Le contrôle fiscal – même s’il s’agit du simple « contrôle sur pièces » – est une « industrie » qui ne connaît pas la « crise » – même pas celle que nous traversons actuellement, « sanitaire » avant tout mais aussi économique et sociale, et Bercy a beau multiplier les gestes en direction des petites et moyennes entreprises pour les aider à tenir la « tête hors de l’eau » en ces temps difficiles, le ministre de l’Action publique a beau multiplier les « déclarations » selon lesquelles l’heure n’est pas au « contrôle » dans ses services, mais à l’aide et au soutien de nos entrepreneurs et de notre économie.
Il n’en reste pas moins qu’un vaste chantier existe depuis janvier 2020 dans les services de « contrôles sur pièces » de Bercy (ou encore appelés « du bureau », par opposition aux « vérifications » de comptabilité, ou encore les ESFP), qui utilise la grande puissance du « data mining » et dont les résultats visent en premier les propriétaires bailleurs et leurs déclarations de revenus fonciers !
Le « data mining » qu’est-ce que c’est ?
C’est l’extraction d’un savoir ou d’une connaissance à partir de grandes quantités de données, par des méthodes automatiques ou semi-automatiques, une analyse prédictive basée sur de puissants algorithmes scientifiques venus tout droit de disciplines telles que les statistiques, l’intelligence artificielle, l’informatique, afin de construire des « modèles de comportement » à partir des données, c’est-à-dire trouver des « structures intéressantes » ou des « motifs » selon des « critères » fixés au préalable, et d’en extraire un maximum d’enseignements.
C’est donc une « utilisation industrielle » du savoir dans le monde professionnel qui permet de résoudre des problèmes très divers, comme celui de la gestion de la relation client, de la maintenance préventive, du journalisme de données, de l’optimisation de sites web, ou encore de la détection de fraudes.
Depuis un arrêté du 12 novembre 2019 modifiant l’arrêté du 21 février 2014, Bercy dispose d’une cellule de « data mining » dédiée au « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes » (CFVR), dont les travaux ont essentiellement porté sur la détection de la fraude en matière de TVA. Il a tout d’abord été expérimenté au sein de la « task force TVA », en 2014, dans le but d’identifier les entreprises impliquées dans des fraudes complexes de type « carrousel ».
Par un arrêté du 28 août 2017 étendant le nombre de bases de données pouvant y être exploitées, y compris en provenance d’administrations étrangères (dans le cadre de l’échange automatique d’informations), d’organismes sociaux (ACOSS, CAF) ou encore privés (informationss sur les sociétés implantées à l’étranger, indicateurs financiers, données d’identification des personnes en lien avec ces entreprises), ce traitement automatisé dénommé « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes » ne visait jusques là que les contribuables professionnels ; il a été étendu aux particuliers, à titre expérimental pendant deux ans.
Validé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) le 20 juillet 2017, ce texte autorise Bercy à « modéliser des comportements frauduleux » en croisant de « nombreuses données personnelles » provenant d’administrations étrangères et des « bases privées » qui peuvent être exploitées, comme des informations fiscales, bancaires, patrimoniales, etc.
L’arrêté du 12 novembre 2019 publié au JORF n° 278 du 30 novembre 2019 pérennise donc l’utilisation de l’outil de « data-mining » à l’égard des particuliers, et il prévoit également que les données transmises par les opérateurs de « plateformes collaboratives » en application de l’article 242 bis du CGI seront également traitées par cet outil.
Champ d’exploration : les « loyers » perçus des locataires
Certains services travaillent depuis plusieurs mois à, entre autres, « croiser les données » – « locataires / propriétaires bailleurs » – afin de s’assurer d’une part de la réalité des loyers déclarés en revenus fonciers par rapport à ceux payés par les locataires, et d’autre part de la réalité et déductibilité des travaux déclarés en « charges déductibles », étant rappelé que seuls les travaux d’ entretien, de réparation et de rénovation (justifiés et effectués par un artisan) sont déductibles à l’exception par conséquent des travaux de construction, reconstruction et agrandissement ou qui s’analysent comme tels, ainsi que tous les travaux de rénovation qui ne peuvent être dissociés de travaux de construction, reconstruction et agrandissement.
Une telle exploration est censée déboucher sur l’édition de listes de dossiers de contribuables (propriétaires-bailleurs) susceptibles de devoir répondre ensuite à un questionnaire de l’administration fiscale, visant à expliquer et justifier, soit des écarts entre les loyers connus comme ayant normalement été encaissés et ceux déclarés, soit des dépenses de travaux a priori perçus comme « douteux » c’est-à-dire ne correspondant pas à la définition des travaux déductibles des revenus fonciers, ou simplement n’ayant a priori jamais existé.
Par des « recoupements et croisements de fichiers » en tous sens, le « data-mining » est désormais l’arme absolue de contrôle par l’administration fiscale, non seulement des résultats et déclarations des entreprises mais aussi de celles des particuliers.