Un gestionnaire de portefeuille obligataire va élaborer des stratégies, qu’il souhaitera évidemment appropriées, afin de tirer profit de ses anticipations de l’évolution des taux d’intérêt. Cela passe bien entendu par la maitrise des dimensions de risques spécifiques (défaut, rachat, liquidité et change) et systématiques des obligations (taux d’intérêt/inflation anticipée).
Beaucoup peuvent s’imaginer, mais à tort, que les gestionnaires de portefeuille achètent des obligations uniquement pour les coupons et aussi qu’elles offrent et la garantie, plutôt incertaine, d’obtenir la restitution du capital investi à l’échéance.
La profitabilité d’un portefeuille obligataire tient principalement à trois sources de rendement que sont les intérêts (appelés également coupons), le gain (parfois la perte) en capital et les intérêts découlant du réinvestissement des coupons.
Plusieurs grands facteurs impactent ces différents revenus. Les changements dans les niveaux des taux d’intérêt; les changements dans les formes des courbes des taux ou encore les changements des écarts de taux entre deux ou plusieurs secteurs du marché obligataire sont autant d’éléments essentiels influant sur la performance finale.
Les stratégies obligataires sont donc diverses ; mais, on peut néanmoins retenir deux grandes catégories de stratégies avec les stratégies obligataires actives qui vont tenter de profiter des principales variables énumérées ci-dessus et les stratégies obligataires passives qui chercheront à répliquer des performances.
Les stratégies obligataires actives
Les changements dans les niveaux des taux d’intérêt
Un gestionnaire de portefeuille va mettre en place des stratégies reposant sur ses anticipations de l’évolution future des taux d’intérêt. À partir de ses prévisions des mouvements de taux d’intérêt, le gestionnaire va modifier la sensibilité de son portefeuille. Il va allonger la durée de vie moyenne de son portefeuille s’il prévoit une baisse des taux d’intérêt et au contraire la raccourcir s’il anticipe une hausse des taux.
Pour les gestionnaires dont la performance est évaluée en fonction d’un indice obligataire, il lui faut battre son Benchmark. Ceci implique une durée de vie moyenne de ses obligations plus longue dans son portefeuille que celle de l’indice en cas d’anticipation des taux d’intérêt à la baisse et inversement, une durée de vie moyenne de ses obligations plus courte en cas d’anticipation de hausse de taux.
La modification de la durée du portefeuille peut être faite en substituant des obligations contenues dans le portefeuille par d’autres, de durée plus élevée (ou plus faible), afin d’atteindre la durée cible du portefeuille. Cette technique de marché est connue sous le nom de swap d’anticipation de taux.
Le gestionnaire pourra aussi intervenir sur les contrats à terme sur taux d’intérêt. Il peut ainsi souhaiter protéger la valeur en capital d’un portefeuille d’obligations si la dépréciation du portefeuille est liée à une hausse des taux. Dans ce cas, il se couvre en se portant vendeur de contrats à terme, voir en étant acheteur d’une option de vente (put), si son anticipation est incertaine.
S’il souhaite compenser une baisse des revenus d’un portefeuille d’obligations à taux variable résultant d’une baisse des taux ou augmenter la sensibilité de son portefeuille obligataire à taux fixe, le gestionnaire se portera acheteur de contrat à terme, ou, le cas échéant, acheteur d’une option d’achat (call).
Au vu de la difficulté d’anticiper avec précision les mouvements futurs des taux d’intérêt, le gestionnaire ne poursuivra pas uniquement cette stratégie active. Il va aussi intervenir sur les mouvements des courbes de taux d’intérêt.
L’anticipation des changements dans la forme des courbes des taux
Il existe une relation entre les rendements des obligations et leur échéance. Les courbes des taux (swap, obligataires,…) matérialisent cette relation. Les formes de ces courbes peuvent changer dans le temps prendre de multiples formes en fonction des évènements de marché. La plus classique des courbes de taux est pentifiée et donc croissante.
Les stratégies basées sur les mouvements de courbe de taux d’intérêt vont donc consister à constituer un portefeuille permettant de tirer profit des changements anticipés de la forme de la courbe des taux d’intérêt. Parmi les stratégies découlant des anticipations des mouvements de courbe de taux, on peut, sans être exhaustif, en présenter trois à partir des trois courbes de taux précédentes.
Face à une anticipation de cette courbe de taux (courbe décroissante sur le court terme puis croissante), on peut mettre en place un portefeuille obligataire, et des obligations, dont les échéances sont fortement concentrées en une zone de la courbe des taux d’intérêt. Un portefeuille peut ainsi être composé de 50 % d’obligations d’échéance 3 ans, de 20% d’obligations d’échéance 5 ans et de 20% d’obligations d’échéance 7 ans. | |
Avec cette possible future courbe de taux (courbe croissante sur le court terme puis décroissante), la stratégie peut être de composer le portefeuille d’obligations dont les échéances sont fortement concentrées en deux points extrêmes de la structure à terme des taux d’intérêt (exemple de 20% d’obligations d’échéance 2/3 ans et 80% d’obligations d’échéance 30 ans) notamment avec une courbe de taux décroissante. | |
Autre et dernier exemple avec l’anticipation de cette courbe de taux (courbe croissante ou pentifiée), le gestionnaire compose son portefeuille d’obligations avec des échéances réparties à intervalles réguliers tout au long de la courbe des taux d’intérêt. |
Les courbes de taux permettent aussi la mise en place d’analyse rich and cheap (bond picking). Ces dernières visant à détecter les produits obligataires sous ou sur évalués par le marché pour tenter d’en tirer profit.
Cette démarche se retrouve dans le cadre des opérations de trading des salles de marché mais aussi dans la gestion obligataire ou/et alternative à l’intérieur des sociétés de gestion.
Les stratégies basées sur les écarts de taux
Les stratégies basées sur l’écart des taux consistent à constituer un portefeuille afin de tirer profit d’une anticipation de changement de l’écart entre deux ou plusieurs compartiments du marché obligataire.
Là encore, le swap va permettre l’échange d’une catégorie d’obligations dès lors que le gestionnaire du portefeuille obligataire considère que l’écart de rendement entre les deux obligations est anormal et qu’il anticipe une correction.
Les stratégies obligataires passives
Un gestionnaire de portefeuille obligataire peut aussi développer des stratégies de gestion passive (immunisation de portefeuille, gestion indicielle).
- On peut ici apporter quelques précisions sur la gestion indicielle obligataire ou dite de réplication : La stratégie de gestion indicielle d’un portefeuille obligataire consiste à former un portefeuille qui va répliquer la performance d’un indice obligataire. Le principe est identique à celui retenu pour la gestion indicielle d’un portefeuille d’actions. Le gestionnaire va alors reprendre les caractéristiques les plus pertinentes de l’indice obligataire, notamment la durée, le niveau du taux de coupon, la maturité,… Les difficultés de cette stratégie tiennent essentiellement à la liquidité des obligations ou encore à la représentativité des indices obligataires.
- Une autre stratégie passive peut aussi passer par l’immunisation du portefeuille obligataire. On parle alors de stratégie buy-and-hold. Il s’agit alors de structurer le portefeuille obligataire en fonction des objectifs et contraintes de son client. Le choix de titres obligataires s’effectue en fonction de l’horizon de placement de l’investisseur.