Boursier.com : Les Européens doivent-ils s’inspirer, selon vous, de l’activisme dont fait preuve la Fed ?
Philippe Waechter : Très clairement. La zone Euro a à faire face à sa récession la plus brutale et la plus profonde depuis des décennies. Il faut, dans ce cadre, être le plus actif possible pour en venir à bout et éviter une montée trop forte et trop durable du taux de chômage. Le Japon, les Etats-Unis et l’Angleterre ont adopté des taux d’intérêt très bas pour stimuler leurs économies. La Banque Centrale Européenne doit les rejoindre. En outre comme ces pays, si la seule politique de baisse de taux d’intérêt est insuffisante pour soutenir l’activité alors il faudra utiliser d’autres instruments.
Boursier.com : À quels autres moyens faites-vous allusion…
P.W. : L’ajout direct de liquidité via l’augmentation des agrégats monétaires. C’est ce qui est appelé le « quantitative easing ». Ces liquidités supplémentaires permettent de réduire les contraintes que peuvent subir les différents acteurs économiques. En zone Euro, les taux d’intérêt vont encore baisser. Les intervenants de marché anticipent 0,75% pour le taux refi, je pense que l’on peut tendre vers 0.5 %. A ce moment là, le taux d’intérêt réel de la BCE (taux de refi – inflation attendue (0.4 % pour la BCE)) sera quasi nul. La banque centrale pourra alors entrer dans une dynamique d’augmentation de la quantité de monnaie pour stimuler l’économie.
Boursier.com : La Fed a laissé entendre que le marché immobilier était proche du point bas aux Etats-Unis…
P.W. : C’est un élément très positif et nous pensons que le marché immobilier n’est pas très loin de son point de stabilisation. Le plan de l’administration Obama associée à la baisse des taux d’intérêt hypothécaires, résultant des achats d’obligations d’Etat par la Fed, devraient faciliter la convergence vers cette stabilisation du marché. C’est une condition nécessaire pour revenir à un environnement plus favorable notamment pour le système bancaire qui reste fortement conditionné par l’évolution des prix immobiliers.
Boursier.com : Revenons à la Zone Euro. Faut-il aller au-delà d’une simple union économique et monétaire ?
P.W. : Face aux chocs négatifs, multiples et asymétriques qui ont affecté la zone euro au cours des derniers mois, les européens n’ont pas eu de réponses rapides et homogènes. Une situation de ce type n’était pas prévue. C’est sans doute une problématique lié à l’insuffisance de la construction politique européenne. À la fin du XIXème siècle, l’Union Latine avait été fragilisée par une construction politique insuffisante. Ne prenons pas le même risque aujourd’hui car les réponses à fournir, à moyen terme, sont probablement plus politique qu’économique. Dans les situations aussi complexes qu’en ce moment la monnaie unique est un facteur amortisseur des chocs mais ce n’est pas suffisant pour éviter les risques et les interrogations sur la cohérence de l’ensemble de la zone.
Boursier.com : Quelle est votre analyse sur l’évolution des marchés actions?
P.W. : Le marché a rebondi à la suite d’une succession de nouvelles plus favorables. Les indications sur une possible stabilisation du marché immobilier américain, la meilleure orientation des émissions de dette corporate et le plan bancaire soumis par l’administration américaine sont autant de facteurs positifs attendus par les acteurs du marché. Nous percevons bien la réactivité du marché aux nouvelles plus favorables suggérant, à un moment donné, une possible sortie de crise. Les autorités politiques et économiques ont aussi pour mission de réduire l’incertitude. Quand l’activisme et les moyens mis en oeuvre permettront une réduction durable de cette incertitude alors les marchés actions retrouveront durablement de la vigueur.
Boursier.com : Que pensez-vous enfin de l’évolution des cours des matières premières ?
P.W. : Nous ne pouvons pas imaginer un retournement brutal et fort. Les cours des matières premières sont relativement bas et le resteront tant que nous n’aurons pas d’éléments clairs sur la dynamique de demande et la réduction d’incertitude. Nous relevons toute même que sur certaines matières premières, comme l’acier, le profil est déjà plus positif, peut être en raison d’une demande un peu plus forte en Chine. La seule matière première qui peut évoluer différemment est l’or. C’est un refuge contre l’incertitude. Dans les mois qui viennent, compte tenu de l’environnement difficile, l’or restera un support fort intéressant.
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