Le spectre s’agite sur le paysage bancaire mondial. Si les conditions sont bien différentes de la crise économique de 2008 qui avait notamment causé la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, les variables économiques semblent étouffer. En France, la chute du PIB sur l’année 2020 est estimée à plus de 10 %. Soit environ 4 fois plus que lors de la crise de 2009. Dès lors, qu’est ce qui pourrait assurer qu’une ou plusieurs banques ne fassent pas faillite ? Eléments de réponse dans cet article !
La récession du siècle
Les dernières annonces du ministre de l’économie Bruno Le Maire tablaient à la fin du mois d’Octobre sur des prévisions de récession d’environ 11 % pour l’ensemble de l’année 2020. Si le troisième semestre avait été encourageant, la seconde vague de confinement a annihilé le timide vent de la relance.
D’autres analyses sont encore plus pessimistes avec des prévisions de récession à hauteur de 15 % pour l’année 2020. La France s’affiche parmi les pays les plus touchés économiquement par la crise, à l’échelle mondiale.
Le prêt garanti par l’état : L’arbre qui cache la forêt ?
Le dispositif annoncé lors de la première vague devait permettre à l’état de garantir les prêts d’entreprise à hauteur de 300 milliards d’euros. Pour l’heure, le dispositif n’a pas été consommé entièrement puisque les prêts garantis représentent aujourd’hui 120 milliards d’euros.
Si ce dispositif est en grande partie porté par l’état, il fait néanmoins peser un risque pour les organismes de crédit. En effet, en cas de défaillance de l’emprunteur, l’état ne prendrait pas la totalité du prêt à sa charge. Les banques pourraient alors demander le remboursement par l’état d’une somme comprise entre 70 et 90 % du montant prêté. Lorsque l’on sait qu’en 2021, les estimations tablent sur le doublement des faillites d’entreprise, le risque bancaire est bien réel.
Outre les prêts garantis par l’état, les banques portent surtout le risque sur les prêts accordés en amont de la crise sanitaire. De nombreux crédits professionnels pourraient ne pas être honorés dans les mois et les années à venir.
Le HCSF (Haut Conseil de Stabilité Financière) alertait par ailleurs en amont de la crise sur le taux d’endettement excessif des entreprises françaises. La crise que nous traversons a encore aggravé la situation. Dans l’ensemble de la zone euro, ce ne sont pas moins de 1 400 milliards d’euros d’emprunt qui pourraient ne pas être remboursées d’ici 2021. Ce que l’on nomme communément les créances douteuses risquent alors de peser trois fois plus lourd qu’en 2019.
Banques : Une gestion du risque plus sérieuse qu’en 2008 ?
C’est notamment le cas des banques françaises dont la gestion du risque est bien meilleure qu’en 2008. Pour certains analystes, les chiffres et les ratios les plus élémentaires sont bien mieux respectés.
D’autre part, les banques sont confrontées depuis plusieurs mois à la crise sanitaire. Et inéluctablement aux conséquences économiques liées. Si la crise est encore loin de connaître son épilogue, nous pouvons considérer que les quelques mois passés sont encourageants et incitent à l’optimisme quant à la santé financières des grandes banques.
Bon à savoir : En 2018, l’autorité bancaire européenne (EBA) avait cherché à simuler les effets si les crédits non remboursés atteignaient 750 milliards d’euros. Le risque qui pèse aujourd’hui sur l’économie est près de deux fois plus lourd que ce seuil « test » retenu.
Les banques semblent en tous les cas avoir compris la leçon de 2008. Comme en témoigne des ratios de liquidité et surtout de solvabilité plus rassurants. Particulièrement en ce qui concerne les banques françaises. Entre 2008 et 2019, les principales banques de l’hexagone sont passées de 5,8 % de leur bilan constitué de fonds propres à 14,4 %. En tout et pour tout, cela représente près de 350 milliards d’euros pour les six plus grandes banques françaises.
Concernant les prêts accordés aux particuliers, les banques ont également serré la vis. Notamment sur les prêts immobiliers. Il est désormais beaucoup plus difficile d’emprunter sans un apport minimum de 10 % ou encore sans respecter plus scrupuleusement un taux d’endettement de 33 %. L’emprunt immobilier sur une durée supérieure à 25 ans est aussi devenu une denrée très rare. Conformément aux recommandations du HCSF. Les prêts personnels et les crédits à la consommation de façon plus large semblent aussi plus contrôlés aujourd’hui.
Quid de l’action de la BCE ?
Pour certains économistes, les chiffres avancés sont à relativiser. Notamment en ce qui concerne les ratios de solvabilité. Les injections de liquidité de la Banque Centrale Européenne à l’attention des banques commerciales peuvent à minima pousser à l’interrogation. Simple mesure de précaution ou réelles craintes de la banque des banques ?
Les chiffres avancés et notamment ceux de l’évaluation du risque peuvent aussi pousser à l’interrogation. En effet, une règle semble immuable pour l’univers bancaire : plus un organisme est grand et plus il aura tendance à évaluer lui même son risque. En d’autres termes, les grands groupes, aussi nommés « banques systémiques« , déterminent par des modèles internes le montant nécessaire de fonds propres, liés à leur activité et aux risques qu’elles prennent. Le doute peut alors exister sur l’évaluation qui pourrait être minimisée. D’autant plus en période de crise.
C’est en partie pour cette raison que les analystes bancaires préfèrent se focaliser sur les ratios de levier pour évaluer le risque. Le ratio de levier correspond alors au fonds propres rapportés au total des actifs. Sans aucune pondération. Cela permet d’éviter l’appréciation qui peut être arbitraire du risque de chaque actif.
Dans ce contexte, le risque de défaut d’une banque est à considérer avec plus d’attention. La sauvegarde d’une banque coûterait alors cher en argent public, d’autant plus si une faillite venait d’une des banques systémiques. Parmi cette caste de 30 banques, 4 sont des banques françaises avec la Société Générale, BNP Paribas, le Crédit Agricole et le groupe BPCE. Le bilan de chacune de ses banques pèse environ le même poids que le PIB de la France.