De mauvaises habitudes issues du bail d’habitation
Généralement, on commence son apprentissage de l’immobilier par le biais du bail d’habitation, le plus souvent d’ailleurs, en tant que locataire. De cet apprentissage initial, découlent un certain nombre d’habitudes et de croyances collectives qu’ont les propriétaires notamment pour ce qui touche à la faculté de faire partir son locataire :(congé pour vente ou pour récupération pour son usage propre) ou aux modalités de renouvellement (automatique).
Un mode de fonctionnement différent
Si ces principes sont valables dans le domaine du bail d’habitation, il en va différemment du bail commercial. Un bail commercial est le bail qui va régir l’utilisation d’un local à des fins commerciales.
Cela implique donc que le locataire en bail commercial est généralement un commerçant qui a créé ou acheté un fonds de commerce dans un local et qui l’exploite. Or, un fonds de commerce est le plus souvent intimement lié à l’endroit où il est exploité : visibilité, habitude des clients, notoriété du lieu, positionnement sur un important lieu de passage…
Pour protéger ce commerçant et éviter qu’il ne perde son fonds de commerce c’est-à-dire son outil de travail par une simple résiliation de son bail, le législateur lui a conféré deux grands droits :
- le droit au maintien dans les lieux : un commerçant qui paye son loyer ne pourra donc pas être expulsé sauf à être indemnisé de l’ensemble des préjudices subis ;
- le droit au plafonnement de ses loyers pour éviter qu’une augmentation trop forte de son loyer ne réduise à néant la profitabilité de son fonds de commerce.
Un régime plus courant qu’on ne le croit
Si ce régime a été pensé initialement pour les commerçants, il s’est élargi à de nombreux domaines immobiliers. Un domaine qui est important lorsqu’on parle d’investissement immobilier des particuliers est celui des résidences services : résidences de tourisme, résidences senior, résidences affaires, résidence étudiante ou encore EHPAD.
L’immobilier de ces résidences a souvent servi de support à des investissements, souvent à des buts de défiscalisations, et généralement désignés sous le terme de LMNP ou de LMP pour désigner le statut de Loueur en Meublé.
Or, même si les appartements qui constituent ces résidences servent à loger des gens, leurs locataires n’en sont pas les usagers finaux mais des gestionnaires, le plus souvent des sociétés d’exploitation qui exploitent ces locaux à des fins commerciales. C’est ainsi donc que ces biens, même s’ils sont à usage d’habitation, tombent sous le joug du bail commercial.
Une fin de bail encadrée
Un bail commercial dure par défaut neuf ans. Sa durée peut être supérieure mais dépasse très rarement les 12 ans tant pour des raisons juridiques que fiscales.
A l’issue du bail, beaucoup d’investisseurs pensent qu’ils pourront récupérer le local ou augmenter le loyer sans limite. Au risque d’en décevoir certains, ce n’est pas le cas. La fin d’un bail commercial est en effet soumise, tout comme le bail commercial, aux deux droits dont bénéficie le locataire à savoir le droit au maintien dans les lieux et le droit au plafonnement des loyers.
Dans ce contexte, le scénario le plus courant à la fin d’un bail commercial est celui du renouvellement pour une nouvelle durée de neuf années et avec comme base le loyer du précédent bail. Ce renouvellement a lieu à la demande d’une des parties et est acceptée avec l’accord (ou dans le silence) de l’autre.
Ce renouvellement peut s’accompagner d’une augmentation de loyer…
Si le principe du renouvellement est acté, il y a des cas où celui-ci peut être l’occasion d’une réévaluation du loyer, surtout à la hausse. En revanche, et en vertu du droit au plafonnement des loyers dont bénéficie le locataire en bail commercial, il ne suffit pas qu’un loyer soit sous-évalué pour qu’il soit réévalué en fin de bail commercial.
Pour qu’un propriétaire en bail commercial puisse obtenir une augmentation de son loyer à l’occasion d’un renouvellement de bail, il devra le faire dans les formes et avec un certain délai mais il devra aussi démontrer que cette hausse trouve son origine dans un « changement des facteurs locaux de commercialité ». Pour dire plus simplement, la hausse de loyer en bail commercial doit être justifiée non pas par une simple valorisation des éléments qui font et faisaient la commercialité du local mais par de nouveaux éléments qui n’existaient pas lors de la conclusion initiale du bail.
Cette condition a pour effet de fortement réduire les chances d’obtenir une augmentation de loyer à l’issue d’un bail commercial, chances qui ont été encore réduite par la loi Pinel qui a plafonné les augmentations de loyers qu’il était possible de demander.
…mais aussi d’une baisse
Le renouvellement du bail commercial peut aussi être l’occasion pour un locataire trouvant son loyer trop élevé de demander un effort à son propriétaire sous la pression de, sinon, ne pas renouveler son bail et laisser le local vide.
Si cette situation s’est multipliée ces dernières années avec la crise économique et les difficultés liées, elle n’e reste pas moins une exception.
Le locataire se risquant à une telle demande prend en effet le risque de voir son propriétaire tout simplement refuser le renouvellement du bail et ainsi perdre son bail et donc son fonds de commerce … sans indemnité.
Il s’agit donc d’une position risquée à laquelle les locataires se risquent généralement lorsque leur fonds de commerce n’a pas de valeur en raison d’un loyer (beaucoup) trop élevé.
Cela peut facilement être traité pour un propriétaire en analysant en amont le niveau de loyer facturé et en s’assurant qu’il soit soutenable pour le locataire.
Ce renouvellement ne se présume pas, sinon il n’existe pas
Un élément important à garder en tête est que, à la différence d’un bail d’habitation, un bail commercial ne se renouvelle pas automatiquement. Son renouvellement doit respecter un certain formalisme qui passe par une demande de renouvellement d’au moins une des parties. A défaut, le bail commercial n’est pas renouvelé mais simplement en tacite reconduction ce qui veut dire que le bail initial suit son cours jusqu’à ordre contraire.
Cela créé donc une situation d’une certaine insécurité juridique avec la possibilité pour chacune des parties de mettre fin au bail avec un préavis limité voir sans préavis.
Un risque pour le propriétaire est de voir partir son locataire
Si la tacite reconduction est une situation risquée pour un propriétaire c’est parce qu’elle peut déboucher, tout comme toute fin de bail commercial, sur un éventuel départ du locataire.
Le locataire en bail commercial peut en effet partir à l’issue de son bail, sous réserve bien sûr de respecter un préavis. Cette situation est un risque car elle implique une fin de perception de loyer pour le propriétaire et d’éventuelles dépenses plus une vacance locative avant de retrouver un locataire. A l’inverse, elle peut se transformer en opportunité en cas de loyer sous évalué, le départ du locataire pouvant permettre une augmentation du loyer.
A l’inverse, un propriétaire ne peut pas faire partir son locataire en bail commercial … sauf à l’indemniser
Un dernier point important quand on parle de fin de bail commercial concerne la possibilité de faire partir le locataire. Celui-ci bénéficiant d’un droit au maintien dans les lieux, il n’est pas possible de le faire partir ou alors il faudra l’indemniser du préjudice subi. Si cela est protecteur des intérêts des locataires, cela réduit les avantages des propriétaires en leur limitant la possibilité de récupérer l’usage des actifs dont ils sont propriétaires.
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