La France et les Etats-Unis ont trouvé un accord évitant une « guerre commerciale » entre les deux pays. La France (Bercy) a accepté de « geler » sa taxe sur les géants du numérique dite « taxe GAFA », en échange de la promesse américaine d’accepter le nouvel impôt mondial en cours de négociation à l’OCDE.
Le ministre de l’économie français B. Le Maire, et son homologue américain Steven Mnuchin, ont débattu de la « taxe Gafa » au Forum de Davos (qui selon Bercy, devrait rapporter 352 millions d’euros au titre de 2019 et 459 millions en 2020).
Par ministres de l’économie interposés, les présidents français (Macron) et américain (Trump) ont pas mal « ferraillé » à propos de la « taxe Gafa » que la France veut instaurer sur les géants du numérique, dont plusieurs groupes américains : Google, Amazon, Facebook et Apple en tête…, provoquant tour à tout fâcheries puis « retours en grâce ».
En « représailles » en effet, les Etats-Unis ont menacé de taxer à 100 % l’équivalent de 2,16 milliards d’euros de produits français – allant du vin, du champagne particulièrement, en passant par les fromages (Roquefort), la maroquinerie, la porcelaine de Limoges, les cosmétiques, etc. – mais les deux dirigeants ont trouvé in extremis un « compromis ». Le président français a en effet déclaré qu’il allait travailler avec Donald Trump « sur un bon accord, pour éviter toute escalade des tarifs douaniers ».
Mais n’est-ce pas là, « reculer pour mieux sauter » ? Et en parlant de « reculer », n’e serait-ce pas de la part de l’Elysée, une « reculade », la France se trouvant contrainte de plier sous la menace ? Dans l’attente d’un éventuel « accord » d’ici la fin de cette année 2020, Bercy a gelé sa « taxe Gafa » jusqu’à décembre.
« Les deux premiers acomptes de 2020 (plus de 500 millions d’euros de recettes attendues en 2020), qui devaient être prélevés en avril et novembre, sont reportés au mois de décembre », a-t-on précisé au cabinet du ministre quai de Bercy. Et B.
Le Maire d’expliquer : « les entreprises paieront leur juste taxe en 2020, soit sous un régime international s’il y a un accord à l’OCDE, soit sous le régime national s’il n’y a pas d’accord », (et l’on peut penser que les « représailles américaines » reprendront alors de plus belle !).
L’intérêt de chacun : éviter une « guerre commerciale » coûteuse
On en est plus au « coup d’éclat » de la fin 2019 ! La France avait – souvenons-nous – « tapé du poing sur la table » en taxant rétro-activement au 1er janvier 2019 les grandes entreprises du numérique à hauteur de 3 % dont l’activité est supérieure à 750 millions d’euros de recettes annuelles (la « DST », « Digital Services Tax »), afin entre autres d’exercer une certaine « pression » dans les discussions depuis des mois au sein de l’OCDE.
Le discours français était alors « ferme », une sorte « d’ultimatum » : « vous payez d’abord, on discute ensuite ! ».
Aujourd’hui, c’est plutôt l’inverse qui se produit : « discutons d’abord, vous paierez peut-être plus tard ! ».
La France aurait compris que l’objectif fondamental serait en réalité de parvenir à une « taxe internationale » acceptée par tous, et non au maintien de notre « taxe GAFA », en tendant la main aux Américains, pour gagner du temps, la confiance aussi, et éviter de s’engager dans une guerre commerciale qui aurait été tout autant stérile que coûteuse pour les entreprises françaises !
Un ministre français vindicatif
Il y a peu, le discours était plus tranché à Bercy, son locataire évoquant les nombreuses « concessions » consenties par la France ces derniers mois : « notre pays a fait des efforts considérables pour tenir compte des préoccupations américaines concernant la solution à l’OCDE », selon le ministre français et « nous attendons désormais des Etats-Unis qu’ils fassent preuve d’un sens du compromis » !
En bon « diplomate », B. Le Maire s’adapte à la situation et compte sur le temps qui lui est donné jusqu’à cette fin 2020 pour régler et peaufiner les détails !
La multiplication des « taxes Gafa » en Europe…
Les Américains n’ont aucunement l’intention, pour l’instant, de céder à la France, d’autant que la « taxe GAFA » franco-française a bel et bien « ouvert une brèche » notamment en Europe. L’Italie et l’Autriche ont mis en place une taxe similaire depuis 1er janvier, l’Espagne et la Belgique ont le même projet, et la Grande-Bretagne ainsi que la République tchèque s’apprêtent également à « passer à l’acte », comme beaucoup de pays dans le monde. Washington est donc impatiente de « neutraliser » ces taxes qui frappent fortement les grandes entreprises américaines !
Washington ne facilite pas les discussions au sein de l’OCDE, où les Etats Unis bénéficient d’une influence prépondérante. Ces derniers temps, « l’administration Trump » a tenté d’ avancer comme nouvelle base de discussion le principe d’une « taxation optionnelle », ce que la France refuse catégoriquement.
« La taxation optionnelle n’est pas une option crédible pour une solution à l’OCDE, (…) et nous n’allons pas laisser aux entreprises le choix d’être taxées ou pas » a indiqué le ministre français. Cette proposition n’est plus « à l’ordre du jour » actuellement.
Le projet de « taxe numérique internationale » de l’OCDE : « ça passe ou….ça casse » !
L’idée de l’OCDE, chargé par le G20 il y a 2 ans de négocier un accord qui s’appliquerait à la fiscalité de 136 pays représentant la quasi-totalité du P.I.B. mondial, est d’aboutir à un changement des règles d’imposition sur la base de deux grands « fondements ». D’une part, une « taxe numérique internationale », qui serait répartie au prorata de l’activité des géants du numérique dans les différents pays.
D’autre part, une « taxation minimale des entreprises » dans chaque pays, afin de ne pas désavantager les « pays émergents » craignant de faire les frais d’une négociation entre pays riches.
Un texte final devrait voir le jour en novembre 2020, avalisé par les chefs d’Etat du G20 qui se réuniront à l’automne prochain à Ryad. Dans le meilleur des cas, le « nouveau cadre fiscal » ainsi défini pourrait s’appliquer dès 2021 !
Mais les pays membres de l’OCDE et les Etats Unis en premier sont prévenus : il n’y aura pas de compromis !