L’article 278 septies du code général des impôts (CGI) soumet notamment au taux réduit de la TVA les livraisons par l’artiste lui-même, des « œuvres d’art ».
L’article 98 A II de l’annexe III audit code, définit comme étant des « œuvres d’art », quand il s’agit de photographies, celles prises par l’artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de 30 exemplaires, tous formats et supports confondus.
Selon la doctrine administrative (française), ne peuvent être considérées comme des œuvres d’art susceptibles de bénéficier du taux réduit de la TVA, que les photographies qui portent « témoignage d’une intention créatrice manifeste de la part de leur auteur ».
Or l’affaire C-145/18 (CJUE : Cours de Justice de l’Union européenne) vient de rendre des conclusions, s’agissant du taux réduit de TVA applicable à des photos de mariage, qui taclent la législation française en matière de TVA et « d’œuvres d’art ».
Primauté du droit européen sur le droit français
En premier lieu il convient de le rappeler : les lois européennes sont prééminentes, par rapport au droit interne des Etats membres.
La France doit donc adapter désormais sa législation fiscale à la décision de l’espèce (affaire C-145/18) qui, en l’occurrence, visait des « photos de mariage ».
Quand la sagesse du Conseil d’Etat profite aux requérants déboutés de leurs actions en justice, et conduit la CJUE à faire réformer la loi fiscale française
Une société française spécialisée dans les photographies, notamment de mariages, et qui avait appliqué le « taux réduit » de TVA sur les clichés qu’elle avait pris à l’occasion de « portraits photographiques » ainsi que sur les « livres des mariés », ayant connu une « vérification de sa comptabilité » et ayant vu sa TVA exigible « redressée », le vérificateur ayant appliqué le « taux normal » en lieu et place du « taux réduit », elle avait d’abord porté réclamation (rejetée), puis fait appel de ce rejet devant le tribunal administratif (nouveau rejet), puis elle avait interjeté appel contre le jugement de ce tribunal devant la Cour administrative d’appel, qui avait confirmé le rejet du tribunal administratif, aux motifs suivants.
Quelle que soit leur qualité, les portraits et les photographies de mariages en litige ne présentaient pas un caractère d’originalité et ne manifestaient pas une intention créatrice, susceptibles de les faire regarder, ne serait-ce qu’en partie, comme des photographies prises par un artiste.
Soutenant qu’en retenant un tel motif, la Cour Administrative d’Appel avait commis une erreur de droit, car il ne lui appartenait que de vérifier si l’auteur des photographies en litige en avait contrôlé les tirages, les avait signées et les avait vendues, numérotées à moins de trente exemplaires, la société s’est pourvue devant le Conseil d’Etat.
Dans le doute, la Haute Assemblée a déféré à la CJUE les questions préjudicielles suivantes, et elle a sursis à statuer en attendant ses réponses (Conseil d’État du 20 février 2018, requête n°400837).
- Les dispositions des articles 103 et 311 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ainsi que du point 7 de la partie A de son annexe IX doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles imposent seulement que des photographies soient prises par leur auteur, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus, pour pouvoir bénéficier du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ?
- Dans l’hypothèse où il serait répondu positivement à la première question, est-il néanmoins permis aux Etats membres d’exclure du bénéfice du taux réduit de la TVA des photographies qui n’ont, en outre, pas de « caractère artistique » ?
- Dans l’hypothèse où il serait répondu négativement à la première question, à quelles autres conditions doivent répondre des photographies pour pouvoir bénéficier du taux réduit de TVA : notamment, doivent-elles présenter un « caractère artistique » ?
Des réponses claires de la CJUE
Dans ses conclusions du 7 mars 2019 (Affaire C-145/18,), l’avocat général a conclu de la manière suivante.
« Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre de la manière suivante aux questions préjudicielles déférées par le Conseil d’État (France) : »
1) « L’article 103, paragraphe 2, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, lu en combinaison avec l’annexe IX, partie A, point 7), de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’il impose uniquement que les photographies soient prises par leur auteur, tirées par celui-ci ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de 30 exemplaires, tous formats et supports confondus, pour pouvoir bénéficier du taux réduit de la TVA.
2) L’article 103, paragraphe 2, de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que les États membres ont le droit, sous réserve du respect de la sécurité juridique et de la neutralité fiscale, de n’appliquer le taux réduit qu’à certaines catégories d’objets énumérés à l’annexe IX, partie A, de cette directive, définies de manière objective et non équivoque. En revanche, les États membres ne sont pas habilités à appliquer auxdits objets des exigences supplémentaires, fondées sur des critères vagues ou laissant une large marge d’appréciation aux autorités chargées de l’application des dispositions fiscales, tels que le caractère artistique d’un objet. »
« Toute photographie réalisée dans les conditions énoncées à cette disposition et vendue dans les circonstances entraînant l’imposition à la TVA est réputée constituer un « objet d’art » au sens de ladite disposition. De même, toute personne ayant exécuté une telle photographie est qualifiée « d’artiste » au sens de cette même disposition ».