme dans les années à venir.
Taxation des dépôts : comment expliquer le phénomène ?
Payer pour épargner. De prime abord, cette idée pourrait laisser songeur un grand nombre d’épargnants ou d’investisseurs. Mais aujourd’hui, la problématique de la taxation des dépôts se pose de plus en plus pour des banques pénalisées par les taux négatifs pratiqués par la banque centrale européenne ou par leurs banques centrales nationales. En effet, depuis 2014, les banques centrales facturent des frais pour les banques commerciales qui déposent des liquidités dans leurs coffres. Des mesures qui ont pour objectif d’inciter les banques à octroyer des prêts bancaires, que ce soit à l’attention des ménages mais aussi des entreprises.
Un phénomène qui est aujourd’hui particulièrement visible dans des pays comme l’Allemagne, la Suisse ou encore au Danemark. En Allemagne, près de la moitié des banques pratiqueraient déjà ces taxations pour les clients professionnels. Si les taux pratiqués par la banque centrale européenne ou les banques centrales nationales constituent la principale explication, il ne s’agit pas de la seule raison invoquée. Par ce biais, les banques chercheraient aussi à financer de nouveaux services. Avec notamment une digitalisation toujours plus importante de leur offre.
Vers une généralisation au grand public ?
Il y a encore un an, le phénomène était relativement marginal et semblait alors concerner en majorité le public professionnel. Mais il semblerait aujourd’hui que la donne change. C’est en tout cas ce que laisse à penser l’initiative de banques comme N26 qui taxe dorénavant les dépôts de nouveaux clients particuliers pour des montants supérieurs à 50 000 euros. Ainsi, chaque compte ouvert présentant un solde supérieur à 50 000 euros se voit dorénavant taxé à hauteur de 0,5 % pour chaque euro qui dépasse ce plafond. Une initiative qui avait fait beaucoup de bruit, lorsque l’on sait que la néobanque compte aujourd’hui près de 7 millions de clients à travers le monde.
Récemment, la banque danoise Danske Bank a également annoncé qu’à compter du 1er juillet 2021, elle pratiquerait elle aussi une taxation des dépôts d’un montant supérieur à 13 500 euros. Celle-ci serait alors de 0,6 % pour les particuliers et de 1 % pour les professionnels. Dans le pays, certaines banques pratiquent déjà la taxation de dépôts supérieurs à 30 000 euros. Nous sommes désormais assez loin des premières taxations qui s’appliquaient parfois à des dépôts supérieurs au million d’euros. Inquiet de la tournure que prennent les évènements, le gouvernement danois a fait connaître son mécontentement, par l’intermédiaire de son ministre du Commerce, Simon Kollerup. Ailleurs en Europe, les banques pourraient aussi être tentées d’abaisser leur seuil de taxation rapidement.
Si désormais le phénomène semble se généraliser, c’est surtout la diminution rapide des plafonds qui pousse à l’interrogation. Au point de taxer les dépôts dès le premier euro dans un futur proche ? La question mérite d’être posée.
Une hausse des tarifs bancaires en prévision ?
Comme le révèle le comparateur de banques Panorabanques, les frais bancaires devraient augmenter de l’ordre de 0,6 % en 2021. Soit la plus forte hausse constatée depuis 2017. A titre de comparaison, entre 2019 et 2020, les frais bancaires avaient augmenté de seulement 0,2 %. Soit trois fois moins. Pour l’heure, cette taxation des dépôts devrait jouer un rôle infime dans l’estimation des frais bancaires annuels par français.
Néanmoins, si comme le suggère le gouvernement dannois les mesures venaient à se généraliser au grand public avec des plafonds de plus en plus bas, l’impact pourrait être beaucoup plus important. Rappelons qu’une étude de 2019 mettait en avant que les français détenaient en moyenne près de 44 000 euros d’épargne. Une situation encore accentuée par la crise sanitaire et les mois de collectes records pour le Livret A. Une taxation des comptes épargne au delà de 10 000 ou 15 000 euros aurait donc un réel impact sur un très grand nombre d’épargnants.